"En cultivant en bio, j'ai redécouvert mon métier", interview d'un agriculteur bio à grande échelle
Interview de Christophe Lamarlière par Marie Albessard pour Bio à la Une. Christophe Lamarlière est agriculteur dans le Lot et Garonne. Avec sa femme, ils sont à la tête de la ferme de Prie Dieu depuis 1986. En 2010, ils ont bouleversé leurs méthodes d'exploitation pour passer en agriculture biologique. Ils produisent du blé, du méteil (un mélange de céréales pour le bétail), du soja, des asperges et des lentilles, sur 350 hectares. Christophe a accepté de nous parler de son travail d'agriculteur bio à grande échelle.
Bio à la Une : Pourquoi avez-vous décidé de passer en agriculture biologique ?
Christophe Lamarlière : J'ai commencé à y réfléchir en 2000 et j'y suis passé en 2010. Le déclenchement, ça a été des voisins qui faisaient du bio. Ensuite, j'avais toujours des migraines quand j'utilisais des produits chimiques et j'étais mal à l'aise avec le fait d'en utiliser de plus en plus. On nous a tellement formaté avec cette chimie que je pensais que c'était impossible de faire autrement. L'utilisation de produits chimiques a été un passage, peut-être que c'était nécessaire mais quand les inconvénients prennent le pas sur les avantages, il faut savoir changer.
Aujourd'hui, l'argent que je mettais dans ces produits je le mets pour payer mes salariés. Depuis que je fais de l'agriculture bio, je suis content car j'ai redécouvert mon métier, il est redevenu passionnant, parce qu'il faut réfléchir, trouver des solutions... C'est un risque à prendre mais ça vaut le coup.
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Bio à la Une : Un rapport de l'Agreste de 2010 indique que la superficie moyenne d'une exploitation biologique est de 53 hectares. Vous avez 350 hectares, est-ce que cultiver bio à grande échelle est compliqué ?
C.L. : Oui c'est compliqué, parce qu'il faut gérer la surface. Mais d'un autre côté, cultiver en bio nécessite énormément d'outils et le fait d'avoir une superficie importante nous permet d'acheter tout le panel de matériel qui existe, parce qu'on l'amortit. Après, mon exploitation était comme ça, je ne voulais pas la diminuer et c'était un challenge. Ce qui est important, c'est que je puisse en vivre et qu'un autre agriculteur avec une petite surface puisse en vivre aussi. C'est très important de garder cette diversité. Nous, on peut alimenter des plus gros marchés, des industriels...
Bio à la Une : Vous parlez des grandes et moyennes surfaces ? Une exploitation comme la vôtre est plus à même de les fournir ?
C.L. : Oui, on fait un peu de détail pour les supermarchés, mais ce sont surtout des grosses entreprises qui ont des besoins en soja, par exemple. On ne va pas se positionner là où vont les petites exploitations. Ce n'est pas parce qu'on est une grosse entreprise qu'on fait du business, ce n'est pas pour s'enrichir qu'on fait ça.
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Bio à la Une : Concrètement, quelles méthodes utilisez-vous pour travailler en bio sur une aussi grande exploitation ?
C.L. : Contrairement à l'agriculture conventionnelle, en bio il faut créer le plus de diversité possible sur les méthodes utilisées, il ne faut rien s'interdire.
En fonction de chaque projet, il faut trouver plusieurs solutions. On va, par exemple, décaler dans le temps des cultures sur une parcelle parce que ça peut empêcher la pousse d'une mauvaise herbe. Il faut anticiper les problèmes qu'on peut rencontrer. Ensuite, on va réfléchir au travail du sol : est-ce qu'il faut labourer profond ? Quels outils utiliser ? Il faut travailler sur les rotations des cultures, les dates de semis, les cultures à implanter, sur les variétés de blés qui peuvent éviter la pousse de mauvaises herbes... Le plus important du travail se fait avant, c'est de la réflexion.
Plus d'information sur l'agriculteur et la ferme en ligne : www.fermedepriedieu.fr