Le sud-est du Brésil à la merci du dérèglement climatique
Des précipitations record dans le sud-est du Brésil ont fait plusieurs dizaines de morts ces dernières semaines, des drames causés par des phénomènes climatiques extrêmes aggravés par une mauvaise gestion de l'urbanisme dans la zone la plus riche et la plus peuplée du pays.
Fin janvier, plus de 50 personnes sont décédées lors de pluies diluviennes dans l'Etat du Minas Gerais, à l'intérieur des terres, au Brésil. Un mois plus tard, c'était au tour des régions littorales, avec 21 morts et 28 disparus près de Sao Paulo et 5 décès à Rio de Janeiro. Avec à chaque fois les mêmes images de chaos et de détresse, avec des zones d'habitations précaires dévastées par des glissements de terrain et des rues transformées en torrents où les habitants sont évacués en canot pneumatique.
"L'eau a envahi ma cuisine, la salle de bains, les chambres, tout. J'ai tout perdu", a raconté à l'AFP Ivone Cardoso, 65 ans, en évacuant l'eau et la boue de sa maison, dans le quartier de Realengo, à Rio de Janeiro.
"Été des extrêmes"
Lors des deux premiers mois de l'année, les volumes de précipitations ont battu tous les records dans le sud-est du Brésil. Les orages sont fréquents à cette période qui correspond à l'été brésilien, mais pas d'une telle intensité.
"Nous avons observé une augmentation d'événements météorologiques extrêmes, avec des volumes de précipitations prévus normalement sur plusieurs jours atteints en moins de 24 heures", explique à l'AFP Andrea Ramos, de l'Institut national de Météorologie (Inmet). "C'est l'été des extrêmes, avec une première moitié de saison plus sèche que d'habitude (en décembre et début janvier) et une deuxième très pluvieuse", explique Marcelo Seluchi, du Centre de contrôle des désastres naturels (Cemaden). Les spécialistes considèrent qu'il est trop tôt pour attribuer directement ces phénomènes météorologiques au réchauffement de la planète, faute d'études scientifiques détaillées. Mais ils constatent d'ores et déjà que la situation actuelle est sans précédent.
"Le réchauffement climatique est indéniable et notre planète est plus humide qu'il y a 50 ou 100 ans. Cela signifie que les mêmes phénomènes météorologiques peuvent provoquer des précipitations plus intenses", souligne Marcelo Seluchi.
Logements précaires
Mais la situation ne serait pas aussi dramatique si la croissance urbaine effrénée avait été accompagnée d'une vraie politique pour éviter l'établissement de logements précaires, souvent bâtis sans permis de construire. M. Seluchi estime que plus de la moitié de la population des capitales des quatre Etats du sud-est (Rio, Sao Paulo, Minas Gerais et Espirito Santo) vivent dans des zones à risque.
"Dans 80 % des cas, ce sont des personnes vulnérables, vivant dans des habitations très précaires, dans des lieux à forte densité de population, avec beaucoup d'enfants et de personnes âgées", précise-t-il. Le maire de Rio Marcelo Crivella a provoqué un tollé en affirmant dimanche sur les réseaux sociaux que la population de ces zones à risque était responsable des problèmes parce qu'elle décidait de s'installer près de cours d'eaux pour y jeter les ordures. Le lendemain, un habitant sinistré lui a jeté de la boue au visage. L'incurie des pouvoirs publics a également été pointée du doigt à Guaruja, une des villes les plus touchées par les pluies torrentielles, dans le littoral sud de Sao Paulo.
"Des gens de la mairie savaient qu'on vivait dans une zone à risque, ils savaient qu'il allait beaucoup pleuvoir, mais n'ont pas fait évacuer les habitants", déplore Yago de Sousa Nunes, 24 ans, dont trois membres de la famille ont été portés disparus après avoir été ensevelis par une coulée de boue. Pour Henrique Evers, responsable de l'antenne brésilienne du think tank américain WRI (World Resources Institute), "le meilleur moyen de résoudre ce problème est de mettre en place une vraie politique de logements sociaux, dans des zones mieux desservies par les services publics".
Même si certaines initiatives, publiques ou privées, commencent à aller dans ce sens, "le Brésil a encore un long chemin à parcourir dans ce domaine", conclut-il.