Européennes : les écologistes s'offrent une 3e place inespérée
Il a créé la surprise en contribuant, au côté des Verts allemands, à la "vague verte européenne" dimanche. La tête de liste des écologistes, Yannick Jadot (EELV), s'est offert une inespérée troisième place avec environ 13 % des suffrages.
Thème majeur des dernières semaines, l'écologie avait fait l'objet d'une tentative de préemption de la quasi-totalité des listes, à commencer par La France Insoumise, qui entendait remporter le match contre les troupes de M. Jadot. Son score est finalement inférieur de moitié. La République en Marche (LREM) avait également fait des enjeux environnementaux l'un de ses principaux chevaux de bataille, en affichant quelques prises de guerre : l'ex-EELV Pascal Canfin, numéro deux de la liste Loiseau, ou le soutien de Daniel Cohn-Bendit.
"Ce score, ça veut dire qu'au fond, il n'y a pas eu d'évasion du vote écolo", note auprès de l'AFP Daniel Boy, directeur de recherches émérite à Sciences-Po, selon qui "c'est une très grande réussite". "Il y a eu une grosse mobilisation", poursuit ce spécialiste du vote écolo, "les électeurs ont préféré ceux qui ont toujours défendu l'écologie".
La stratégie Jadot n'avait pourtant rien d'évident. Soucieux de prendre sa revanche sur la présidentielle de 2017, lorsqu'il avait dû se résoudre à faire une alliance avec le PS de Benoît Hamon, c'est en cavalier seul que les Verts avaient décidé de se lancer. Le résultat lui donne raison. Pendant la campagne, M. Jadot s'était aussi attiré les foudres des tenants de l'orthodoxie écologiste pour avoir affirmé qu'il était disposé à travailler avec les bonnes volontés social-démocrates, libérales voire conservatrices.
"Conquérir le pouvoir"
Devant des troupes survoltées réunies dans un bar de l'Est parisien largement sous-dimensionné, Yannick Jadot a considéré peu après 20H00 qu'il s'agissait d'"une vague verte européenne dont nous sommes les acteurs".
La stratégie Jadot n'avait pourtant rien d'évident. Soucieux de prendre sa revanche sur la présidentielle de 2017, lorsqu'il avait dû se résoudre à faire une alliance avec le PS de Benoît Hamon, c'est en cavalier seul que les Verts avaient décidé de se lancer. Le résultat lui donne raison. Pendant la campagne, M. Jadot s'était aussi attiré les foudres des tenants de l'orthodoxie écologiste pour avoir affirmé qu'il était disposé à travailler avec les bonnes volontés social-démocrates, libérales voire conservatrices.
Au milieu de partisans euphoriques qui lançaient "On est plus chaud que le climat", M. Jadot a en outre annoncé la création d'un "Comité citoyen de surveillance et d'initiative sur l'Europe" qui devra réunir "les acteurs de la société civile, les syndicats, les scientifiques, les entreprises et les citoyens, afin qu'ensemble nous évaluions en permanence le travail des institutions européennes". Mais c'est aussi sur le terrain de la politique nationale que les Verts emmenés par Jadot entendent asseoir leur nouveau leadership à gauche. EELV tient désormais la dragée haute à un PS en très petite forme, qui fait jeu égal avec la France insoumise (environ 6,5 % chacun), et se retrouve au centre d'une gauche toujours convalescente, dont le potentiel électoral demeure particulièrement bas.
"Il faut nous dépasser pour bâtir le grand mouvement de l'écologie politique capable de conquérir le pouvoir", a exhorté dimanche soir M. Jadot, en promettant d'associer "tous ceux qui agissent et qui veulent transformer la société".
Dans le bar où se célébrait au saumur bio ce que certains considéraient comme une victoire, l'euphorie a alors laissé place aux divergences de toujours : "Il va falloir mettre les egos de côté", souffle une sympathisante, Coline Morel, 26 ans, électrice de Hamon en 2017 et qui s'interroge "quel aurait pu être le score de ce soir si on avait été réunis, peut-être 20 %".
Un appel à l'union, notamment pour les futures municipales, qui ne fait toutefois pas l'unanimité : "L'écologie ne peut pas s’accommoder de la social-démocratie", tranche une militante encartée depuis près de vingt ans, Dominique Trichet-Allaire. Qui prévient : "On ne pourra travailler qu'avec des groupes en rupture avec le modèle productiviste, qui ont un regard critique sur le capitalisme".
Yannick Jadot, le député-militant qui a redressé l'écologie
Le député européen élu en 2009, qui s'était effacé derrière Benoît Hamon à la présidentielle de 2017, avait annoncé sa candidature aux européennes dès le mois de juillet. Durant toute la campagne, il a proclamé la "cohérence" des écologistes, refusant l'alliance que lui ont tour à tour proposée Générations (de M. Hamon) et le PS. Au cours des débats télévisés et dans ses interviews, le député européen s'est singularisé par sa connaissance des arcanes du parlement européen, et par sa combativité, rendant coup pour coup à ses concurrents et adversaires, à l'excès selon certains.
Né le 27 juillet 1967, Yannick Jadot a fait ses premières armes en politique en participant à la création du mouvement "La Déferlante" en 1986. Étudiant en économie à l'université parisienne Dauphine, il se retrouve en charge d'organiser la manifestation d'hommage à Malik Oussékine. Après des expériences humanitaires au Burkina Faso, au Gabon et au Bangladesh dans les années 1990, il intègre l'ONG Solagral (Solidarité agricole et alimentaire), spécialisée dans le suivi des négociations internationales.
Après un bref passage par la campagne de Noël Mamère en 2002, il obtient la direction des campagnes de l'ONG Greenpeace France. "Dès mon arrivée, (...) je me retrouve accroché à l'ancre d'un navire que vient d'aborder l'équipage du Rainbow Warrior II", raconte-t-il dans un livre en 2014. Il participe à la création de "l'Alliance pour la planète" et prend part au Grenelle de l'Environnement (série de réunions entre l'Etat et les associations sur l'énergie, les transports, la biodiversité) ayant débouché sur des mesures gouvernementales en 2007. Puis le militant enfile une casquette politique. Quelques coups de gueule, - l'une de ses diatribes contre le CETA (accord de libre échange entre l'UE et le Canada) fait 1,8 million de vues sur Facebook -, et son franc parler détonnent, notamment quand il appelle le gouvernement à reconnaître la "connerie" du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes.
Défenseur d'une écologie au-delà du clivage droite/gauche, M. Jadot s'est attiré les critiques virulentes de la France insoumise (LFI) et de Générations, et a jeté le trouble jusque dans son propre camp. Mais la stratégie s'est révélée gagnante devant les électeurs.
Photo : © STEPHANE DE SAKUTIN - AFP