Quête du bonheur : faut-il se fier aux conseils de tous les spécialistes ?
Dans son premier livre "Help Me !" Marianne Power raconte son singulier pari : suivre les conseils de 12 livres de développement personnel à la lettre. Son objectif ? Devenir parfaite. De surprise en déconvenue, son récit nous offre une fascinante plongée à travers les différentes facettes du développement personnel. À l’occasion de la sortie de "Help Me !" aux éditions STOCK, la rédaction s’est entretenue avec cette néo-aventurière du bien être.
Bio à la Une : Est-ce que vous pensez que la conscience de devoir travailler sur soi est plus importante que la manière dont on le fait ?
Marianne Power : Peut-être… Oui peut-être ! On ne m’avait jamais posé cette question ! Je pense que ça m’a pris très longtemps avant de réaliser que j’avais besoin de penser à moi. On ne le réalise pas avant de commencer. Puis, on trouve des techniques qui fonctionnent pour soi et on s'écarte de celles qui ne marchent pas. Mais oui, peut-être que c’est par là que l’on commence, lorsqu’on pense que quelque chose ne va pas, et que l’on doit commencer à penser véritablement à soi. L’erreur est certainement de croire que l’on doit rechercher une aide extérieure pour améliorer quelque chose que l’on a en soi en réalité.
Bio à la Une : Avec le recul, quelle a été l’expérience la plus marquante (négative ou positive) pour vous maintenant ?
Marianne Power : Quand je lisais Le pouvoir du moment présent, un jour, je suis allée me promener dans un parc, pas loin de là ou j’habitais. Je suis entrée dans le parc et je pouvais sentir le sol sous mes pieds, j’avais une conscience très forte de tout ce qu’il y avait autour de moi. Lorsque je suis rentrée à la maison, au lieu d’être stressée et affairée, comme je l’aurais été habituellement, ce jour-là, c’était totalement différent. J’ai fait mon travail très facilement, j’ai mangé très tard et étrangement, j'avais l'impression que tout est parfait. Je mangeais des brocolis et ils avaient le goût des meilleurs brocolis du monde, il y avait de la vie dans ces brocolis ! Je pouvais entendre la machine à laver à l’étage et je sentais qu’on faisait tous partie d’un même tout. Ce jour-là je me sentais connectée à tout ce qui m’entourait. Mais ça n’a pas duré !
Bio à la Une : Avec le recul, quelle a été l’expérience la plus marquante (négative ou positive) pour vous maintenant ?
Bio à la Une : Quelle est la chose qui a le plus changé dans votre vie d'aujourd'hui grâce à cette expérience ?
Marianne Power : J’ai appris que la perfection n’existe pas. Au début, je croyais vraiment à ce que je voyais dans les magazines ou a la télé, que les célébrités, les personnes riches ou influentes étaient meilleures que moi. Il fallait que j’essaye plus, que je travaille plus, que je fasse plus de sport, que je sois plus productive, que j’arrête de boire que je fasse toujours plus. Mais j’ai réalisé qu’il n’y a pas de perfection et que je suis très bien comme je suis. C’est cette prise de conscience qui a réellement modifié ma façon de penser suite à cette expérience.
« Le Pouvoir du moment présent, qui est un de mes livres préférés, dit que tout est parfait dans l’instant présent, qu’il faut vivre dans le présent »
Bio à la Une : Est-ce dû au fait que certains livres disent qu’il faut faire toujours plus, même si vous étiez déjà à votre maximum ?
Marianne Power : Un peu oui ! Mais certains livres nous disent que l’on est beau comme on est, qu’on est parfait ici et maintenant. Je ne me suis pas attardée sur cet aspect des choses, car je n’y croyais pas. Par exemple, Le Pouvoir du moment présent, qui est un de mes livres préférés, explique tout est parfait dans l’instant présent, qu’il faut le vivre. Comme maintenant, nous sommes en train d’avoir cette conversation et c’est super ! Auparavant, j’aurais pu me dire « tu dis n’importe quoi » ou « je déteste ma tenue aujourd’hui » ou encore « qu’est-ce qui va se passer demain? » et j’aurais pu tout gâcher !
Un autre livre que j’ai beaucoup aimé est Le Pouvoir de la vulnérabilité de Brene Brown. Elle parle du fait que l’on vit dans une société où personne ne se sent assez bien : on ne se sent pas assez beau, on ne se trouve pas assez riche, et ce sentiment montre qu’on court après la perfection. Or, cela ne marche jamais, parce que la perfection n’existe pas pour l’humain. Vous trouverez toujours quelque chose qui ne va pas, et c’est ce qu’elle dit. C’était un pur soulagement quand j’ai lu ça dans son livre, « La perfection n’existe pas ». Pour elle, la seule chose qui peut nous faire du bien intérieurement est de parler honnêtement les uns avec les autres, de nos doutes, nos inquiétudes, des choses sur lesquelles on ne se sent pas assez bien. Discuter de toutes les choses que l’on essaye normalement de cacher.
Chose que je tente de mettre en application. Alors qu’avant, je m'ouvrais moins aux autres et j'essayais d'arranger la moindre chose, ce qui ne faisait qu’empirer et au pire des cas, m’isoler des autres. Ça a du sens ?
Bio à la Une : Oui, absolument ! Etes-vous fière de ce que vous avez accompli en 18 mois après ces multiples lectures ?
Marianne Power : Je suis très fière !
Bio à la Une : Certains auteurs de développement personnel deviennent des sortes de gourous que les lecteurs suivent les yeux fermés. Avez-vous peur d’en devenir un ?
Marianne Power : Non mon Dieu, non ! Bien sur que non ! *rires*
Bio à la Une : Votre soeur vivait aux États-Unis, vous vivez en Angleterre et vous êtes originaire d'Irlande. Avez-vous observez différentes approches du développement personnel selon les pays ?
Marianne Power : En Angleterre, les gens sont plus cyniques. C’est un peu embarrassant de lire un livre de développement personnel, vous le gardez pour vous parce que vous pouvez avoir un peu honte. Cela peut rendre malheureux et l’on essaye de trouver des manières secrètes et discrètes de travailler sur soi. Si c’est de moins en moins le cas, ça reste encore un sujet tabou.
Aux États-Unis, il me semble que c’est beaucoup plus accepté. Oprah a amené le développement personnel à tout le monde ! (*rires*). Et il me semble que c’est directement dans le caractère des Américains de rechercher le meilleur d’eux même. Ils sont plutôt ouverts sur ces questions. Pour finir, en Irlande, là d’où vient ma famille, parce que la religion était très populaire avant, il y a une grande croyance des anges et ils ont une vision du développement personnel beaucoup plus spirituelle. En Irlande, c’est plutôt les anges qui ont du succès.
Bio à la Une : Après avoir lu beaucoup de livres sur le développement personnel, avez-vous remarqué une approche différente entre les auteurs hommes et femmes, ou est-ce plus ou moins la même chose ?
Marianne Power : Ma mère m’a posé la même question ! Je n’ai pas vraiment remarqué de différence, je n’étais pas très consciente quand je les lisais. Le Pouvoir de l’instant présent et Rien à foutre ont été deux de mes livres favoris, et ils ont tous deux été écrits par des hommes ! Mais j’ai aussi beaucoup aimé Le Pouvoir de la vulnérabilité et Tremblez mais osez écrits par des femmes. Tony Robbins est le seul auteur chez lequel on ressent vraiment une influence masculine. C’est un peu « Agis énormément et fais plus, lève toi plus tôt ! ». Ça m’a semblé un peu masculin comme approche.
Bio à la Une : Dans Help me !, on découvre que certains livres conseillent des choses plutôt onéreuses ou hors du commun. Par exemple, suite à votre première lecture sur le DP, vous avez quitté votre travail ; il est également question de saut depuis un avion, ou encore de retraite spirituelle. Le développement personnel ne serait-il pas un luxe accessible à des privilégiés ?
Marianne Power : Les livres ne m’ont pas clairement dit de quitter mon travail, c’était moi. De toutes manières, ma réponse à tout c’est « Quitte ton travail et dépense beaucoup d’argent » (*rires*). Ce n’était pas vraiment les livres, c’était mon approche. Le weekend avec Anthony Robbins que je décris, celui où j’ai marché sur des braises, était effectivement très couteux. J’ai du payer 570€ et c’était le billet le moins cher. Ce n’est pas quelque chose que tout le monde peut s’offrir (et c’est le cas pour de nombreux de séminaires), contrairement aux livres. Et la plupart d’entre eux ne vous diront pas de quitter votre travail, je l’ai pris comme ça.
Un autre argument pour certaines personnes, c’est que l’on est déjà très chanceux de se donner la possibilité d’y penser. C’est vrai que si l’on a pas d’argent, que l’on est dans une situation terrible, qu’on essaye de nourrir une famille, on essaye juste d’arriver à bout de chaque semaine.
Bio à la Une : Oui, on a déjà un but plus important chaque semaine.
Marianne Power : C’est ça, ça ne leur viendrait jamais à l’esprit de lire un livre pour être heureux. Donc c’est vrai que c’est une situation privilégiée de pouvoir se dire que l’on ne va pas bien, et de se demander ce qu’on va pouvoir entreprendre pour aller mieux.
Mais d’un autre côté, Tony Robbins vient d’une famille très pauvre et abusive. On lui a donné des cassettes de développement personnel qu’il écoutait dans sa voiture. Et c’est ça qui lui a permit de s’en sortir d’après ce qu’il dit.
Donc je ne sais pas trop. Comme je l’ai fait, c’est vrai que j’ai dépensé beaucoup d’argent, et je ne suis pas allée beaucoup au travail. Mais il y a probablement une manière plus « économique » de le faire que celle que j’ai choisie.
Bio à la Une : Si vous deviez classer votre livre dans une catégorie littéraire, laquelle serait-elle ?
Marianne Power : Je pense que c’est un mémoire, une part honnête de ce que je faisais pendant une période donnée. Mais je voulais qu’il se lise comme un roman, pour avoir une bonne histoire. De cette façon, même les personnes qui se fichent de moi ou du développement personnel auraient quand même une bonne histoire à lire.
Bio à la Une : Votre livre sera bientôt traduit dans plus de 20 langues. Selon vous, qu’est-ce qui a fait son succès ?
Marianne Power : Je pense que l’intérêt est dans l’honnêteté. Au fond, les humains se ressemblent les uns aux autres. Nous avons tous des insécurités, des inquiétudes et des peurs très semblables. Ce qui m’a embarrassée dans le livre, embarrassera les lecteurs également. Je pense que les gens peuvent s’y identifier.
Bio à la Une : Pensez-vous pouvoir changer le point de vue des lecteurs sur le développement personnel à travers votre livre, sachant que les résultats sont plutôt aléatoires et peuvent varier d’une personne à l’autre ?
Marianne Power : Peut être, oui... Je pense que les personnes qui lisent beaucoup de livres de développement personnel et qui lisent mon livre verront les dangers, les pièges dans lesquels ils sont tombés aussi. J’ai dépensé beaucoup d’argent, et il y a eu un court moment où je me suis crue parfaite et meilleure que tout le monde. Ils retrouveront des points communs.
D’un autre côté, certains de mes lecteurs n’auraient jamais lu un livre de développement personnel, et ils admettent pourtant avoir appris un peu dans mon livre. Ils ont pris des petits messages, des petites idées qui sont bonnes à retenir. Par exemple, ma mère ne lirait jamais de livre de développement personnel, elle trouve ça ridicule. Mais à travers ce que j’ai fait, elle s’est ouverte un peu par rapport à ça et elle en vient à se dire « Ok, peut-être que ce n’est pas si grave de penser à soi de temps en temps, que c’est bien de parler des choses ». Donc ça peut aller dans les deux sens.
Bio à la Une : Pensez-vous que votre livre pourrait remplacer les 12 que vous avez lu ? Est-il plus complet ?
Marianne Power : Pour moi, cela peut être un bon point de départ. Mais j’aimerais que tout le monde puisse lire Le Pouvoir du moment présent, parce que je ne crois pas que mon chapitre sur ce livre soit aussi bon que le livre ! Pour certaines personnes, mon livre sera peut être plus que suffisant. Il pourrait sûrement inspirer d’autres lecteurs à lire tel ou tel livre.
Personnellement, Le Pouvoir du moment présent, je le recommanderai toujours, tout comme Le Pouvoir de la vulnérabilité que je trouve fabuleux. Je dis toujours aux gens de le lire ou bien de regarder les vidéos TED de Brene Brown. Et puis, pour finir Rien à Foutre par l’auteur anglais John C. Parkin, qui fait des choses très pertinentes sur internet.