Bruxelles présente sa "loi climat" : qu'en est-il ?
Une première à l'échelle d'un continent : la Commission européenne présente mercredi son projet de "loi climat" pour l'UE, afin d'inscrire dans le marbre l'objectif de neutralité carbone en 2050, sous le regard de Greta Thunberg en visite à Bruxelles.
La jeune militante suédoise a été invitée à participer à une réunion avec l'ensemble des commissaires européens mercredi matin, une marque de considération inhabituelle. Présente à Bruxelles en vue d'une grande manifestation pour le climat vendredi, elle est aussi attendue devant la commission Environnement du Parlement européen mercredi après-midi. Pensé comme la référence pour toutes les futures législations de l'Union européenne, le texte vise à transcrire dans la loi l'ambition d'un niveau d'émissions de gaz à effet de serre nettes nulles d'ici le mitan du siècle, c'est-à-dire un équilibre entre les émissions (réduites le plus possible) et l'absorption de carbone (par des techniques de séquestration).
"C'est le coeur du Pacte vert européen", souligne Dana Spinant, porte-parole de l'exécutif européen. L'immense majorité des Etats membres a déjà fait part de son adhésion à l'objectif de neutralité, lors d'un sommet européen en décembre. Seule la Pologne, qui tire encore 80 % de son électricité du charbon, avait signalé qu'il lui était impossible pour l'instant de donner son blanc-seing. "C'est important que ce soit entériné dans la législation de l'UE. C'est un signal très fort pour les investisseurs" mais aussi pour les autres pays dans le monde, note Imke Lübbeke, de WWF Europe.
"2050 c'est trop tard"
Le président de la commission Environnement du Parlement européen, le Français Pascal Canfin (Renew Europe, centristes et libéraux) y voit aussi l'opportunité de sortir d'un schéma de décision qui nécessite un consensus entre dirigeants. "Une des valeurs ajoutées, c'est de sortir de la situation actuelle où les objectifs climatiques sont pris à l'unanimité du Conseil européen" qui réunit chefs d'Etat et de gouvernement, souligne-t-il.
La "loi climat" fera l'objet d'un dialogue législatif entre le Parlement et les Etats membres. La caution de celle qui est devenue l'icône de la lutte contre le changement climatique est loin d'être acquise. Dans une lettre ouverte publiée sur le site internet Carbon Brief, la Suédoise et une trentaine d'autres jeunes militants du climat critiquent durement les aspirations européennes, qui selon eux reposent trop sur des technologies encore balbutiantes de capture de carbone et pas assez sur une réduction drastique des émissions. Greenpeace a dès mardi mis la pression sur la Commission en projetant sur la façade de son bâtiment l'image d'une planète en flammes, encadrée par deux messages : "La maison est en feu" et "2050 c'est trop tard". Pas encore publié, le projet de loi a déjà suscité des commentaires sévères. Si 2050 ne fait plus débat, la bataille s'annonce en revanche plus âpre sur l'objectif de réduction d'émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030.
"2050 c'est trop tard"
Le président de la commission Environnement du Parlement européen, le Français Pascal Canfin (Renew Europe, centristes et libéraux) y voit aussi l'opportunité de sortir d'un schéma de décision qui nécessite un consensus entre dirigeants. "Une des valeurs ajoutées, c'est de sortir de la situation actuelle où les objectifs climatiques sont pris à l'unanimité du Conseil européen" qui réunit chefs d'Etat et de gouvernement, souligne-t-il.
Les gouvernements de douze Etats membres – dont la France, l'Italie et l'Espagne, les pays scandinaves, ou encore l'Autriche, les Pays-Bas et le Luxembourg – ont écrit au vice-président exécutif de la Commission, Frans Timmermans, pour demander un calendrier plus resserré, avec une proposition chiffrée "aussi tôt que possible et avant juin 2020". "Nous avons besoin de suffisamment de temps pour nous mettre d'accord sur un objectif 2030 relevé bien avant la COP26 de Glasgow" en novembre, soulignent-ils dans une lettre rendue publique mardi.
"Sans objectif climatique pour 2030 et sans mesures pour mettre fin aux subventions aux combustibles fossiles, à l'agriculture industrielle et aux autres industries destructrices, la Commission laisse un grand vide dans ce qui est censé être le fleuron du Pacte vert européen", regrette déjà Sebastian Mang, de Greenpeace EU.
La Commission propose encore, selon le projet de loi vu par l'AFP, de se donner le droit, après 2030, tous les cinq ans jusqu'en 2050, de revoir les objectifs pour ajuster la trajectoire vers la neutralité climatique.