Environnement : Jane Goodall et Edgar Morin appellent à l'action
La primatologue britannique Jane Goodall et le sociologue français Edgar Morin lancent un appel au "sursaut" face au "désastre" qui menace la planète, dans une interview accordée au journal Libération.
La primatologue britannique Jane Goodall et le sociologue français Edgar Morin, grandes figures de la défense de l'environnement, lancent un appel au "sursaut" face au "désastre" qui menace la planète, dans un entretien au journal Libération, paru ce lundi.
Une situation "dangereuse"
Industrialisation, agriculture intensive, déforestation : "nous assistons à un désastre", martèle Edgar Morin, 97 ans, dans cette interview croisée réalisée à l'occasion du festival Climax, ce week-end à Bordeaux (sud-ouest). Au fil de longues années d'engagement, "nous avons vu tous les changements qui nous ont amenés à la situation actuelle, qui est très dangereuse", renchérit Jane Goodall, 84 ans. Elle raconte son jardin anglais autrefois rempli d'insectes désormais disparus, lui évoque en écho son "oasis de verdure" à Montpellier où "il n'y a presque plus d'oiseaux".
Destruction de la planète et de la vie
"En 1972, le rapport Meadows nous alertait déjà sur la dégradation de la biosphère", rappelle le philosophe français. "Malgré cet avertissement, on a continué à détruire la vie, la planète". "Dans certains endroits d'Australie, il n'a pas plu depuis sept ans. Ils doivent tuer tout leur bétail (...) Les ouragans sont plus violents et fréquents. Que faut-il de plus pour agir?", questionne la primatologue, mondialement célèbre pour ses travaux sur les chimpanzés.
"Nous attendons le sursaut. Et nous faisons notre possible pour éveiller les consciences. Mais c'est une lutte très dure", reconnaît Edgar Morin.
Pour Jane Goodall, "chacun attend que les autres agissent. La France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne parviennent à peu près à respecter leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre (...) mais ils exportent leurs activités sales vers la Chine ou l'Inde, puis achètent les produits finis". La Chine "fait des dégâts" mais elle sert surtout de "bouc émissaire", juge-t-elle. "Nous devrions surtout accuser l'ensemble du système politique, économique, l'industrie de l'armement et les multinationales des énergies fossiles, l'industrie du bois".
Espoir en la jeunesse
Jane Goodall voit néanmoins des raisons d'espérer dans la jeunesse, le progrès technologique, la résilience de la nature et les réseaux sociaux qui "permettent de rassembler des gens du monde entier, pour qu'ils résistent". Edgar Morin place quant à lui "de l'espoir dans l'improbable".
"La chute du mur de Berlin était improbable, et pourtant c'est arrivé", observe-t-il, avant d'espérer : "plus nous serons prêts du danger, de l'abîme, plus, peut-être, nous comprendrons qu'il faut en sortir".
Photo : © SUMY SADURNI - AFP/Archives