Les peuples autochtones, gardiens assiégés de la nature mondiale
De l'Amazonie à l'Océanie, les peuples autochtones ont réussi par leurs savoirs ancestraux à freiner le déclin des écosystèmes, mais la pression extérieure sur ces "gardiens de la nature" est de plus en plus difficile à supporter.
Pour la première fois à un tel niveau, le rapport du groupe d'experts de l'ONU sur la biodiversité (IPBES) publié lundi intègre les savoirs, les problèmes et les priorités de ces communautés, aux côtés des contributions scientifiques classiques.
"Ils sont clairement les gardiens de la nature pour le reste de la société", insiste Eduardo Brondizio, un des auteurs principaux de ce rapport qui a nécessité trois ans de travail avant six jours de négociations plénières à Paris la semaine dernière. Ces peuples qui représentent quelques centaines de milliers de personnes réparties sur tout le globe, de l'Arctique au Pacifique, s'occupent en effet, "sous divers régimes fonciers, d'un quart des terres de la planète. Et c'est là qu'on trouve la nature la mieux conservée", précise-t-il à l'AFP. Une reconnaissance accueillie avec grande satisfaction par ces communautés parfois regardées de haut.
"Ce rapport fait entendre la voix des peuples autochtones et essaie même de la renforcer au niveau international", se réjouit Lakpa Nuri Sherpa, de l'organisation Asian Indigenous Peoples Pact.
"Le rapport prouve aux décideurs que les peuples autochtones sont ceux qui protègent, conservent, et encouragent une gestion durable de la biodiversité", indique-t-il à l'AFP.
"Ce rapport fait entendre la voix des peuples autochtones et essaie même de la renforcer au niveau international", se réjouit Lakpa Nuri Sherpa, de l'organisation Asian Indigenous Peoples Pact.
"Poule aux oeufs d'or"
Malgré tout, ces écosystèmes déclinent aussi, sous l'influence d'appauvrissement des savoirs ancestraux, du dérèglement climatique et surtout d'un changement d'utilisation des terres principalement imposé de l'extérieur. "La pression qui pèse sur eux est énorme", souligne Eduardo Brondizio.
Déforestation pour faire place à des monocultures, mines, infrastructures... "Nous repoussons constamment les frontières de l'extraction des ressources à travers le monde. Les peuples autochtones ont été repoussés par ceux qui empiétaient sur leur territoire depuis 500 ans. Mais on les rattrape à chaque fois", poursuit le chercheur.
Alors leurs représentants demandent depuis longtemps une protection.
"Si leurs droits ne sont pas reconnus, les peuples autochtones auront du mal à continuer à gérer ces ressources", plaide Lakpa Nuri Sherpa, dénonçant notamment des "accaparements de terres". Une question encore plus sensible aujourd'hui en Amazonie avec l'arrivée au pouvoir au Brésil de Jair Bolsonaro. Le discours du président brésilien orienté vers l'exploitation des ressources et les exportations "vilipende les peuples autochtones" et "méprise les richesses de l'Amazonie", estime Eduardo Brondizio, s'exprimant sur ce point à titre personnel.
"C'est comme d'utiliser la poule aux oeufs d'or pour faire une soupe de poulet", lance l'expert brésilien. A l'inverse, il plaide pour que le reste du monde tire des "leçons" de la façon dont ces communautés gèrent leurs terres. "Certaines choses peuvent être transposées à plus grande échelle", note-t-il, prenant en exemple la culture agro-forestière de l'açai, fruit énergétique en vogue. Aroha Te Pareake Mead, représentante du Forum international des peuples autochtones sur la biodiversité et les services écosystémiques (IIFBES) lors de la réunion de l'IPBES à Paris, va plus loin.
Elle est persuadée que le concept maori de "kaitiakitanga", qui décrit la responsabilité de "gardien" de la nature transmise de génération en génération, doit être adopté au niveau mondial.
"Nous aurions peut-être une chance de sauver notre planète et toute sa biodiversité", lance-t-elle.
Photo : © Mauro Pimentel - AFP/Archives