Plainte des agriculteurs bio contre l’Etat : "on commence à voir des cas de faillite"

agriculteur et tracteur
Plainte des agriculteurs bio contre l’Etat : "on commence à voir des cas de faillite"
Par Anaïs Martinez publié le
Journaliste
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Face au retard de paiement de leurs aides depuis trois ans, 3 agriculteurs bio ont décidé de saisir la justice ce samedi 23 février. Parmi eux, Guillaume Riou, le président de la FNAB, qui a livré ses réactions à Bio A la Une.

Cette nouvelle a été annoncée par la Fédération nationale d’Agriculture biologique des régions de France (FNAB). Selon ces agriculteurs, aucune aide bio pour 2018 n’a encore été versée, les mettant dans une situation financière très difficile. Un retard qui dure depuis 2016.

"La dernière chose qu’il nous reste, c’est le recours en justice"

Le 25 octobre 2018, la FNAB avait saisi le Défenseur des droits en faisant part de la situation. Ce dernier avait jusqu’au 21 février 2019 pour se prononcer. N’ayant eu aucune réponse, ces agriculteurs, accompagnés de la FNAB, ont déposé des "référés-provisions" auprès du tribunal administratif de Lyon, Nantes et Poitiers. La procédure en référé est une "procédure d’urgence qui permet au juge des référés d’enjoindre, sous quinze jours, l’État de payer sa créance dans les plus brefs délais", comme le précise le communiqué de presse de la FNAB.

Cette procédure révèle le malaise financier qui pèse chez les agriculteurs bio. Ayant épuisé toutes leurs ressources, ils attaquent désormais l’Etat. "Des promesses ont été faites, des contrats ont été signés, rien de tout ça n’a été honoré. Depuis 2016, on a tout tenté pour pousser le gouvernement à l’action, la dernière chose qu’il nous reste, c’est le recours à la justice", affirme Guillaume Riou, président de la FNAB dans le communiqué.

Une réponse qui presse

Ils attaquent en justice le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume mais aussi le président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, afin d’avoir un premier recours indemnitaire pour ces trois agriculteurs. En effet, comme le précise le communiqué : "A ce jour, 25 % des aides 2016, 50 % des aides 2017 et 100 % des aides bio 2018 n’ont toujours pas été versées, aucune réponse n’a été apportée à la saisine de la FNAB".

Cette procédure révèle le malaise financier qui pèse chez les agriculteurs bio. Ayant épuisé toutes leurs ressources, ils attaquent désormais l’Etat. "Des promesses ont été faites, des contrats ont été signés, rien de tout ça n’a été honoré. Depuis 2016, on a tout tenté pour pousser le gouvernement à l’action, la dernière chose qu’il nous reste, c’est le recours à la justice", affirme Guillaume Riou, président de la FNAB dans le communiqué.

"On a contracté des prêts court-terme pour assurer nos obligations comme payer nos fournisseurs, nos salariés et nos impôts. On a été handicapés sur nos investissements. Certains ont rogné sur leurs revenus et on commence même à voir des cas de faillite", poursuit Guillaume Riou dans le communiqué.

29 000 euros d’aides en attente pour Guillaume Riou

Selon Félix Lepers, chargé de mission sur la réglementation et la politique publique à la FNAB, "20 000 agriculteurs sont touchés par le préjudice d’un retard d’aides bio". Contacté par Bio A la Une, Guillaume Riou présente ses différentes actions. "Nous souhaitons d’abord que les aides soient versées le plus rapidement possible ; et que la situation ne se renouvelle pas pour la nouvelle PAC car le Parlement européen a décidé de retarder l’établissement de la nouvelle politique agricole commune (PAC) en raison des élections européennes". Il ajoute : "Il y a trois recours en justice, ce sont des dossiers individuels. Les demandes de remboursement s’élèvent entre 29 000 euros et 54 000 euros pour les trois ans de retard". La demande de remboursement de Guillaume Riou s’élève, quant à elle, à 29 000 euros.

Deux recours indemnitaires ont aussi été déposés : "ce sont des dossiers au long cours pour dommages et intérêts". Ces professionnels portent plainte en premier lieu contre l’Etat et à titre secondaire, contre l’agence de services et de paiement, l’ASP, l’organisme qui verse les aides européennes perçues sur les comptes bancaires des agriculteurs. L’autorité de gestion des aides perçues par la PAC, qui est gérée par les présidents des régions de France, est elle aussi concernée par cette action en justice.

Manque de personnel

"Ce qui est en cause dans ce recours en justice, c’est la direction des territoires. Ceux-ci ont besoin de logiciels informatiques, de personnel, qui font défaut depuis 2016, d’où ce retard des aides", explique le président de la FNAB.

Cette situation financière a déjà eu des conséquences sur les agriculteurs. "Certains sont en situation de redressement fiscal ou de liquidation financière", précise Guillaume Riou. Et toutes les situations familiales qui en découlent comme des divorces ou des dépressions qui sont nombreuses.

Au niveau des personnes touchées par ce retard d’aides, le nombre précis est incertain. "Il n’y a pas de recensement par l’Etat et même au sein de la Fédération c’est difficile de savoir combien d’agriculteurs sont touchés", explique Guillaume Riou. 

Par ce recours en justice, les professionnels espèrent alerter les pouvoirs publics et faire réagir l’Etat. "Il y a une demande beaucoup plus accrue du bio par les consommateurs aujourd’hui. Il est aussi question de santé publique et de protections environnementales à mettre en place."

Le président de la République, Emmanuel Macron, après une discussion avec Guillaume Riou samedi 23 février au soir, s'est engagé pour que cette situation ne perdure pas et que le versement des aides soit fait "d'ici le mois de mai ", comme l'indique Guillaume Riou. 

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