“Je ne mangeais pas les produits que je vendais”, interview d’un ex-industriel de l’agroalimentaire

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“Je ne mangeais pas les produits que je vendais” Interview d’un ex-industriel de l’agroalimentaire
Par Valentine Poignon publié le
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Pendant 20 ans, Christophe Brusset a travaillé dans le domaine de l’alimentaire. Scandalisé, il dénonce dans son livre “Vous êtes fous d’avaler ça” les pires pratiques des industries agro-alimentaires. Rencontre.

À 44 ans, cet ingénieur en agronomie connaît tout des pratiques frauduleuses des grandes industries agro-alimentaires. Mentir sur les origines des aliments, réduire leur poids sans modifier le prix, fabriquer des produits bourrés d’additifs et d’arômes a fait parti de son quotidien pendant près de 20 ans. Exaspéré de ne pas commercialiser des produits simples et bons pour le consommateur, Christophe Brusset a décidé de briser les lois du silence.

"L’alimentation ne doit pas être dans les mains des industriels."

Bio à la Une: Pourquoi avoir attendu 20 ans avant de dénoncer les pratiques des industriels ?

Christophe Brusset: Étant père de famille, ma priorité est de nourrir ma famille. Je suis depuis longtemps passionné de cuisine, c’est pour cette raison que je me suis dirigé vers l’alimentaire. Mais au fil des années, j’ai commencé à réfléchir aux pratiques que mon entreprise et moi-même avions mis en place. Je me suis véritablement rendu compte que l’alimentation ne doit pas être dans les mains des industriels.

Bio à la Une: Qu’est ce qui vous a permis de sauter le pas ?

Christophe Brusset:  Après 20 années passées dans les entreprises, mon expérience s’est diversifiée et un cheminement de pensée s’est créé. Je ne voulais pas que mes enfants grandissent dans un monde où la nourriture est uniquement produite par les industries. Je souhaite que la génération future puisse toujours avoir accès à de bons produits.

Pendant un demi-siècle, la nourriture industrielle s’est installée dans le panier du consommateur. Ce dernier avait confiance en ce qu’il achetait. Mais après les scandales sanitaires de ces vingts dernières années, j’ai compris que la société était prête à entendre ce que j’avais à raconter.

"L'homme ne devrait pas manipuler la génétique pour gagner de l’argent."

Bio à la Une: Vous ne dénoncez par seulement des pratiques frauduleuses mais toute l’entreprise de l’agro-alimentaire ?

Christophe Brusset: Oui tout à fait, il ne s’agit pas uniquement de petits fraudes exercées de temps à autre par quelques entreprises. Toutes les industries agro-alimentaires recherchent uniquement à gagner de l’argent au détriment du consommateur. Le domaine dans lequel les membres de l’entreprise travaillent ne les intéressent pas. Alimentaire, automobile ou génétique, le but est avant tout de vendre.

Par ailleurs, l’homme ne devrait pas manipuler la génétique pour gagner de l’argent. Je suis contre les OGM, je souhaite que mes enfants goûtent à des produits issus de la nature et non des laboratoires.

Bio à la Une: Pensez-vous que tous les produits industriels sont à bannir ?

Christophe Brusset: Encore une fois, c’est une question d’argent. Pour faire du profit, l’industriel utilise des ingrédients dont le prix est très bas. Lorsque vous baissez les prix, vous diminuez la qualité. Pendant de nombreuses années, j’ai vendu des sauces au goût fromage sans fromages aux grandes chaînes de fastfood. Pour vendre à moindre coût et tromper le consommateur, Il suffisait d’apporter une infime quantité de camembert à la recette. De cette manière, il pensait consommer un fromage à base de camembert alors qu’il y a avant tout de l’eau, des sous-produits de lait et du sucre. C’est comme ça pour tous les produits industriels.

Bio à la Une: Faut-il donc évitez uniquement les produits transformés ?

Christophe Brusset: Les plats préparés comme les soupes déshydratées et les pâtés sont riches en additifs, stabilisants et substances chimiques. S’ils contenaient de vrais bons ingrédients, ils seraient beaucoup plus chers.

Je dirais qu’en règle général, il faut éviter tous les produits de masse qui sont fabriqués à grande échelle et ceux dont la liste des ingrédients est longue et complexe.

"Même à l’époque où j’étais dans le domaine de l’agroalimentaire, je ne mangeais pas les produits que je vendais."

Bio à la Une: Faut-il éviter les supermarchés ?

Christophe Brusset: Je suis quelqu’un comme tout le monde, j’ai une famille à nourrir. Pourtant, avec mon épouse, nous nous sommes tournés vers une consommation plus responsable. Nous devons prendre le temps de cuisiner et de choisir nos produits. Nous allons donc directement chez les producteurs pour leur assurer un revenu correct. Même à l’époque où j’étais dans le domaine de l’agroalimentaire, je ne mangeais pas les produits que je vendais.

Bio à la Une: Peut-on se fier aux produits labélisés bio ?

Christophe Brusset: Les produits que je vendais étaient bourrés de pesticides, nous étions souvent au-dessus des normes autorisées. Donc, à moins de produire soi-même ses aliments, les meilleures sources alimentaires proviennent de l’agriculture biologique. Les labels bio garantissent des produits qui ne contiennent pas de substances chimiques, ni d’OGM.

Il est vrai que le budget n’est pas le même, mais l’alimentation permet de faire correctement fonctionner notre corps, c’est important. Il y a également la dimension écologique qui est à prendre en compte lorsqu’on achète des produits. Consommer de manière responsable permet de limiter la pollution de nos terres.

Bio à la Une: Les grandes marques se mettent massivement à la vente de produits bio. Que pensez-vous de cette industrialisation du bio ? Est-ce tout de même une bonne alternative ?

Christophe Brusset: Je suis heureux de voir le bio se démocratiser. Les produits sont moins chers et plus accessibles aux consommateurs. Évidemment, la raison pour laquelle la grande distribution se met au bio est d’ordre pécunier. Les grandes marques ne militent pas en faveur du bio et de l’écologie mais souhaitent simplement se faire de l’argent. Il y a donc du bon et du mauvais.

Bio à la Une: Consommez-vous bio ?

Christophe Brusset: Évidemment. Cependant, je privilégie d’avantage les petits producteurs. Je soutiens l'agriculture française. Je sélectionne mes produits car pour moi, acheter du soda bio ne respecte pas les valeurs du bio. Je favorise les produits simples que je vais ensuite cuisiner chez moi.


Vous êtes fou d'avaler ça
Auteur : Christophe Brusset
Édition : Flammarion Documents et Essais
Prix : 19€