Au Bhoutan, le bonheur est dans le bio
Le « Bonheur National brut est plus important que le produit intérieur brut ». En 1972, cette declaration du roi du Bhoutan faisait le tour du monde. L’ONU s’est fondé sur l’expérience de développement économique bhoutanaise pour lancer en 2011, un appel aux pays occidentaux et créer la journée mondiale du Bonheur.
La protection de l’environnement est primordiale dans le royaume himalayen. Le pays qui s’ouvre pas à pas à la modernité souhaite préserver son agriculture pour tendre vers une production 100% biologique.
Imaginez un pays grand comme la Suisse, coincé entre deux géants : l’Inde et la Chine. Sur les contreforts de l’Himalaya, le Bhoutan est un gigantesque escalier qui permet de franchir 7000m de dénivelé du nord au sud à travers des plateaux et des vallées escarpées.
Ce pays a toujours choisi de préserver son indépendance, et cette géographie l’a aidé dans cette voie. Aujourd’hui encore 80% de la population vit de l’agriculture de subsistance.
« Ils sont en avance parce qu’ils sont en retard »
Jean Timsit, peintre photographe amoureux du Bhoutan a passé de long mois dans le pays où il a partagé la vie des paysans. Il est aujourd’hui membre d’un groupe d’experts des nations unies qui travaillent avec le Bhoutan sur la notion du bonheur.
« Au Bhoutan, on pratique l’écologie à la mode bhoutanaise, constate-t-il. Leur mode de vie est basé sur la philosophie bouddhiste qui est très ancrée. Pour les Bhoutanais, tout ce qui est vivant doit être respecté et protégé. C’est ce qui fonde les décisions gouvernementales. »
« Le Bhoutan est en avance sur les mutations de société, Ajoute-t-il. En occident on se rend compte que nos pratiques en matière d’environnement devront changer, c’est pourquoi la notion de «bonheur national brut » a fait le tour du monde. En fait, le Bhoutan est en avance écologiquement parce qu’il est en retard économiquement. »
Les 800 000 habitants du pays du dragon-tigre vivent majoritairement dans de petits villages (vallée de Punakha). © P. et V. de Jacquelot
Face aux changements
L’indice du Bonheur national brut se base sur quatre principes fondamentaux : la croissance et le développement économiques responsables, la promotion de la culture bhoutanaise, la sauvegarde de l'environnement, la promotion du développement durable et la bonne gouvernance.
C’est en se fondant sur ces valeurs qu’en mars 2013, lors du Sommet sur le développement durable de New Delhi, le ministre Pema Gyamtsho déclarait que dans quelques décennies, le Bouthan serait le premier pays du monde à pratiquer une agriculture 100% biologique. Mais pour arriver à ces fins, le nouveau gouvernement doit faire face à de nouvelles difficultés. L’ouverture récente au monde avec l’introduction de la parabole et de la télévision dans les foyers ainsi que le relatif développement des routes conduisent les jeunes générations à quitter les campagnes pour rejoindre Timphou, la petite capitale du sud qui ne peut leur offrir un emploi. L’agriculture de subsistance n’est plus adaptée à cette nouvelle donne et le Bhoutan doit commencer à importer des denrées alimentaires. Le riz thaïlandais est devenu beaucoup moins cher que celui qui est produit dans les vallées escarpées. Les pesticides et engrais commencent à faire leur apparition.
De plus les bouleversements dûs au changement climatique sont une menace redoutable pour le pays. En 1994, un des nombreux lacs d’altitude générés par la fonte des glaciers a cédé, causant 21 morts et de nombreux dégâts. Plus généralement, la fonte des glaciers menace les projets d’exploitation de l’énergie hydraulique qui constitue la plus grande ressource économique du pays.
Les efforts déployés par le gouvernement pour étendre la superficie de ses forêts, pour réguler les eaux, protéger les sols et préserver le climat sont nécessaires et bénéfiques pour lui même, mais également pour le monde entier. En préservant ses intérêts, le Bhoutan préserve la planète et nous montre la bonne direction. Longue vie donc, au pays du bonheur !
Le pays est fait de vallées qu’on atteint en franchissant des cols parfois très élevés (vallée de Punakha). © P. et V. de Jacquelot