Quels masques à la sortie du confinement ?
Les masques grand public font désormais partie de l'"arsenal des mesures" contre le Covid-19. Mais à l'approche du déconfinement, difficile de savoir si tous les Français qui le souhaitent pourront s'en procurer.
Au début de l'épidémie, en France comme dans de nombreux pays occidentaux, les gouvernements répétaient que le port généralisé du masque, denrée alors très rare, était inutile. Au fil des semaines, le discours a changé, renforcé par le fait qu'une part significative des personnes contaminées développent peu, voire aucun symptôme.
En France, les masques de protection sanitaire sont toujours destinés en priorité aux soignants, et peut-être bientôt aux malades, mais l'idée d'un produit "alternatif" en tissu pour la population générale s'est développée.
Un masque qui doit répondre à certaines normes
"Le masque grand public peut participer à l'arsenal des mesures visant à nous protéger d'une épidémie", a déclaré dimanche le ministre de la Santé Olivier Véran. Il pourrait même devenir obligatoire dans les transports en commun. Pour préparer cette transition, fin mars, l'association de normalisation AFNOR a mis au point un guide d'exigences minimales, de confection et d'usage de ces masques.
"On propose des éléments utilisables par chacun", dans des "démarches industrielles, artisanales ou 'Do it yourself'", a expliqué son directeur général Olivier Peyrat. Ces masques, qui ne dispensent pas de la distanciation sociale et des gestes barrières, doivent filtrer au moins 70 % des particules de 3 microns émises par le porteur, tout en permettant une "respirabilité" suffisante pour quatre heures d'utilisation maximum. Deux critères cruciaux pour obtenir une homologation.
Pas de masques pour tous avant des mois ?
La filière textile s'est saisie de ce document pour se reconvertir dans la fabrication massive de ces protections. "On prévoit une production d'environ 17 millions de (ces) masques par semaine en France", a assuré le ministre de la Santé. Cela sera-t-il suffisant au moment du déconfinement ? Ca dépend du nombre de Français qui l'adopteront. "On n'aura pas de masques pour tous avant des semaines, voire des mois", déplore Michaël Rochoy, médecin généraliste fondateur du collectif "Stop postillons". Ces protections en tissu sont certes lavables, mais pas à l'infini pour préserver leur efficacité (entre 5 et 20 fois selon les modèles) et il en faut a priori plus d'un par personne.
"Il en faut deux ou trois par jour, ça dépend de ce que vous faites, si vous êtes dans un open space, un atelier, un magasin ou dans un bureau indépendant", commente Yves Dubief, président de l'Union des industries textiles.
Lavage, séchage, repassage
Et puis il en faut suffisamment pour pouvoir appliquer les consignes de lavage (à 60°C pendant 30 minutes), séchage et repassage à 120/130°C. Et malgré la mobilisation de quelque 600 entreprises du secteur, la capacité de production en France ne pourra pas aller au-delà "avec le personnel disponible", explique-t-il à l'AFP. A moins de faire appel à des ateliers à l'étranger.
Cette production industrielle est pour l'instant destinée aux entreprises qui veulent équiper leurs salariés et aux collectivités territoriales. La ville de Paris a promis de distribuer gratuitement d'ici mi-mai 2 millions de masques aux Parisiens, pour un coût de 3 millions d'euros.
Mais à terme, il faut "qu'on puisse acheter des masques n'importe où comme des mouchoirs en papier ou des capotes", a plaidé lors d'une conférence de presse le pneumologue Bertrand Dautzenberg.
Difficile pour l'instant, répond Yves Dubief. Des groupements de pharmaciens y réfléchissent mais pour la grande distribution, c'est compliqué : "on est dans un produit de gros, il n'y a pas d'étiquettes sur les masques, pas de code barre".
En attendant, avec "une bobine de fil, une aiguille, trois vieilles chemises et deux vieux t-shirts, chaque Français peut en avoir" au moment du déconfinement, souligne le Pr Dautzenberg. Son site montissumasque.com propose comme beaucoup d'autres un tutoriel de fabrication maison selon les règles de l'AFNOR, en trois couches de tissu.
Porter un écran pour se protéger et protéger les autres, essentiel
L'Association de normalisation doit publier cette semaine des résultats de tests sur des matériaux que chacun peut avoir chez soi. Homologué ou non, il faut que "tout le monde porte un écran pour protéger tout le monde", martèle le Dr Rochoy, attirant l'attention sur les conseils des Centres américains de lutte contre les maladies. On peut notamment trouver sur leur site un modèle de masque sans couture ni élastique, en découpant un T-shirt.
Les utilisateurs doivent juste prendre quelques précautions dans sa manipulation, et ne pas le toucher sans arrêt, pour ne pas s'auto-contaminer. Il suffit de leur expliquer les "bonnes pratiques", note Marine Prevet, du réseau "Couturières solidaires". "Les Français sont capables d'apprendre à conduire une voiture, à allumer le gaz. Ils sont capables d'apprendre à retirer un masque en le prenant par l'élastique".