Le saumon bio est-il plus toxique que le conventionnel ?
A l’approche des fêtes de fin d’année, 60 millions de consommateurs a mené une enquête sur le poisson préféré des français: le saumon. Selon l’association, c’est un véritable carton rouge pour le saumon bio en l'occurrence. Y a-t-il vraiment raison de s’inquiéter ? Réponse, non ! Et Bio à la Une a enquêté.
Entre la contamination des poissons par nos océans pollués et les dérives industriels comme l’affaire des saumons d'élevage de Norvège, le poisson préféré des français a mauvaise presse. Désormais, on privilégie le saumon bio pour être à l’abri d'éventuelle toxicité et à l’approche des fêtes de Noël, on pense déjà à notre saumon fumé sur la table décorée. Mais, selon une enquête de 60 millions de consommateurs, il faudrait y réfléchir à deux fois avant de s’attabler.
“Apprécié de tous, presque sans arêtes, bon pour la santé, le saumon a de nombreux atouts”, précise l’association avant de révéler, dans son enquête, que “si les pavés conventionnels s’en tirent plutôt bien, on retrouve davantage de traces de mercure, d’arsenic mais aussi de quatre pesticides (naturellement parfaitement interdits) chez ceux qui devraient être à l’abri de tout soupçon”. Avant de crier au scandale, on vous explique les raisons.
Les saumons bio frais plus contaminés que les conventionnels
10 pavés de saumon et 15 saumons fumés, d’origine Norvège, Irlande ou Ecosse, conventionnels et bio, certains avec label Rouge ou certifiés filière responsable ont été analysés. 6 grands critères ont été retenus dont la teneur en métaux lourds (plomb, mercure, arsenic), celle en dioxines et PCB, les résidus de pesticides, de médicaments vétérinaires (antibiotiques).
Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Premier résultat, la contamination en métaux (mercure et arsenic) s’avère plus forte pour les quatre saumons frais bio du panel. Pour le magazine, c’est un “carton rouge” pour les marques bio suivantes: Olsen, Casino Bio, Monoprix Bio et Nature Océan dont les poissons renferment tous plus ou moins des contaminants..
Des contaminations dues à une alimentation d'origine naturelle
En élevage conventionnel, l’alimentation des poissons est composée principalement de protéines issues de farines végétales contrairement à l’élevage bio de saumons dont l’alimentation est composée à 70% de protéines et de lipides animales. Thomas Canetti, fondateur de Food 4 Good, nous explique qu’en élevage biologique, on essaie de reproduire au mieux l’alimentation naturelle du saumon. “Leur alimentation étant composée de farines et d’huiles issues de poissons sauvages, elle est susceptible de renfermer des résidus”. En effet, le saumon est un carnassier qui, à l’état sauvage, se nourrit uniquement de poissons. Le cahier des charges biologique stipulent 30% d’alimentation céréalière bio et le reste de farines de poissons sauvages issus de la pêche durable. “C’est un moyen de donner aux saumons une alimentation et une croissance qui soient les plus naturelles possibles. On est loin des saumons norvégiens”, explique Stéphane Roche, dirigeant de Nature Océane incriminée dans l’enquête, avant d’ajouter:
“Plus on nourrit les saumons avec du poisson, plus il y a de risques de retrouver des traces de PCB et de métaux lourds. C’est malheureusement le reflet de l’état de pollution de nos océans. Faudrait-il revoir la proportion de protéines végétales et animales dans le bio pour réduire les teneurs en polluants ? C’est un débat, mais on risque d’avoir des poissons de moins bonne qualité nutritionnelle et moins proches de leur état naturel”.
Des teneurs en métaux réglementaires
À quelques semaines des fêtes de fin d’année, l’Agence bio a souhaité être rassurante sur la qualité des saumons bio “qui respectent le strict cahier des charges régissant ce mode de production ainsi que la réglementation générale en matière de qualité sanitaire”. Elle rappelle que:
“Les traces de contaminants dans des saumons bio sont toutes largement inférieures aux limites fixées par la réglementation européenne et ne présentent pas de danger pour la santé humaine”
“Tous les saumons du panel, frais et fumés, s'affichent bien en deçà des seuils réglementaires”, confirment 60 millions de consommateurs. Pour Véronique Paulet, chef de produit de Phare d'Eckmülh “un saumon qui est nourri avec du poisson sauvage est bien plus riche en oméga-3, acides gras essentiels à l’organisme, mais plus exposés aux polluants. Il faut accepter que le bio ne soit pas parfait mais comprendre que les professionnels du bio essaient de faire au mieux. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire, c’est une opportunité pour s’améliorer”.
Continuer de consommer bio
Nous avons contacté Florent Guhl, directeur de l’Agence bio, qui rappelle que toute utilisation de pesticides de synthèse est strictement interdit dans le cahier des charges bio que ce soit en culture ou pisciculture. “En bio, on favorise le comportement et la nourriture naturelle des poissons à l’état sauvage. Les traces retrouvées sont liées à la pollution marine ambiante, à des pesticides très persistants dans l’environnement”. En effet, on ne peut garantir un produit bio issu de l’environnement justement pour ces risques de contamination naturelle.
“Cela encourage à poursuivre l’agriculture biologique car ce sont les activités humaines qui engendrent ce type de polluants qui, ensuite, se retrouvent dans notre alimentation” poursuit Florent Guhl qui nous encourage de manger du poisson gras à raison d’une fois par semaine pour ses qualités nutritionnels et qui rappelle que les teneurs en résidus sont bien en deçà des normes réglementaires. “La consommation de produits biologiques a un aspect positif indéniable sur la santé et l’environnement”, ajoute-t-il.
Des efforts à poursuivre
Pour Eric Guggenheim, dirigeant d’Olsen incriminée dans l’enquête, “Pour la sphère scientifique, la teneur en oméga-3 est bien plus importante que celle des contaminants. On continue de faire du saumon bio qui est bien meilleur que le saumon conventionnel et dont l’alimentation est composée à 75% de végétal. La chair du saumon bio est plus intéressante sur un plan nutritionnel et ne réduit pas après la cuisson”. Concernant les pesticides, les marques ont tendance à se dédouaner, remettant la faute sur les éleveurs: “Il faut remonter la filière”, explique le dirigeant d’Olsen.
Au sujet des antibiotiques, le dirigeant de Nature Océane avoue ne pas comprendre. “On ne sait pas pourquoi on retrouve ces traces. Nos éleveurs n'utilisent plus d’antibiotiques, les traitements sont plus doux”. En réponse à leurs interrogations, 60 Millions de consommateurs déclarent, dans un courrier qui leur est adressé, que l’analyse menée sur le pavé de saumon frais “a déterminé que la quantité retrouvée était inférieure à la limite de quantification”, ce qui signifie que les traces étaient si minimes qu’elles étaient pratiquement indétectables. De quoi rassurer le consommateur !
Le saumon d'élevage bio n'est pas parfait mais est bien meilleur par ses aspects nutritionnels et environnementaux que le saumon convientionnel. Il y a bien entendu encore des efforts à faire. C'est ce qu'on essaie chaque jour de faire en bio.