Le Calendrier de l'Après: 2021 : Détourism ! Les leçons de l'année passée peuvent-elles nous aider à mieux voyager ?
Alors que 2020 a mis un terme à tous les voyages sauf les plus essentiels, et forcés hôtels, monuments, compagnies aériennes, musées et restaurants à se réinventer, c'est peut-être l'occasion d' imaginer des formes nouvelles de tourisme qui satisfassent le voyageur sans être destructeur pour la planète ?
Soudainement, le ciel s'est vidé de ses avions. Les trains ont roulé vides et chacun s'est retrouvé, assigné à la maison. L'industrie touristique a été mise à l'arrêt ou presque, et notre identité de voyageur profondément transformée. En résidence surveillée, nous avons redécouvert la nature autour de nous, l'émerveillement de proximité. Et ces longs mois devraient durablement modifier notre façon de voyager en 2021.
On avait bien senti un début de prise de conscience des touristes sur l'impact environnemental de leurs pratiques avec le mouvement "flygskam" et une adoption progressive du tourisme durable par l'industrie, lorsque le tourisme international s'est arrêté.
Et soudainement, nous sommes entrés dans l "anthropause" , cette période de réduction significative de l'activité humaine. Nous avons dû observer le monde extérieur de l'intérieur, à travers des écrans. Et ce que nous avons vu, dans les villes désertées, nous a fasciné : des dauphins nageant dans des eaux moins polluées en Italie et près d'Istanbul, des canards dans les rues de Paris, des biches dans les villes moyennes...Et des oiseaux, partout, profitant du silence pour exercer leurs chants.
Les scientifiques qui étudient les effets de cette anthropause sur les écosystèmes soulignent combien la relation entre l'homme et la nature s'en trouve bouleversée. Nous avons appris cette année que l'observation de la faune n'est pas seulement associée à un lieu exotique ou éloigné. En restant à la maison, nous avons commencé à discerner la nature qui nous entoure. L'observation des oiseaux, des plantes dans notre routine quotidienne nous a permis d'aborder ces environnements avec un regard neuf. Et ce dessillement est décisif.
Et soudainement, nous sommes entrés dans l "anthropause" , cette période de réduction significative de l'activité humaine. Nous avons dû observer le monde extérieur de l'intérieur, à travers des écrans. Et ce que nous avons vu, dans les villes désertées, nous a fasciné : des dauphins nageant dans des eaux moins polluées en Italie et près d'Istanbul, des canards dans les rues de Paris, des biches dans les villes moyennes...Et des oiseaux, partout, profitant du silence pour exercer leurs chants.
Tandis que les uns tentent de satisfaire notre nostalgie, une société britannique spécialisée dans les vacances "sans vol" s'efforce, elle, de répondre à l'évolution de nos demandes : "vouloir éviter les aéroports bondés, passer des vacances plus près de chez soi, faire l'expérience de la nature et soutenir les entreprises locales".
Les hotels ont eux aussi tenté de se réinventer. En lançant des tarifs et des offres spéciales pour ceux qui voudraient en faire leur bureau à domicile temporaire pendant un certain temps, pour les nomades hybrides qui entendent profiter des services et d'un nouvel environnement... Cette transformation pragmatique indique combien les frontières se sont estompées entre le bureau, le domicile, et la résidence de vacances. Comme si chaque espace pouvait maintenant servir à plusieurs fonctions...
Le voyage intérieur
Privés de voyage, nous en avons mieux compris ce que nous cherchons dans ces départs : changer de décor, explorer , apprendre, tester de nouveaux aliments, s'en vanter sur les médias sociaux, créer des liens, se détendre... Avec des niveaux d'épuisement qui montent en flèche, en particulier cette année où les écrans et le travail sont omniprésents dans nos vies, nous cherchons désespérement comment nous reposer. Et cette fois, au lieu de prendre un vol local pour nulle part, nous pourrions faire un voyage intérieur vers quelque part.
Les leçons de l'année 2020 ont ouvert la voie à une telle contemplation. Au début de la pandémie, le philosophe et auteur Alain de Botton a abordé pour le FT la question de savoir comment nous pouvons tirer certains des avantages psychologiques et existentiels du voyage en marchant pendant 8 minutes ou en repensant tout simplement à nos précédents voyages.
Entre souvenirs et rêveries. Pour Pinterest, on observe déjà une nouvelle tendance où "les rêves sont les nouvelles évasions". Comme si nous avions fini par nous lasser des photos d'ailleurs parfaitement cadrées et lissées avec leurs filtres répétitifs.
Contrecoup des facteurs d'influence des voyages
Globalement, c'est tout le tourisme lié à Instagram et aux influenceurs qui était déjà questionné. En septembre 2019, James Asquith s'interrogeait déjà dans son essai : "Have Instagram Influencers Ruined Travel For An Entire Generation ? " Il remarquait notamment que les images aperçues sur les plateformes sociales étaient finalement plus une fiction qu'un reportage sur la destination. Retouchées et éditées, elles servaient à faire du joli, plus qu'à découvrir du local, participant à la déconnexion entre l'image et la réalité : "Nous découvrons ces destinations étonnantes comme spectateurs, et si nous y allons réellement en voyage, nous sommes déçus de constater que cette destination le cliché idéal qu'on nous a présenté ", note-t-il dans son essai. Comparé à la photo parfaite d'Instagram, notre voyage entraîne une déception. Car "le monde n'est pas parfait et cela devrait être apprécié", souligne-t-il.
Voyager lentement, faire des détours et rester immobile
Y a-t-il donc un moyen de mieux voyager ? Pouvons-nous devenir des touristes et des voyageurs en conscience ? La perte de la liberté de circulation cette année a poussé de nombreux voyageurs, comme l'agent immobilier new-yorkais et grand voyageur Rob, 34 ans, à faire un examen de conscience : "L'année dernière nous a montré à quel point cette liberté [de voyager à l'étranger] peut être fragile et je pense que pendant longtemps encore, je ne la tiendrai pas pour acquise et j'espère que mes compagnons de voyage ne le feront pas non plus...".
En comprenant combien chaque voyage est précieux, nous pourrions délaisser le fast tourism pour privilégier le slow tourism, prôné depuis des années par les écologistes notamment. Prendre le temps de s'immerger dans son environnement, d'explorer ce qui se trouve à proximité, manger local, soutenir les artisans locaux, se concentrer sur les expériences au lieu de prendre l'avion pour consommer des vacances à la plage à l'autre bout du monde comme on le ferait pour un repas de fast-food, comme le décrit l'anthropologue des voyages Saskia Cousin.
Alors que cette année touche à sa fin, certains signes montrent que l'industrie tient compte de cette évolution, comme en témoignent les nouvelles initiatives prises dans le monde entier, notamment en Australie et en Inde, qui favorisent les séjours longs.
Une autre approche qui pourrait devenir particulièrement pertinente dans le monde post-covid est celle du Detourism, qui est étroitement liée et qui, selon l'historien français Sylvain Venayre, consiste à explorer son environnement, se faire touriste dans sa propre région, suivre le courant, aller là où la journée vous mène et s'ouvrir aux rencontres fortuites. Il s'agit de suivre le chemin le moins fréquenté plutôt que de se rendre dans les principales destinations touristiques du monde pour simplement cocher une liste ; il s'agit de vivre une expérience plus personnelle, et non de comparer ce que vous voyez pendant votre voyage à ce qui se trouve dans votre flux de médias sociaux.L'intérêt croissant pour la vente et la location de camping-cars pourrait être un signe que ces voyages sont de plus en plus attrayants pour un nombre croissant de personnes.
Cette année folle, d'enfermement et de périmètres contrôlés, d'oiseaux du matin, et de bourgeons en fleurs, aura remis les petits riens dans la liste de nos émerveillements. Et pourrait faire des touristes pressés que nous étions, des voyageurs curieux. Let's détourism.