Fichage présumé pour Monsanto : plaintes de personnalités et de médias
Plusieurs personnalités et médias français ont porté plainte ou annoncé leur intention de le faire vendredi, au lendemain de la révélation d'un fichage présumé pour Monsanto sur leur position vis-à-vis du glyphosate, les OGM, ou encore leur propension à être influencés.
Le géant américain Monsanto, filiale depuis l'an dernier du groupe pharmaceutique allemand Bayer, aurait secrètement fait réaliser des listes par l'agence de communication Fleishman Hillard. Y figurent des centaines de responsables politiques, scientifiques et journalistes, dont quatre de l'AFP, pour lesquels sont indiqués entre autres leur position sur les pesticides, leur niveau de soutien à Monsanto, leurs loisirs, mais aussi leurs adresses et numéros de téléphone, y compris sur liste rouge, selon une enquête de France 2.
Un tableau met par ailleurs en lumière 74 "cibles prioritaires" divisées en quatre groupes : les "alliés", les "potentiels alliés à recruter", les personnalités "à éduquer" et celles "à surveiller". Le quotidien Le Monde a porté plainte avec un de ses journalistes, notamment pour "mise en oeuvre de traitements de données à caractère personnel illicite".
"Le problème avec cette multinationale c'est qu'elle fiche des gens en dehors de tout cadre légal et sans possibilité de recours. Cela pose un problème de libertés publiques très important et nous avons décidé de porter plainte pour ouvrir ce débat", a indiqué à l'AFP leur avocat, Me François Saint-Pierre.
Un procédé "inacceptable"
"Ficher nos journalistes est inacceptable : je dénonce ce type de méthodes !", a aussi indiqué sur Twitter Sibyle Veil, la PDG de Radio France, qui "va porter plainte. Le devoir d'informer en tout indépendance est au cœur de nos missions de service public". Le Parisien/Aujourd'hui en France va saisir la CNIL, l'agence publique de protection des données.
"Le problème avec cette multinationale c'est qu'elle fiche des gens en dehors de tout cadre légal et sans possibilité de recours. Cela pose un problème de libertés publiques très important et nous avons décidé de porter plainte pour ouvrir ce débat", a indiqué à l'AFP leur avocat, Me François Saint-Pierre.
"Nettoyer ce système de lobbying"
L'ancienne ministre de l'Environnement Ségolène Royal, qui figure sur ces listes, s'est aussi indignée : "ça en dit long sur les méthodes des lobbyistes, (...) ils font de l'espionnage, de l'infiltration, de l'influence, parfois financière j'imagine".
"Monsanto ne doit pas être le seul à se comporter de cette façon-là. Au lieu uniquement de se scandaliser, il faut rebondir sur cette révélation pour nettoyer ce système de lobbying", a prôné sur France Info l'ancienne candidate socialiste à la présidentielle de 2007, préférant "une démarche institutionnelle" plutôt qu'une plainte personnelle.
Certains intérêts privés se croyant "plus puissants que les Etats" sont "prêts à tout", a également commenté l'actuel ministre de la Transition écologique François de Rugy, "pas surpris" par la révélation. Désormais la "guerre économique se mène aussi sur le terrain de l'environnement", a-t-il noté devant quelques journalistes.
"Les enjeux environnementaux ont pris une telle importance que les très grandes entreprises qui ont des très gros moyens cherchent à influencer comme le faisaient des puissances étrangères avec l'espionnage en quelque sorte", a estimé le ministre. "Il faut évidemment se protéger, il ne faut pas être naïf face à des grands groupes économiques qui se croient plus puissants que les Etats."
Bayer, pas au courant ?
C'est "une affaire très grave en vérité, qui montre que les géants de l'agrochimie ne reculent devant rien pour essayer d'imposer leur produits", a aussi dénoncé sur France Bleu Périgord le président (PS) de Dordogne, Germinal Peiro, également fiché pour le compte de Monsanto. Il a dit réfléchir, avec d'autres responsables politiques figurant sur ces listes, à un dépôt de plainte. Deux ONG anti-pesticides, Foodwatch et Générations Futures, ont aussi annoncé qu'elles préparaient des plaintes.
Le groupe chimique allemand Bayer, propriétaire depuis 2018 de Monsanto, a indiqué vendredi à l'AFP qu'il n'avait "pas connaissance" de fichiers de personnalités commandés par sa filiale et répertoriant leur position sur les pesticides.
Désherbant le plus utilisé au monde, le glyphosate est classé "cancérigène probable" depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est commercialisé sous diverses marques, notamment le Roundup.
Photo : © JOHN THYS - AFP/Archives