"Semaine du cerveau" : l'impact des écrans en question
Le déferlement d'outils numériques dans les familles questionne de plus en plus neuroscientifiques et pédiatres qui, sans "diaboliser" leur usage, ont souligné un impact sur la santé jugé préoccupant, à l'occasion de la 21e "Semaine du cerveau".
Tablettes, smartphones, jeux vidéos, réseaux sociaux : en France, chaque foyer disposait en moyenne de 5,6 écrans en 2018, d'après Médiamétrie. Hors activité professionnelle, les adultes déclaraient passer plus de cinq heures par jour en moyenne devant un écran en 2015, une hausse de 53 % par rapport à 2006, selon Santé publique France. A l'occasion de la "Semaine du cerveau", rendez-vous annuel destiné à sensibiliser le public aux avancées de la recherche sur le cerveau, des chercheurs ont montré comment les outils numériques et leur contenu émotionnel, souvent anxiogène, ont des conséquences sur l'attention, la mémoire et les apprentissages. Si aucun n'entend "diaboliser" les écrans, ils mettent en garde contre un usage incontrôlé.
Modification du cerveau chez des enfants ?
Parmi les interrogations, celle de savoir si les écrans modifient ou non le cerveau. Aux Etats-Unis, les premiers résultats d'une étude ont fait grand bruit, des chercheurs ayant observé une modification physique du cerveau chez des enfants habitués à passer plus de 7 heures par jour sur écran, sans établir toutefois de lien causal.
"Il y a de plus en plus d'études qui vont souvent dans tous les sens", commente la neuropsychologue toulousaine Stéphanie Iannuzzi, soulignant "qu'on ignore si les zones préfrontales du cerveau ne sont pas développées parce que les gens sont attirés par les jeux vidéos ou si c'est la surconsommation de jeux vidéos qui empêche ces zones de se développer à l'adolescence".
"Il n'y a pas d'effet irréversible des écrans sur le cerveau démontré à ce jour", assure de son côté le pédopsychiatre Serge Tisseron.
"Il y a de plus en plus d'études qui vont souvent dans tous les sens", commente la neuropsychologue toulousaine Stéphanie Iannuzzi, soulignant "qu'on ignore si les zones préfrontales du cerveau ne sont pas développées parce que les gens sont attirés par les jeux vidéos ou si c'est la surconsommation de jeux vidéos qui empêche ces zones de se développer à l'adolescence".
"Retard de langage"
La ministre de la Santé Agnès Buzyn rappelait à l'automne que l'exposition des très jeunes enfants aux écrans entraînait des risques pour le développement du cerveau, l'acquisition du langage et le niveau de concentration, ainsi que pour la santé, entre troubles du sommeil, de la vision, et obésité liée à la sédentarité. Mais quand le Sénat a voulu légiférer en novembre, le gouvernement a jugé que les messages sanitaires proposés pour protéger les moins de trois ans n'étaient "pas clairement étayés par des analyses scientifiques".
Selon une étude de l'Inserm publiée en décembre, 68 % des 13.000 enfants de deux ans observés regardent pourtant tous les jours ou presque la télévision. Dans un tiers des cas, l'enfant ne "réalise pas d'activités physiques à l'extérieur du domicile". Or, rappelle M. Lledo, il y a dans le développement du cerveau des périodes "critiques" pendant lesquelles "le câblage nerveux se met en place pour qu'il acquière les pièces indispensables à son fonctionnement".
"A ce stade du développement cérébral, l'expérience sensorielle est cruciale", soulignait-il lors d'une campagne sur "le bon usage des écrans", expliquant notamment que "le système visuel a besoin d'une vision à 'grand angle' pour se développer". Les médecins rappellent aussi l'importance de l'exploration de l'environnement par les tout petits. La pédiatre Sylvie Dieu Osika s'interroge sur une corrélation entre surexposition aux écrans et retard, voire absence de langage, des troubles, selon elle, en forte progression. "J'ai des enfants qui ne disent pratiquement rien mais récitent l'alphabet comme des perroquets à partir de ce qu'ils ont vu sur ordinateur", explique-t-elle.
Elle constate aussi une "altération de la motricité fine" chez des enfants de trois ans, "qui ne savent pas tenir un cube" ou encore des enfants qui regardent moins les adultes parce que l'écran "fait écran". Des problèmes qui, une fois les écrans arrêtés, disparaissent, selon elle.