Le solaire prend la clé des champs
Énergie. Pour faire face à des temps difficiles, les agriculteurs se tournent en masse vers le photovoltaïque.
Promenez-vous dans les campagnes du département et vous le vérifierez : les panneaux photovoltaïques fleurissent sur les hangars agricoles comme girolles après l'ondée. Du côté de Rieux, Saint-Elix le Château, Le Fousseret, une dizaine de toitures « solaires » ont ainsi fleuri ces derniers mois.
L'agriculture est-elle si moribonde que les paysans se tournent ainsi vers une autre activité que la seule production agricole ? Éleveurs de 250 bêtes et producteurs de céréales à Montégut-Bourjac, Gilbert et Annick Aries sont formels : « Il suffit de voir le cours des céréales. Blé, maïs, soja… ils sont au plus bas. On ne couvre même plus les charges, nous travaillons pour la gloire. »
Depuis la semaine dernière, l'entreprise Castel et Fromaget a fait surgir de terre l'armature du hangar métallique sur lequel Annick et Gilbert vont installer 550 m2 de panneaux photovoltaïques. À leurs frais : 400 000 € d'investissement, un prêt sur 12 ans. Et la revente de l'électricité produite à EDF à 0,60 € le kWh qui permettra de rembourser l'emprunt. Quel bénéfice ? « On espère un revenu dans 10, 12 ans… »
Comme Annick et Gilbert, beaucoup de paysans se transforment donc en solariculteurs. Une mutation profonde dans un métier dont la vocation première, espère encore Yvon Parayre, le président de la Chambre d'agriculture de Haute-Garonne, reste de nourrir les êtres humains (lire ci-dessous) ? Pour peu que le gouvernement révise à la baisse l'attractif prix de rachat d'électricité produite et l'effet d'aubaine se tarira.
Les terres en location
En attendant, d'autres agriculteurs se tournent vers le solaire sans objectif de revente d'électricité mais par intérêt à court terme. A la sortie de Saint-Elix le Château, Laurent Abadie, un jeune éleveur s'est laissé convaincre par des collègues précurseurs de louer une partie de ses terres à Hyséo, l'une des nombreuses sociétés privées qui labourent le sillon solaire en échange du financement du hangar et des panneaux. « ça fait deux hivers que j'ai les vaches dehors. Il me fallait un hangar pour les abriter. ça m'aurait coûté 80 000 €». Hyséo paye les panneaux photovoltaïques et la structure métallique pour les soutenir qui culminera à 11,60 m dans son champ. « Au lieu de payer 80 000 € pour 800 m2, j'ai trois fois plus de surface pour rien, se félicite-t-il. Et avec les incertitudes sur le prix de rachat de l'électricité et sur la durée de vie des panneaux photovoltaïques, je minimise les risques ».
Des trois sites potentiels, Laurent a choisi le plus près du transformateur et de la ligne à haute tension sur laquelle sera raccordée sa ferme solaire. Avec ce bail à construction, il n'aura pas de retombées à long terme. De toute façon il ne cherchait pas à faire du blé.
Incertitudes sur le tarif de rachat
Le gouvernement n'a toujours pas fixé le tarif de rachat du kWh par EDF. Depuis 2006, par mesure d'incitation au développement de la filière photovoltaïque, le contrat d'achat qui lie tout propriétaire d'une installation de production électrique et EDF est très intéressant : 0,60 € par kWh pour les équipements intégrés au bâti.
Toujours en cours d'arbitrage, la révision de ce tarif à la baisse inquiète les professionnels. Le nouveau tarif de rachat pourrait baisser de 10 centimes. Compte tenu de ses coûts d'investissement, le photovoltaïque deviendrait moins avantageux pour les agriculteurs.
« Ce n'est qu'une ressource complémentaire »
La Chambre d'agriculture soutient les projets d'installation de panneaux photovoltaïque, explique son président, Yvon Parayre. Du moins certains.
Combien d'agriculteurs se sont tournés vers le photovoltaïque dans le département ?
À ce jour, une soixantaine de projets sont passés par la chambre, mais il y en a d'autres parmi les agriculteurs qui ont choisi par l'intermédiaire de l'installation de panneaux photovoltaïques de financer la construction de leur hangar. Nous, nous privilégions les projets à vocation agricole avec revente d'électricité à EDF. On s'adresse à un public qui construit son hangar à deux pentes, en partenariat avec le centre de gestion, Groupama et le Crédit agricole. Nous apportons un accompagnement juridique et technique.
Assiste-t-on à une mutation profonde de l'agriculture ou à un feu de paille ?
Le premier métier de l'agriculteur est et restera de nourrir les êtres humains. Tout le reste, c'est de la diversification. La production d'électricité n'est qu'une ressource complémentaire. Mais avec le prix de rachat qui doit baisser, si les revendeurs de panneaux et constructeurs ne baissent pas leurs prix le phénomène risque de stagner un peu. Car il faut attendre entre 12 et 15 ans avant un retour sur investissement. Quant à ceux qui ont pris l'option locative, il n'y a qu'un intérêt à court terme.
Êtes-vous favorable aux installations au sol ?
Non, nous y sommes très opposés. Le sol doit rester à l'agriculture. En revanche nous sommes très partants pour les installations sur hangars. Tant que le tarif de revente reste à 0,60 €…