Développer les solutions fondées sur la nature, la clé pour améliorer la gestion de l’eau
Ce 22 mars se tient la Journée mondiale de l’eau. A cette occasion, l’Unesco a publié son rapport sur la mise en valeur des ressources en eau. Un texte qui promeut les solutions fondées sur la nature pour améliorer l’approvisionnement et la qualité de l’eau.
Présenté le 19 mars dernier lors du 8e Forum mondial de l’eau à Brasilia, au Brésil, le Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau met l’accent sur les solutions fondées sur la nature (SFN) pour prévenir les pénuries en eau. Car si les constructions de barrages ou les usines de traitement des eaux sont efficaces, des solutions vertes permettraient de limiter la pollution mais aussi d’économiser cette ressource. Ce rapport suggère en effet que l’eau doit être "envisagée non comme un élément isolé mais comme faisant partie intégrante d’un processus naturel complexe qui passe notamment par l’évaporation, les précipitations ou l’absorption de l’eau par les sols".
5 milliards d’êtres humains pourraient manquer d’eau en 2050
Comme l’indique le texte, la quantité et la qualité d’eau disponible dépend de la couverture végétale, de la présence de zones humides et des forêts. "Nous avons besoin de solutions nouvelles pour la gestion des ressources en eau afin de contrebalancer les défis émergents relatifs à la sécurité de l’eau que posent la croissance démographique et les changements climatiques. D’ici 2050, environ cinq milliards d’êtres humains vivront dans des zones à accès pauvre en eau si nous ne faisons rien. Ce rapport propose des solutions fondées sur la nature pour la mise en valeur de l’eau. C'est un enjeu majeur que nous devons tous ensemble relever avec une approche vertueuse afin de prévenir les conflits liés à l’eau", a déclaré la Directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay.
Aujourd’hui, prendre appui essentiellement sur les infrastructures grises, autrement dit, celles construites par l’homme, ne suffit plus. "Les connaissances traditionnelles et autochtones qui adoptent une approche plus verte ont souvent été mises de côté. Trois ans après le lancement du Programme de développement durable à l’horizon 2030, il est temps pour nous de reconsidérer les solutions fondées sur la nature (SfN) de manière à contribuer à la réalisation des objectifs relatifs à l’eau", déclare, de son côté, Gilbert Houngbo, qui préside l’ONU-Eau et le Fonds international pour le développement de l’agriculture.
Des infrastructures vertes performantes
Contrairement aux infrastructures grises, les infrastructures vertes "misent sur le génie écologique", en préservant le rôle joué par les écosystèmes. Des procédés qui favoriseraient l’économie en eau, notamment dans le secteur agricole, le plus gourmand en la matière. Adopter des solutions basées sur la nature pourrait "permettre de diminuer la pression sur les terres, réduire la pollution, limiter l’érosion des sols ou les besoins en eau en développant par exemple des systèmes d’irrigation plus efficaces et plus économes". Et certains pays précurseurs ont déjà pris les devants. Pour exemple, à Madagascar, le "système d’intensification du riz", mis en place à l’origine pour favoriser une restauration de la fonction hydrologique et écologique des sols et limiter l’utilisation de produits chimiques, permet d’économiser entre 25 et 50 % d’eau, entre 80 et 90 % des graines et d’augmenter la production de riz de 25 et 50 %, en fonction des régions. Un pari écologique gagnant-gagnant !
Le développement de ces infrastructures vertes en gestion d’eau aurait un impact considérable à l’échelle mondiale. Les experts estiment à 20 % l’augmentation de la production agricole grâce à ces procédés écolos. Et dans certaines régions, ce chiffre pourrait être beaucoup plus important. Une étude citée dans le rapport, menée dans 57 pays à faible revenu, montre qu’une utilisation plus efficace de l’eau, un recours moins important aux pesticides et une amélioration de la couverture végétale, peut améliorer le rendement agricole de 79 %.
La ville n’est pas en reste !
Ces solutions vertes ont aussi toute leur place en ville. Outre les murs végétalisés et jardins sur les toits, "elles passent aussi par des mesures de recyclage et de collecte de l’eau, la mise en place de bassins de rétention pour alimenter la recharge des nappes phréatiques ou par la protection des bassins hydrologiques qui alimentent les zones urbaines". Avec son projet "Sponge cities" (villes éponges), la Chine compte, à l’horizon 2020, recycler 70 % de l’eau de pluie en assurant une plus grande perméabilité des sols, des dispositifs de collecte, de stockage et de purification de l’eau et à une réhabilitation des zones humides avoisinantes, dans 16 villes pilotes.
Gestion de l’eau : le rôle des zones humides
Si elles couvrent moins de 3 % de la planète, les zones humides jouent un rôle hydrologique crucial. Celles-ci peuvent notamment retenir certains pesticides, des produits chimiques provenant de rejets industriels ou d’activités minières. De véritables filtres en somme !
"On estime que les zones humides à elles seules peuvent retirer de 20 à 60 % des métaux contenus dans l’eau et retenir de 80 à 90 % des sédiments contenus dans les eaux de ruissellement", indique l’Unesco.
Une efficacité ayant poussé certains pays à récréer des zones humides aménagées par l’homme. C’est notamment le cas en Ukraine qui expérimente cette technique depuis plusieurs années pour filtrer certains produits pharmaceutiques présents dans les eaux usées.
Les SFN dans la gestion en eau sont essentielles. Toutefois, les écosystèmes, n’éliminant pas toutes les substances toxiques, ne peuvent assurer une épuration totale. La nature a elle aussi ses limites. Les auteurs du rapport plaident donc pour "un rééquilibrage" entre les solutions vertes et grises pour une gestion de l’eau réfléchie, et ainsi limiter les pénuries.
Source : Unesco / Rapport de l'Unesco