Tout savoir sur le maternage proximal
Il n’est pas rare que le lien qui unit un parent et son enfant puisse parfois frôler la fusion. Mais ce type de relation ne doit pas être confondu avec le maternage proximal, qui répond à des techniques précises, et à une véritable démarche. Petit tour de la question avec Dr Anaïs Ogrizek, pédopsychiatre à la Maison de Solenn, à Paris.
Le maternage proximal, qu’est-ce que c’est ?
Avant de se pencher sur ce qu’il implique, il convient de définir ce qu’est le maternage proximal. Ce dernier se base sur la notion d’interaction entre un parent et son enfant. Une interaction qui, selon Dr Anaïs Ogrizek, s’appuie sur « des voies de communications tactiles, kinesthésiques et rythmiques (Stork, 1986) ».
Le maternage proximal est ainsi incarné par des gestes comme « la manipulation du corps du bébé par le parent via des massages stimulants, du peau-à-peau, un portage (souvent tonique et dorsal), un allaitement exclusif tardif, du cododo [partage de chambre ou de lit] et une moindre sollicitation du regard du bébé, souvent à visée de protection en lien avec des croyances culturelles ancestrales. »
Des origines ancestrales
Car oui, le maternage proximal ne surfe pas sur une tendance, et n’est encore moins un nouveau concept. Selon la pédopsychiatre Dr Anaïs Ogrizek, « le maternage proximal est avant tout une technique de maternage culturelle, pratiquée initialement dans le monde non occidental dit « monde sans berceau » (Mauss, 1934). »
Des origines ancestrales
Et si, dans certaines cultures, le maternage proximal permet « la poursuite par le parent de ses activités quotidiennes (travail au champ, prise en charge du foyer etc…) tout en permettant d’assurer la prise en charge de son bébé (via le portage actif dorsal par exemple) », en France, des moyens comme "le congé parental" ont été développés favorisant la pratique d’un maternage plus distal.
Un équilibre favorisant le maternage distal aurait été construit dans nos sociétés occidentales, mais est-ce à dire que le maternage proximal n’est pas compatible pour autant ? Les choses sont probablement plus profondes qu’il n’y paraît.
Ainsi, quels seraient les bienfaits d’une telle pratique ?
Les bienfaits du maternage proximal
Contrairement à une relation « trop » fusionnelle entre un parent et son enfant, dont les conséquences ne sont pas toujours bonnes, le maternage proximal est, pour Dr Anaïs Ogrizek, « une technique de maternage ancestrale et saine ».
Une technique ancestrale, qui fait appel à une stimulation et à un développement à la fois corporel et moteur de l’enfant, mais pas seulement. « Sur le plan olfactif, il [l'enfant] est fortement baigné dans l’environnement quotidien de son parent et son odeur corporelle lors du portage. Sur le plan gustatif, il est également très imprégné de certaines saveurs de l’alimentation de sa mère (les épices, par exemple) via le lait maternel lors de l’allaitement. »
Un éveil de toutes part qui se complèterait, selon Dr Anaïs Ogrizek, d’une propension à « selon certaines études, favoriser l’acquisition plus précoce de certaines compétences par l’enfant (marche, propreté) plutôt que d'autres (regard, langage) (Bril & Lehalle, 1988 ; Guidetti et al., 2002). Cependant, in fine, les études montrent une homogénéisation des acquisitions chez l’enfant, peu importe le mode de maternage adopté par le parent (Whiting et al., 1979 ; Whiting & Child,1953). »
Le maternage proximal, une pratique à durée limitée ?
Si, parmi les pratiques que peut développer le maternage proximal, l’allaitement exclusif tardif peut être évoqué, l’OMS considère que de manière exclusive, allaiter son enfant est recommandé jusqu'à six mois (puis jusqu’à 2 ans). Est-ce à dire que le maternage proximal dans sa globalité a une durée limitée ?
Selon Dr Anaïs Ogrizek, la vision de la société a un rôle à jouer : « Notre intentionnalité, dans la culture occidentale, de vouloir travailler la séparation et l’autonomisation de l’enfant à tout prix et très précocement, est très culturellement normative, et calée sur des normes individualistes. Le mode de maternage proximal, lui, s’ancre dans des sociétés au fonctionnement collectiviste pour lesquelles l’ancrage au groupe, dont la mère constitue l’essence, est le principe fondamental sans limite d'âge. »
Dans cette perspective, lorsque le lien à la mère est considéré comme suffisamment constituée et solide, à savoir habituellement après l’acquisition de la marche [...] l’enfant est considéré comme prêt pour découvrir le monde, et peut vaquer relativement librement à ses occupations au sein de la communauté, toujours présente et soutenante autour de l’enfant dans une forme de prolongement communautaire du maternage proximal»
Quel avenir pour le maternage proximal ?
Le maternage proximal est une technique ancestrale, mais est-elle vouée à durer ? Selon Dr Anaïs Ogrizek, il faut, comme toutes les pratiques que cette dernière suive les fluctuations d’une société, d’un mode de vie, d’une famille : « en termes de culture tout est question de transmission, d’adaptation et d’évolution et il est donc normal que le maternage évolue en conséquence. »
En France, le maternage distal commence peu à peu à se transformer, à s’intriquer à des techniques plus proximales de maternage appuyé par « une forme de métissage des techniques de maternage, en lien avec les brassages de populations, les évolutions socio-culturelles et également l’émergence de nouveaux modèles familiaux (co-parents dans le contexte de couple homosexuels). »
Pour l’avenir, le métissage semble donc, selon la pédopsychiatre, un point sur lequel il pourrait être intéressant de se baser, afin de se sentir libre de constituer « son propre type de maternage en lien avec ses propres affiliations culturelles, ses propres contraintes environnementales, son propre modèle familiale et ses propres envies ! »
Et si au fond, ça n’était pas ça, la meilleure des relations ?