Le quatrième trimestre de grossesse, qu’est-ce que c’est ?
Méconnu, le quatrième trimestre de grossesse survient après l’accouchement. Bien que la femme ne soit plus enceinte, son corps en porte encore les traces et entame une phase de transition. C’est aussi la découverte d’un nouveau rôle avec la fatigue, les joies, et les incertitudes qui en découlent. Présentation avec Ingrid Bayot, sage-femme et formatrice en périnatalité et allaitement au Québec et en Europe francophone et auteure d’un livre sur le sujet.
La grossesse, c’est bien connu, dure neuf mois soit trois trimestres. Pourtant, Ingrid Bayot vient de publier aux éditions Erès un ouvrage intitulé Le quatrième trimestre de grossesse. De quoi susciter l’interrogation. Ce quatrième trimestre de grossesse correspond en fait aux trois mois suivant l’accouchement. Une période qui regroupe deux grands "chantiers" : celui de la "dégestation" (terme inventé par l’auteure) et celui de la post-gestation.
La "dégestation", un corps en transition
La "dégestation" est une période de transition. L’accouchement est passé, mais le corps reste encore marqué par la grossesse. "Prise de poids, augmentation du volume sanguin, fonctionnement différent des organes… Le corps de la femme a accompli beaucoup de transformations pour permettre au fœtus de se développer. Après l’accouchement, l’utérus pèse encore un kilo mais les ligaments, le périnée, les grands droits etc. sont distendus et ne le soutiennent plus. Bien que le bébé soit né, le corps semble toujours « enceint ». Il chemine vers un nouvel équilibre qui n’est pas un « retour » au corps d’avant la grossesse", explique Ingrid Bayot. Ce corps en transition, inattendu et déroutant, ni enceint, ni habituel, est parfois difficile à vivre.
Cette "dégestation" peut prendre entre six semaines et trois mois, et parfois même six mois pour certains aspects comme la repousse des cheveux. La relaxine, une hormone sécrétée pendant la grossesse pour favoriser la mobilité du bassin en prévision de l’accouchement, est toujours présente. Il est donc prudent d’éviter de porter des charges lourdes pendant ce quatrième trimestre.
Les hormones toujours en action
Au cours de ce quatrième trimestre de « grossesse », la post-gestation, c’est-à-dire les premiers échanges avec bébé, et la dégestation influent l’un sur l’autre, notamment d’un point de vue hormonal. Ainsi, le peau à peau, la tétée et les échanges tendres avec son nouveau-né favorisent la sécrétion d’ocytocyne, l’hormone de l’attachement. Résultat ? L’utérus se rétracte plus rapidement, les saignements sont restreints, la mère économise ses réserves en fer. L’ocytocine améliore également la digestion.
Si vous allaitez d’autres hormones entrent en jeu. La lactation augmente la production d’endorphines qui relaxe, envoie un signal de fatigue clair et incite à prendre du repos. De plus, la prolactine multiplie par trois les phases de sommeil profond ce qui concourt à une meilleure récupération et régénération des tissus. Les réserves de graisse accumulées pendant la grossesse sont mobilisées pour allaiter. L’allaitement a un effet anti-inflammatoire qui diminue les douleurs. La mère a plus d’énergie du fait qu’elle récupère mieux, a meilleur appétit et digère mieux, elle est plus disponible pour elle et son bébé.
La post-gestation : pourvoir aux besoins du bébé
Ce deuxième "chantier" du quatrième trimestre de grossesse concerne davantage la relation au nouveau-né et la prise en charge de ses besoins. Celui-ci naît très immature et dépendant. "En tant que primate, le bébé humain fait partie d’une espèce portée. Il s’attend à l’être par sa mère. Or, depuis que l’être humain est sédentaire, il ne l’emmène plus partout avec lui. Le bébé, programmé par l’évolution des espèces, recherche pourtant toujours la proximité, la chaleur, le mouvement, la voix, les interactions variées… Bref, de quoi nourrir le développement d'un cerveau social particulièrement riche, mais vulnérable aux privations", détaille la spécialiste. Un constat qui expliquerait, entre autres, les pleurs du nouveau-né qui cherche les bras de ses parents pour être bercé et rassuré.
Un entourage bienveillant
Ce quatrième trimestre de grossesse marque la rencontre avec ce petit être et prolonge, sous une autre forme, l’attachement débuté pendant la grossesse. Mais désormais, la femme n’est plus la seule à le porter. Le papa, les grands-parents, les oncles et tantes du bébé peuvent aider. "En guise de cadeau de naissance, on peut apporter des repas que l’on a cuisinés, surveiller le bébé le temps que la maman prenne sa douche…", propose la sage-femme. En Colombie-Britannique, au Canada, Ingrid Bayot raconte que lorsqu’un bébé naît, on accroche un voile rose sur la maison ou une cigogne sur la fenêtre. Le voisinage se mobilise alors pour aider la famille. "Il y a un décalage énorme entre l’attention portée au bébé et celle portée à sa mère, ce qui peut la fragiliser. Etre entourée, se laisser gâter, s’offrir de bons moments, oser accepter le soutien des proches et ne pas avoir honte de ne pas arriver à tout gérer… ce sont là quelques clefs pour rester en équilibre", ajoute Ingrid Bayot.
Pour combattre l’isolement, elle peut aller dans un café poussette, dans des lieux d’accueil parent-enfant, voir ses amis… Et si besoin, ne pas hésiter à parler à un tiers de ses difficultés, que ce soit à la PMI (protection maternelle et infantile) ou via une association par exemple comme maman blues. Entourés d’une communauté bienveillante, les jeunes parents peuvent alors vivre plus facilement ce quatrième trimestre de grossesse, banalisé mais pourtant si crucial.
- Interview Ingrid Bayot, sage-femme et formatrice en périnatalité et allaitement