Monsanto veut modifier génétiquement les abeilles pour qu’elles résistent à ses pesticides

Apiculteur tenant le cadre d'une ruche
Monsanto investit dans le business des abeilles
Par Manon Laplace publié le
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Le géant de la biochimie Monsanto investit dans des entreprises spécialisées dans la recherche sur les abeilles. Une activité de la firme qui inquiète les apiculteurs américains.

Spécialisé dans le développement de semences génétiquement modifiées et la production de produits phytosanitaires, Monsanto s’est lancé dans le bio-contrôle et s’attaque désormais aux abeilles. Éléments essentiels à la survie de notre écosystème, ces insectes assurent un tiers de note alimentation. Selon les chiffres de l’INRA, le secteur des abeilles représenterait 153 milliards d’euros par an.

Bien qu’indispensables, les abeilles sont mal en point. En une quinzaine d’années, la mortalité des colonies d’abeilles a atteint 30%, quand on considère que la perte “normale” avoisine les 10%. Un phénomène résultant de divers facteurs, humains pour beaucoup : mauvais sélection des abeilles en fonction de leur productivité plus que de leur adaptation au milieu, manque de nourriture lié à l’appauvrissement de la biodiversité du fait de l’agriculture intensive, épuisement des colonies à cause de déplacements réguliers des ruches pour polliniser les cultures (surtout aux États-Unis), utilisation de pesticides, etc...

Face à ces disparitions, Monsanto dit vouloir oeuvrer pour la sauvegarde des abeilles à grand renfort de recherches génétiques. C’est pourquoi en 2011 la firme rachetait Beeologics, société spécialisée dans la santé des abeilles. “Monsanto sait que les abeilles sont une composante clé d’une agriculture durable dans le monde.” justifie la firme à travers un communiqué de presse dans laquelle Monsanto se dit engagé dans le développement d’une agriculture durable.

Pour minimiser l’effondrement des colonies d’abeilles, Beeologics axe son travail sur des solutions portant sur des répliques d’ARN (acide ribonucléique) permettant aux pollinisateurs de synthétiser les protéines nécessaires à la lutte contre certains virus. “Un succès” selon l’entreprise. Néanmoins, cette technologie, mise au point récemment, fait débat au sein de la communauté scientifique dont certains membres s’inquiètent du manque de recul sur ses réels effets. C’est le cas de Christoph Then, vétérinaire spécialiste des biotechnologies et ancien expert pour Greenpeace. “L’ARN utilisé n’est pas stable et peut passer d’un organisme à l’autre. Donc à ce stade, cette technologie n’est pas assez sûre pour être utilisée dans l’environnement.” confie-t-il au magazine Reporterre.

Une technologie qui devrait être développée dans les prochaines années et qui, si elle n’est pas aussi lucrative que les autres secteurs dans lesquels investit Monsanto, offre à la firme un joli coup de communication tendant à faire oublier que l’industrie des pesticides est la principale responsable de la disparition des abeilles. Les investissements de Monsanto dans le secteur apicole soulèvent certaines interrogations chez les preofessionnels. En septembre dernier, lors du Congrès mondial des apiculteurs, Gilles Ratia, président de la Fédération Internationale des apiculteurs Apimundia rappelait les activités de Monsanto en terme de modification génétique des semences et la commercialisation de ses désherbants, se demandant si le géant américain ne cherchait pas à avoir la main mise sur l’apiculture afin de rendre les pollinisateurs résistants à ses propres produits phytosanitaires, justement mis en cause dans la disparition des abeilles.

Rédaction : Manon Laplace
Source : Reporterre
               Communiqué de presse Monsanto