Viticulture : 30.000€ d’amende pour avoir refusé d’utiliser un insecticide
Un viticulteur bourguignon encourt une lourde amende et plusieurs mois de prison après avoir boycotté un pesticide rendu obligatoire.
Poursuivi pour avoir refusé d'utiliser un produit chimique
Emmanuel Giboulot est un viticulteur de Bourgogne qui exploite dix hectares de vigne en biodynamie sur la Côte de Beaune et la Haute-Côte de Nuits. Cet homme de 51 ans a été convoqué devant la justice pour avoir refusé de traiter ses cépages de chardonnay et de pinot noir avec des pesticides. Considéré comme un délit par le code rural, il risque une condamnation de 30.000 euros et six mois d’emprisonnement pour non-respect d’un arrêté concernant la lutte contre les maladies animales et végétales.
À l’origine de ce scandale, un arrêté préfectoral imposant le traitement de l’ensemble des vignobles de la Côte-d’Or par une application unique d’un insecticide dans le but de nuire à la cicadelle, un petit insecte porteur de maladies hautement contagieuses pour la vigne.
Épidémie apparue dans les années 50 sur le territoire, la moitié du vignoble français actuel est soumis à un traitement obligatoire. Les viticulteurs ont l'obligation de maîtriser l’insecte avec des traitements chimiques, de surveiller les plants, d'enlever les souches contaminées et d'utiliser uniquement des jeunes ceps traités à l’eau chaude.
Emmanuel Giboulot explique son action contre l'arrêté : “j’ai refusé de faire ce traitement systématique dans la mesure où il n’y avait pas de foyer avéré dans le département. Je ne voulais pas utiliser de produits chimiques dans mes parcelles, que ma famille cultive en bio depuis 1970.” En juin 2013, aucun cas concret n’est encore détecté en Côté-d’Or, mais certains plants sont suspectés.
Le département voisin de la Saône-et-Loire est quant à lui touché depuis 2011. En trois ans, trois campagnes de traitement ont été menées, toutes obligatoires. “Il existe un décalage d’au moins une année entre la contamination d’une souche et l’apparition des symptômes. Quant au foyer, c’est déjà trop tard. Dans une parcelle contaminée, la propagation de la maladie d’une année sur l’autre est telle que le nombre de pieds atteints peut être multiplié par dix.” répond Olivier Lapôtre, chef du service régional de l’alimentation de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) de Bourgogne.
Pyrevert, un insecticide autorisé pour les agriculteurs bio
Tout en conservant leur label, les agriculteurs bio ont la possibilité de lutter contre la cicadelle en utilisant le Pyrevert, un extrait de fleurs séchées du chrysanthème. Toutefois, Emmanuel Giboulot juge cette méthode mauvaise pour l’environnement, car en plus de tuer la cicadelle, cet insecticide détruit une partie de la faune qui maintient l’équilibre naturel des vignobles. Propos appuyés par Denis Thiery, directeur de l’unité santé et agroécologie du vignoble à l’Institut national de la recherche agronomique : “le pyrevert, même s’il est d’origine naturelle, est nuisible pour l’environnement : c’est un neurotoxique qui peut affecter les insectes, mais aussi les oiseaux, les animaux et même les viticulteurs selon les doses utilisées”.
Plusieurs mois après une affaire similaire dans le Vaucluse, la justice se montre une nouvelle fois sans pitié face à un agriculteur bio, convaincu que la Nature offre une solution à tous les problèmes, à condition qu’elle soit respectée et comprise.
Rédaction : Mathieu Doutreligne