En Laponie, le péril du changement climatique pour les éleveurs de rennes

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En Laponie, le péril du changement climatique pour les éleveurs de rennes
© Jonathan NACKSTRAND - AFP
Par AFP /Relaxnews publié le

Le changement climatique force les éleveurs à chercher toujours plus loin de nouveaux itinéraires pour trouver le lichen, principale source de nourriture des rennes en hiver.

Avant, la menace venait des lynx, des carcajous et autres aigles des forêts, lorsque l'hiver les rennes partaient en transhumance sur les terres glacées de Laponie suédoise pour trouver de quoi se nourrir. Maintenant, le danger c'est le changement climatique, qui force les éleveurs Margret Fjellström et son mari Daniel Viklund à chercher toujours plus loin de nouveaux itinéraires pour trouver le lichen, principale source de nourriture des cervidés en hiver. Une errance qui bouscule les traditions séculaires de la minorité autochtone sami, seule autorisée à élever des rennes en Suède, et qui coûte en temps et en argent.

En ce matin de février, sous des températures frôlant les -20 degrés, le couple, qui élève des centaines de rennes, surveille son troupeau s'enfonçant dans les terres boisées et enneigées riches de la précieuse mousse. Cette année, ils ont dû faire faire un parcours plus long qu'à l'accoutumée pour trouver un terrain comme ce flanc de colline enneigé aux confins d'Örnsköldsvik (nord), sur les bords de la mer Baltique. Le trajet a pris deux fois plus de temps.

"Il n'y a plus de logique !"

"Le plus grand problème aujourd'hui, c'est le changement climatique", explique Margret, 39 ans. Lorsque les chutes de neige étaient régulières, ses parents pouvaient planifier les déplacements de leurs rennes, suivant les mêmes itinéraires année après année, au gré des changements de saison.

Désormais, la transhumance et l'errance des rennes en montagne et dans la plaine se heurtent aux fantaisies de la météo, qui fait alterner périodes de froid et de redoux, gelant le sol d'épaisses couches de glace et empêchant les rennes d'accéder au lichen. "Il peut pleuvoir en janvier, il peut neiger en mai, il n'y a plus de logique", poursuit-elle.

"Il n'y a plus de logique !"

"Le plus grand problème aujourd'hui, c'est le changement climatique", explique Margret, 39 ans. Lorsque les chutes de neige étaient régulières, ses parents pouvaient planifier les déplacements de leurs rennes, suivant les mêmes itinéraires année après année, au gré des changements de saison.

Des drones pour suivre les cervidés

Chaque hiver, Margret et Daniel mènent leurs rennes de Dikanäs, un village des contreforts des Alpes scandinaves situé à 800 kilomètres au nord de Stockholm, jusqu'aux plaines d'Örnsköldsvik. Pour dénicher les zones riches en lichen, ils passent deux mois à explorer des espaces souvent inconnus, avant d'y conduire depuis les pâturages d'été leur troupeau. Il doit en chemin braver autoroutes, parcs éoliens et autres projets hydroélectriques.

Tantôt en camion pour transporter le cheptel sur la parcelle d'hiver, tantôt en motoneige à travers les forêts, ils suivent aussi les cervidés à l'aide de colliers GPS.

En cette journée d'hiver, son chien à ses côtés, Daniel, proche de la quarantaine, observe le troupeau disparaître dans la forêt, avant de lancer un drone qui lui permet de suivre ses bêtes lorsqu'il n'y a pas assez de neige pour utiliser la motoneige. Munie de haut-parleurs, la machine émet des aboiements pour avertir le troupeau d'une zone de danger comme les routes ou les éoliennes, dont le bruit effraie les rennes. 

Le réchauffement climatique, une menace pour le peuple Sami

Les éleveurs de rennes samis et leurs troupeaux sont particulièrement "vulnérables" au changement climatique, estiment des chercheurs comme Gunhild Rosqvist, qui étudie ses effets dans les environnements montagneux et polaires à l'Université de Stockholm. Le peuple Sami (ou Sames et autrefois appelés "Lapons") compte 80.000 à 100.000 personnes dans les contrées de l'Arctique en Suède, Finlande, Norvège et Russie.
Sur tout le Septentrion nordique, les rennes sont domestiqués pour leur viande, leur fourrure et leur bois destinés à l'artisanat, et parfois évoluent à l'état sauvage comme en Norvège. Le "réchauffement climatique altère les conditions de la végétation, menace le bien-être des rennes et leur accès à la nourriture", rapportait en 2019 une étude de l'Université d'Oulu en Finlande et du Centre pour la recherche environnementale de l'Université de Laponie.

Et par là, l'équilibre économique de la population liée à l'élevage de rennes. Margret Fjellström et Daniel Viklund ont dû réduire leur troupeau pour s'assurer que chaque animal ait de quoi se nourrir. Quand il n'y a pas assez de lichen, ils doivent compléter avec du fourrage, beaucoup plus onéreux.