Manger Bio : entre doutes, certitudes et convictions
Une étude américaine essaie de démontrer que le bio ne présente pas d’avantage particulier pour l’organisme et notre santé. Quels arguments sont mis en avant ? A-t-elle raison ou tort ?
Crystal Smith-Spangler, directrice de l’étude, explique : « en dépit des idées reçues, nous n’avons pas pu prouver que les produits bio présentaient de réels avantages nutritifs comparés aux aliments dits conventionnels ». Explication sur une polémique qui enfle.
Le bio remis en question
Les résultats d’une étude scientifique américaine de l’université de Stanfort ont été publiés le 3 septembre dernier dans la revue Annals of Internal Medecine. Cette étude regroupe l’analyse de 17 projets de recherche réalisés sur des hommes et plus de 200 sur des aliments. Elle révèle deux choses. Premièrement, que les produits Bio ne possèdent pas plus de vitamines, de minéraux ou de protéines que les autres. Deuxièmement, que les aliments non-bio ne sont pas nécessairement plus pollués que les autres. Consommer bio n’aurait donc aucun d’impact sur la santé.
Cette révélation casse le mythe du Bio et abaisse l’argument phare des professionnels de l’alimentation organique. Est-elle pour autant fondée ? L’enjeu est de taille et l’étude s’attaque à un marché est pleine croissance.
L’étude montre que les aliments Bio ne possèdent pas plus de nutriments que les autres, ne sont pas plus nutritifs, mais possèdent légèrement plus d’antioxydants. Ils contiennent moins de résidus de pesticides et de bactéries résistantes, même si aucun aliment traditionnel ne dépasse les limites instaurées par les autorités sanitaires. Avec ou sans pesticides, la différence est faible, car les réglementations d’hygiène sont déjà assez strictes pour empêcher tout risque.
Les résultats montrent en revanche que tous les fruits et légumes ne se valent pas. Une différence se crée, non pas par le type de culture employé, mais davantage par la composition du sol, les aléas génétiques de l’aliment et l’état de maturité/fraicheur.
Le bio déjà critiqué
En 2003, l’agence française de sécurité sanitaire (Anses) pointait du doigt un écart faible entre les deux catégories de produits. Une étude anglaise de 2009 avait également soulevé la polémique. Déjà les chercheurs affirmaient : « il n’y a pas de preuve de différence en matière de qualité nutritive entre les aliments issus de l’agriculture biologique et ceux provenant de l’agriculture conventionnelle ».
De son côté, le journaliste et docteur en médecine, Jean-Yves Nau, s’interroge sur l’efficacité du Bio liée à son prix. « L’absence totale ou presque de pesticides, justifie-t-elle de payer notablement plus cher les aliments du quotidien ? Faut-il accepter la différence de prix en postulant que les végétaux bio recèlent plus de magnésium, de zinc ou de polyphénols que ceux issus des cultures intensives et grassement azotées ? »
Depuis le succès du Bio, les études favorables et défavorables se confrontent régulièrement. C’est au consommateur de se faire sa propre opinion. C’est d’ailleurs le cas, car toutes les études montrent que le choix du bio en magasin, sur l’étal ou au marché se fait pour des raisons gustatives et environnementales (les raisons de santé restent en paranthèse pour le moment). Les consommateurs réguliers de produits Bio connaissent très bien cette différence de goût qui enchante le palais et les papilles. Par ailleurs, les cultures sans pesticide ne contaminent pas les terres, inutile de vous refaire la démonstration. Ainsi, l’achat Bio est un achat éthique. Il est hélas, difficile de mesurer cette éthique.
Que faut-il en penser ?
Le pavé lancé dans la marre risque de faire des remous pendants encore quelque temps. Une semaine après la sortie de la fameuse étude, les réactions fusent de toute part. Les scientifiques se contredisent entre eux et accusent une base d’études différentes. Les résultats vont à l’encontre d’autres précédents.
Les gens achètent bio pour plusieurs raisons. À savoir, réduire l’effet des pesticides sur les enfants, diminuer l’impact de l’agriculture sur l’environnement et avoir un organisme plus résistant face aux agressions extérieures. Selon les scientifiques de la récente étude, ces arguments sont tout à fait raisonnables, mais la guerre du bio, pour ou contre, est plus complexe. L’aspect caché de cette étude pourrait être un enjeu commercial. En effet, le bio est partout. Le marché bio a explosé depuis quelques années. Il devrait atteindre 5 milliards d’euros en France en 2015, et 100 milliards dans le monde.
Par qui sont financées ces études ? Certains points restent encore flous. Notamment l’appartenance des centres d’études à des Instituts pour la santé. Un des organismes de recherche a reçu un don de cinq millions de dollars de Cargill, une entreprise agroalimentaire aux 120 milliards de chiffre d’affaires qui n’œuvre pas (hélas) dans le biologique.
De plus, les différents projets de recherche n’ont duré que deux ans sur les hommes et n’ont pas suivi assez de personnes. Il est alors impossible de mesurer un quelconque résultat sur le long terme. Or l’organisme ne réagit pas immédiatement à une bonne (ou même mauvaise) alimentation.
Le Bio n’a jamais prétendu être meilleur et posséder plus de vitamines. La dénomination Bio signifie sans pesticides ni engrais chimique. Ainsi, le terme « meilleur » est à relativiser. L’alimentation biologique ne contamine pas les terres et permet (surtout) de ne pas s’intoxiquer soi-même, là est la réelle différence. Le Bio est meilleur pour l’homme et la planète, il suffit de comprendre comment et de l’expliquer justement.
Rédaction : Mathieu Doutreligne