Le bio a transformé sa vie depuis plus de 25 ans, confessions et conseils de Valérie Cupillard

Valérie Cupillard dans l'herbe avec ses livres de recettes
Portrait de Valérie Cupillard par Muriel Despiau ©
Par Mathieu Doutreligne publié le
9567 lectures

Interview de Valérie Cupillard par Mathieu Doutreligne pour Bio à la Une.

Créatrice et consultante culinaire, auteur de 39 livres de cuisine bio, dont certains sont traduits en plusieurs langues et primés aux Gourmand World Cookbook Awards, Valérie Cupillard sait marier le plaisir de la bio-gastronomie et les préoccupations diététiques. Parmi ses derniers titres, on citera « Bio, Bon, Gourmand » (éd Prat), un livre conçu comme un cours de cuisine, la « bible » de la cuisine bio et « Mes assiettes végétariennes équilibrées » (éd Prat), pour cuisiner au fil des saisons et apprendre à mettre en valeur les protéines végétales.

Valérie est une spécialiste des recettes sans gluten ni produits laitiers, elle est l’auteur du 1er livre paru sur le sujet « Sans gluten naturellement » (préfacé par le Dr Seignalet), en 2002. Depuis elle a écrit de nombreux autres livres mettant en place les bases d’une cuisine alternative pour les personnes sensibles. Dans la continuité de ses ouvrages qui prônent une cuisine saine et savoureuse, elle anime le blog www.biogourmand.info

Bio à la Une : Quel est votre parcours ? Depuis quand êtes-vous convaincue par le bio et quel a été le déclic ?

Valérie Cupillard : C’est ma passion pour la cuisine qui a tracé mon chemin. Quand je me suis mise à noter mes recettes, il y a plus de 25 ans, je ne savais pas que j’étais en train d’écrire ma future carte de visite ! Les choses sont venues naturellement.

Mais tout a commencé grâce à un potager créé par mon mari quand nous avions une vingtaine d’années. C’est d’abord grâce aux saveurs des variétés anciennes de légumes et fruits du jardin que j’ai commencé à écrire mes recettes. J’ai ensuite découvert les purées d’oléagineux, les laits végétaux, les céréales sous toutes leurs formes, le tofu. C’était un champ d’exploration passionnant au niveau des textures et des saveurs. D’autant plus qu’à l’époque j’étais sensible aux laitages et donc particulièrement attirée par les alternatives végétales.
            
Le déclic pour le bio s’est donc fait grâce à ce jardin et mes convictions se sont forgées au contact des acteurs de l’agriculture bio, principalement à travers les rencontres et foires Nature & Progrès qui ont accueilli mes premiers ateliers de cuisine et dédicaces.

Intéressée par la diététique et par tout ce qui concernait la nutrition, j’ai suivi plusieurs formations complétées, en fonction de mes affinités, par d’autres enseignements (énergétique chinoise, huiles essentielles…). J’ai suivi mes intuitions pour construire mon style de cuisine et j’ai été guidé par des rencontres, celle avec le Dr Seignalet sur l’alimentation hypotoxique a été déterminante, de même que ma formation en naturopathie familiale dispensée par Dominick Léaud Zachoval (co-fondateur de l’école de naturopathie Aesculape).

J’ai partagé mon expérience autour de moi notamment à travers des cours de cuisine. La cuisine qui était une passion est alors devenue mon activité à temps plein à partir du jour où mon premier manuscrit « L’assiette végétarienne, saison par saison » a été édité. À travers mes livres, j’ai posé les bases de ma cuisine bio : adopter les laitages végétaux, utiliser les purées d’oléagineux comme des « beurres » végétaux, mettre les légumes et les variétés anciennes en valeur saison par saison, développer des recettes « sans blé » pour éviter le gluten omniprésent dans les recettes classiques, valoriser les protéines végétales, donner une vraie dimension à l’utilisation des graines germées, présenter les huiles essentielles et les eaux florales en cuisine… C’était des choix qui semblaient un peu originaux, ils sont devenus aujourd’hui très « tendance ».

Bio à la Une : Comment peut-on concilier alimentation saine et plaisir à table ?

VC : C’est ce que je cherche à transmettre dans tous mes livres. Il faut trouver l’équilibre entre la présentation de l’assiette et les parfums qui mettent en appétit, la composition cohérente au niveau « diététique » et les saveurs qui vont combler les papilles. Le résultat doit être « Bio, bon, gourmand » !

Bio à la Une : Combien de temps faut-il passer par jour dans sa cuisine ? Quel est le prix d’une alimentation saine ?

VC : Quand on aime on ne compte pas ! Le fait de cuisiner de bons produits, de savourer les recettes et le fait maison donne une autre dimension à la cuisine. Tous ceux qui ont commencé à s’intéresser à leur alimentation savent le plaisir et la satisfaction que cela peut apporter. C’est comme un cadeau que l’on s’offre mais qui prend encore plus de valeur parce qu’il nous relie à tout ce qui préserve notre environnement.

Mais comme pour beaucoup de choses, on peut dire que c’est le premier pas qui coûte. J’ai remarqué que, malgré l’envie, la décision de changer d’alimentation peut parfois être longue à prendre, c’est toute une remise en question des habitudes : des habitudes d’achat (choix des commerces, proximité des magasins…), des habitudes alimentaires (recettes routinières…) et des réflexes de consommation (grignotage, prêt à cuisiner…). Entre le souhait, la prise de conscience et le passage à l’acte, il se passe un certain temps, car c’est un investissement personnel et un petit bouleversement dans l’organisation familiale qui demandent forcément une certaine motivation.

Bio à la Une : Qu’est-ce qu’un bon régime alimentaire ? Est-ce difficile de bien manger malgré une intolérance ?

VC : Un bon régime alimentaire est celui qui « nourrit » en apportant une bonne énergie. C’est à chacun de trouver celui qui lui convient.

Une intolérance est un signal d’alerte qui permet de prendre en main sa santé, pour bien manger et y trouver du plaisir, cela demande uniquement un peu plus de curiosité. Il faut oser sortir des chemins tracés par une cuisine classique. Avec une intolérance, on ne chercher  plus à réaliser une recette à l’identique mais au contraire, on s’enrichit de la différence et c’est ainsi que naissent de nouvelles recettes sans lait, sans gluten ou sans œufs toutes aussi riches en saveurs.

Bio à la Une : Quel plat préférez-vous cuisiner ?

VC : J’aime préparer des tians parce que c’est comme un tableau, on dispose les tranches de couleur des différents légumes de façon harmonieuse, c’est aussi joli à concocter que savoureux à déguster, on y glisse des herbes du jardin, ça sent bon.

D'une manière générale, j’aime les idées très simples et rapides : préparer des crèmes crues à base d’oléagineux*, des « pâtissières » de fruits (sans gluten ni lait), des « mayonnaises » de légumes ou des crumbles salés ou sucrés.

Autrement, je prépare souvent des curry végétariens. Je ne refais jamais le même, c’est selon l’inspiration et avec un choix d’épices. Et puis, il y a mes huiles essentielles bio**, elles sont pour moi des petits flacons magiques qui me permettent de transformer mes recettes, d’apporter des parfums de voyage dans ma cuisine.

* « Tout cru » (éd La Plage)
** « Cuisiner avec les huiles essentielles et les eaux florales » (éd La Plage)

Bio à la Une : Le prix est souvent un frein important pour que les consommateurs passent au bio. Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs pour que manger bio ne coûte pas plus cher ?

VC : Les produits bio sont souvent considérés comme plus chers et c'est le cas pour certains achats si on se contente de reproduire les habitudes du conventionnel et des courses en grandes surfaces ! Mais la plupart du temps lorsqu’on part à la découverte des aliments bio, on se met à consommer autrement.

De façon raisonnable et cohérente avec l'esprit "bio", on règle nos achats sur les saisons, on achète des courges en hiver et des tomates en été.

On achète avec plus de justesse parce qu'on prend conscience de la valeur du produit. Souvent, on se met à consommer bio parce qu’on a pris conscience des  enjeux.

Certains produits non bio qui apparaissent peu chers, le sont beaucoup plus quand on pense à la facture finale après avoir calculé et additionné les répercussions environnementales. En achetant bio on apprend à ne plus penser à court terme.

Pour franchir le pas, il faut aller à la rencontre des petits producteurs qui ont construit le « bio » : un paysan, un apiculteur... ou un boulanger qui s'associe à la culture d'un blé ancien, qui travaille sa farine et prépare un pain au levain.

Quand on reprend contact avec ceux qui nous nourrissent et qui préservent la nature avec une grande conscience de sa fragilité, alors on comprend mieux la valeur des choses. Quand on a du respect pour un produit, on retrouve le plaisir de le cuisiner soi-même, ce qui est aussi une façon de réduire les coûts.

Ainsi, on se sent comblé par des biscuits bio aux céréales et éclats de noisettes alors qu'auparavant on pouvait avaler un paquet entier de biscuits non bio ! Simplement parce que ces biscuits faits de farines blanches et de matières grasses saturées n'apportaient qu'un plaisir immédiat et sucré qui ne "nourrissait" pas pleinement le corps. Les uns sont peut-être moins chers mais il n'y pas de comparaison sur la composition. Prendre soin de soi en choisissant de bons "carburants" pour notre organisme a forcément une répercussion positive sur notre santé.

La cuisine bio est de plus en plus accessible, il existe de nombreux points de vente pour trouver les bons ingrédients, à chacun de les choisir avec discernement tout en adoptant quelques astuces :

  • Choisir en fonction de la saison les fruits et légumes les plus abordables pour aménager un menu en partant du panier du marché. C’est pourquoi j’ai écrit, par exemple « Légumes bio, mode d’emploi » et « Cuisiner bio, mode d’emploi », le classement par ingrédient fait que l’on construit son repas en partant des ingrédients du placard et des légumes du moment (ce n’est pas la recette qui dicte les achats mais l’inverse !). La plupart de mes livres possèdent ce type de classement par ingrédients, c’est pratique et cela évite aussi de gaspiller.
  • Intégrer plus souvent les protéines végétales dans les menus, l’association céréale – légumineuse est une formule économique tout à fait nourrissante.
  • Penser aux graines germées, c’est un « jardin » en cuisine qui allie autonomie et économie ! Une petite quantité de graines germées offre un beau potentiel nutritionnel.
  • Eviter la consommation quotidienne des laitages et produits animaux. Et privilégier la qualité (à la quantité) en choisissant de bons produits issus de l’agriculture biologique pour mieux les savourer.
  • Aller vers des aliments le moins transformés possibles et retrouver le plaisir de préparer maison tout ce que l’on aime ! Stimuler son imagination pour mieux exploiter un légume de saison en le cuisinant de toutes les façons, transformer les moments de préparation en cuisine en instants de partage (à plusieurs on va plus vite) ou en bulles de méditation (une façon de se reconnecter à la nature et de décrocher du rythme trépidant d’une journée).

Bio à la Une : Que voulez-vous dire à nos lecteurs qui mangent bio depuis plusieurs années et à ceux qui hésitent encore ?

VC : Je sais que ceux qui mangent bio depuis plusieurs années n’ont qu’un souhait, continuer !

Pour ceux qui hésitent, je leur conseille de multiplier les rencontres, leur porte d’entrée en cuisine bio se fera peut-être par le biais d’un tout autre centre d’intérêt. Un coup de cœur pour le jardinage, un engagement pour l’écologie, un amour pour les animaux et la nature, une passion pour la naturopathie ou pour une pratique sportive et c’est autant de chemins qui mènent un jour ou l’autre à l’alimentation et à la cuisine…

J’ai créé www.biogourmand.info pour accompagner mes lecteurs, aussi j’invite volontiers les nouveaux venus au bio à tester les recettes de mon blog pour se familiariser avec les ingrédients et une autre façon de cuisiner, je répondrai à toutes leurs questions !