Le “doggy bag”, bientôt obligatoire dans les restaurants ?
Aller au restaurant et emporter les restes de son assiette à la maison, certains le font déjà ! Mais cette pratique peine à s’imposer. Pourtant, le “doggy bag” pourrait bientôt devenir obligatoire dans tous les restaurants. Encore faut-il convaincre restaurateurs et consommateurs.
Les restaurants pourraient se voir contraints de proposer à leurs clients des boîtes hermétiques afin qu’ils puissent emporter les restes de leurs repas. C’est l’amendement adopté, mercredi 21 mars, par les députés de la commission du Développement durable de l’Assemblée Nationale. Une mesure anti-gaspi qui n’est pas la bienvenue en France et qui affole les syndicats des restaurateurs.
16 milliards d’euros perdus par an
Alors qu’en 2016, la loi recommandait l’utilisation du “doggy bag”, cette fois la mesure vise à le rendre obligatoire dans tous les restaurants. L’amendement a été voté dans le cadre d’un projet de loi “pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire saine et durable”.
Selon les députés de la commission du Développement durable à l’origine du projet, le but de l’amendement est “de généraliser une pratique existante et de réduire par deux le gaspillage alimentaire d'ici 2025”.
En effet, les restes des repas jetés par les restaurants représentent 14 % du gaspillage alimentaire en France et les clients laissent 157 grammes de restes en moyenne dans les restaurants, soit cinq fois plus qu’à la maison.
“Aujourd'hui, le gaspillage alimentaire, du champ à l'assiette, c'est 16 milliards d'euros par an perdus”, rappelle Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire LaREM et ancien responsable de l'Ademe (l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie).
Si les députés de la majorité invoquent une lutte contre gaspillage alimentaire, reste à convaincre les syndicats de restaurateurs pour lesquels la nouvelle mesure ne semble pas faire l’unanimité.
Une obligation qui fait réagir les restaurateurs
Le principe d’obligation n’a pas l’air de séduire les restaurateurs. L'organisation patronale Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) dénonce une “lourdeur réglementaire de plus” et appelle au retrait du texte. Alors que la fédération s’est régulièrement positionnée en faveur du développement du doggy bag, l’Umih estime qu’imposer cette pratique “représenterait une obligation supplémentaire venant s'ajouter à une liste déjà longue qui pèse sur la profession au quotidien”.
Appelant les députés à retirer leur amendement, Karim Khan président de la commission Développement durable de l'Umih souligne que “les restaurateurs travaillent déjà au quotidien à réduire leurs pertes, tant du côté de la préparation en cuisine que dans les retours de salle, notamment en étudiant leur carte et en adaptant leurs portions”.
Au sein de l’Umih, d’autres réactions se manifestent. “C’est une très bonne chose”, félicite Jean-Philippe Deschamps, président de la branche restauration au sein de l’Umih de la Haute-Garonne (UMIH), interrogé par La Dépêche. Selon lui, le doggy bag est voué à se développer et à rentrer progressivement dans les mœurs, à condition que les restaurateurs fassent leur part du travail.
“Il y a dix ans, aucun client ne demandait à ramener son repas chez lui. Aujourd’hui, environ six clients sur dix le font lorsque nous leur proposons. Les gens sont plus sensibles au gaspillage et au prix des choses.”
Une pratique qui peine à s’ancrer dans les moeurs
Plus courant dans certains pays asiatiques ou chez nos voisins anglo-saxons, le “doggy bag” ne s’inscrit pas dans les moeurs françaises et peine à se faire une place sur la table des français. En effet, si la tendance est à l’anti-gaspi, la boîte hermétique n’est pourtant pas la bienvenue au pays de la gastronomie.
“Ce n’est pas très judicieux de vouloir contraindre de manière réglementaire l’ensemble de la profession à acheter des “doggy bags”, d’autant que c’est une pratique anglo-saxonne qui n’est pas vraiment dans la culture française”, s’insurge Hubert Jan, président de la branche restauration au sein de l’Umih, dans Le Parisien.
Les inquiétudes des restaurateurs se manifestent également chez les consommateurs. Selon un sondage YouGov, en 2014, seulement 28 % des français ont recours au “doggy bag”. Alors que 90 % considèrent que cette pratique lutte efficacement contre le gaspillage alimentaire, 24 % d’entre eux seraient “gênés” de le demander.
"C’est vrai qu’il y a en France un frein psychologique mais c’est aussi parce que les consommateurs n’osent pas en faire la demande de peur de se faire objecter un refus, déclare Bérangère Abba, députée LREM à l’origine de l’amendement, dans une interview accordée au Parisien. L’autre raison est économique : les restaurateurs peuvent facturer le prix de la boîte aux clients, un surcoût minime mais qui peut finir d’en décourager certains.”
En imposant le doggy bag, Bérangère Abba assure que le consommateur ne sera pas obligé d’emmener ses restes mais que le restaurateur sera tenu d'accéder à sa demande. La député précise que l’appellation “gourmet bag”, plus française, pourrait remplacer le terme “doggy bag” littéralement “sac à toutou”, pas très glamour ni appétissant.
Le “doggy bag” : pas pour demain
La route est encore longue avant que le doggy bag ne s’ancre dans les habitudes des Français. Si l’amendement a été adopté par les députés de la Commission du Développement durable, celui-ci devra être validé par la commission économique et soumis à l'ensemble des sénateurs et députés de l’Assemblée Nationale à compter du 21 mai dans le cadre du projet de loi “pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire saine et durable”.
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