Le groupe Total assigné en justice pour inaction climatique
C'est le premier contentieux climatique contre une entreprise française: un collectif de plusieurs villes et ONG a annoncé mardi avoir assigné Total en justice pour lui demander "d'agir de manière préventive" contre le réchauffement climatique.
Cette action judiciaire au civil devant le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), qui s'annonce d'ores et déjà longue, s'appuie sur la loi de février 2017. Celle-ci contraint les entreprises françaises employant plus de 5.000 salariés à publier un plan pour prévenir les risques en matière d'environnement, a détaillé Me Sébastien Mabile lors d'une conférence de presse.
En mars 2019, le géant pétrolier, classé parmi les 20 plus gros émetteurs de CO2 au monde, avait publié un plan de vigilance, mais les collectivités estiment que les mesures sont "clairement insuffisantes" au regard des objectifs fixés par l'accord de Paris. Ce texte de 2015 vise à limiter le réchauffement de la planète sous les +2°C et plutôt proche de +1,5°C, par rapport à l'ère préindustrielle.
Les signataires sont des Etats et non des entreprises, mais les porteurs de ce recours estiment que la justice française peut prendre en compte les objectifs du pacte climatique pour examiner les engagements et les actions de Total.
Dans son plan de vigilance, le géant pétrolier et gazier reconnaît le "risque global pour la planète" du changement climatique, détaille les émissions de gaz à effet de serre liées à ses activités et indique les actions qu'il met en oeuvre. Total développe notamment ses activités dans l'efficacité énergétique, le gaz naturel ou encore les énergies renouvelables.
Les signataires sont des Etats et non des entreprises, mais les porteurs de ce recours estiment que la justice française peut prendre en compte les objectifs du pacte climatique pour examiner les engagements et les actions de Total.
"Nous demandons au juge de rentrer dans l'analyse intégrale, point par point, du plan de prévention de Total. Est-il adapté ? Est-il à la hauteur des enjeux ?", a poursuivi Me Mabile, précisant avoir opté pour une assignation au fond et non en référé (procédure d'urgence, plus rapide).
"Trois mois de canicule par an"
A moins de deux mois des élections municipales, plusieurs élus locaux dont les maires de Nanterre (Hauts-de-Seine) et Arcueil (Val-de-Marne) ont également pris la parole pour "demander des comptes à Total", estimant être "en première ligne" dans le combat contre le réchauffement climatique.
"Nous leur demandons des comptes mais aussi des actions positives et concrètes pour nos populations et nos territoires", a insisté Patrick Jarry, maire de Nanterre.
"À Grenoble, les conséquences du changement climatique sont déjà visibles: d'ici 2050, les Grenoblois subiront trois mois de canicule par an, et la neige va continuer à disparaître l’hiver. Les glaciers fondent, les montagnes s'effritent", a dénoncé Eric Piolle, le maire écologiste sortant de Grenoble.
Plusieurs représentants des ONG à l'origine du recours, dont Sherpa ou France Nature Environnement, se sont joints aux critiques des maires, rappelant que Total était "légalement tenu d'évaluer les risques et prendre des mesures qui s'imposent". Dès juin 2019, ils avaient mis Total "en demeure de prendre des mesures nécessaires pour prévenir les risques majeurs liés au changement climatique".
De son côté, le groupe Total affirme "regretter" la démarche engagée par les collectivités et les associations "alors que des solutions pour répondre à la fois au besoin d'une énergie accessible à tous et aux enjeux du changement climatique nécessitent une coopération entre les différents acteurs".
Outre le développement d'énergies moins polluantes, le groupe met en avant ses investissements dans des puits naturels de carbone (forêts...) et dans le CCUS (captage, stockage et valorisation du CO2) ou encore ses efforts pour limiter ses fuites de méthane, un gaz très nocif pour le climat. Aux Etats-Unis, des villes, des comtés et des Etats ont déjà porté plainte contre des groupes pétroliers pour réclamer le paiement des dégâts ou des travaux rendus nécessaires par le réchauffement climatique.
Le géant ExxonMobil a notamment été poursuivi par l'Etat de New York, qui l'accusait d'avoir trompé les investisseurs sur l'impact financier du changement climatique. Mais le juge a débouté l'Etat en décembre, estimant qu'il n'avait pas réuni suffisamment de preuves.
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