Environnement pollué par les antibiotiques : des bactéries gloutonnes à la rescousse ?
La résistance aux antibiotiques est une menace planétaire pour la santé. Mais certaines bactéries ne se contentent pas de leur résister : elles s'en nourrissent, ce qui pourrait à terme être bénéfique à l'environnement, selon une étude publiée lundi.
Alors que des chercheurs britanniques et américains ont récemment annoncé avoir découvert une enzyme dévoreuse de plastique, qui pourrait permettre de dépolluer les océans, une nouvelle étude révèle qu'un autre danger pour l'environnement pourrait être éradiqué dans le futur : les résidus d'antibiotiques présents dans l'environnement. Car si certaines bactéries leur résistent, elles s'en nourrissent aussi. Même si cette perspective est encore lointaine, les scientifiques espèrent que ces bactéries gloutonnes pourront un jour aider à nettoyer les sols et les cours d'eau dans lesquels ont été rejetées de fortes concentrations d'antibiotiques. Objectif : lutter contre la résistance à ces médicaments, trop abondamment prescrits, et trop souvent jetés dans l'environnement sans précautions.
"Comprendre le mécanisme qui permet de transformer un antibiotique en nourriture pourrait aider à mettre au point des bactéries capables de nettoyer les sols et les cours d'eau contaminés par ces médicaments et, ainsi, de ralentir la progression de la résistance", assurent ces chercheurs dans un communiqué.
Publiée dans la revue Nature Chemical Biology, cette étude s'intéresse à quatre types de bactéries présentes dans les sols, toutes résistantes à la pénicilline (le premier antibiotique, découvert en 1928).
Des bactéries qui se nourrissent de pénicilline à l'étude
Les chercheurs ont mis en évidence trois ensembles de gènes uniquement actifs lorsque ces bactéries se nourrissent de pénicilline, qu'elles utilisent comme une source de carbone, élément indispensable à leur survie. Dans la première étape de ce processus, ces bactéries commencent par neutraliser la partie de l'antibiotique censée être toxique pour elles. Ce type de bactéries est difficilement manipulable. Mais après avoir compris le mécanisme de leur action, les chercheurs espèrent le reproduire sur des bactéries plus dociles, comme la fameuse Escherichia coli, en les modifiant génétiquement.
Publiée dans la revue Nature Chemical Biology, cette étude s'intéresse à quatre types de bactéries présentes dans les sols, toutes résistantes à la pénicilline (le premier antibiotique, découvert en 1928).
"Aujourd'hui, il est illusoire de répandre ces bactéries sur un sol pollué en attendant qu'elles nettoient tout. Mais au moins, nous savons comment elles s'y prennent", a souligné l'un des auteurs de l'étude, Gautam Dantas, de l'université Washington de Saint-Louis (centre des États-Unis).
Résistance aux antibiotiques : 10 millions de morts d'ici 2050 si rien ne change
L'augmentation de la résistance aux antibiotiques inquiète les autorités sanitaires mondiales, et l'OMS tire régulièrement la sonnette d'alarme. En 2016, une étude britannique estimait que le développement de bactéries super-résistantes pourrait être à l'origine de quelque 10 millions de morts par an dans le monde d'ici à 2050.
Dans un rapport dévoilé en décembre, des experts de l'ONU s'alarmaient du rejet de grandes quantités d'antibiotiques dans l'environnement, via les eaux usées ou l'agriculture. Dans la lutte contre l'antibiorésistance, "on a accordé trop peu d'attention au rôle de l'environnement", notait alors Erik Solheim, directeur du Programme de l'ONU pour l'environnement (PNUE).