Confinement : comment surmonter ses angoisses ?
Alors que l'épidémie de Covid-19 n'a pas encore atteint son pic en France, le confinement semble parti pour durer. Frustration et ennui pour certains, stress et angoisse pour d'autres. Comment s'armer au mieux pour traverser cette période difficile ? Eléments de réponse avec deux professionnels de la santé mentale.
Conformément à l'annonce du Premier ministre Edouard Philippe vendredi 27 mars, la période de confinement a été prolongée "au moins jusqu'au 15 avril", dans l'espoir de juguler l'épidémie de Covid-19 qui sévit actuellement en France. Nous allons donc devoir prendre notre mal en patience, s'occuper et s'armer aussi bien physiquement que mentalement pour tenir le coup. Bien sûr, nous ne sommes pas tous et toutes logés à la même enseigne : certains ont par exemple la chance de passer leur confinement "au vert", tandis que d'autres se retrouvent seuls confinés dans de petits espaces, sans terrasse, ni balcon. Pourtant, quelle que ce soit la situation et le niveau de difficulté de chacun, l'angoisse d'un enfermement semble s'être généralisée à tous dans cette crise sanitaire qui génère des mesures de précaution inédites en France.
Pallier la perte de liberté
Pour Olivier Dubois, médecin psychiatre à Saujon (Charente-Maritime), cette angoisse généralisée est intrinsèquement liée à nos modes de vie. "Nous vivons dans un monde très axé sur la liberté, sur l'hyperactivité. Le fait de se lever chaque matin en se disant : 'aujourd'hui je ne vais pas faire grand chose', peut suffire à plomber le moral de certains. Sans compter que l'existence même est basée sur le lien social : on lui donne du sens en échangeant avec les autres". "En temps normal, le confinement est réservé à une catégorie spécifique de personnes comme les militaires ou les astronautes. Là, personne n'a été préparé. On met en confinement des gens dans des petits espaces et seuls, mais aussi des familles entières, habituées à pouvoir ‘respirer' à l'extérieur. La solitude, tout comme la promiscuité, peuvent générer des sources d'angoisse, voire d'agressivité", renchérit Pierre Nantas, psychothérapeute spécialiste du trouble de la personnalité borderline.
Veiller à conserver une bonne hygiène de vie
Comment écarter les idées noires et s'apaiser l'esprit dans une période aussi difficile ? Dès les premiers jours de confinement, de nombreuses initiatives ont fleuri sur la toile pour chasser l'ennui et remonter le moral des troupes, à l'instar des cours de sport en ligne et des "apéro Skype". D'autres préfèrent se tourner vers la nourriture spirituelle en profitant de cette période pour se plonger dans la lecture ou dévorer des séries sur les plateformes de vidéos à la demande.
Des choses impossibles à faire si nous avions vécu à une autre époque, sans internet, comme cela a été le cas pendant le confinement lié à la pandémie de grippe espagnole au début du XXème siècle. Mais ces distractions sont-elles suffisantes pour tenir sur le long terme ?
Du point de vue de Pierre Nantas, conserver une bonne hygiène de vie est crucial pour éviter de sombrer dans la morosité : "Se lever et manger à heure fixe, dormir à des heures normales... en règle générale, éviter d'être en total décalage avec son rythme habituel. On peut aussi mettre en place des techniques de relaxation et de gestion du stress, comme la méditation et le yoga."
Mais bien sûr, ces mesures peuvent s'avérer loin d'être suffisantes pour les personnes de nature anxieuse, seules ou fragilisées par la perte d'un proche. "Il est essentiel de laisser libre cours à ses émotions. Si vous vivez avec une personne qui a une montée d'angoisse, il faut l'encourager à parler, l'écouter pour l'aider à évacuer la pression. Et surtout ne pas lui dire : 'ne t'inquiète pas, ça va aller'", conseille Pierre Nantas.
Olivier Dubois encourage quant à lui les personnes qui en ressentent le besoin à demander de l'aide à l'extérieur rappelant que de nombreux professionnels se rendent disponibles, notamment via la téléconsultation. "Il faut casser les processus d'angoisse pour éviter qu'ils ne s'installent et donc ne pas hésiter à parler et exprimer ses émotions auprès d'une personne neutre", préconise le médecin.
L'occasion de renouer avec des proches ?
Au-delà du fait de s'imposer une routine quotidienne et de faire appel à ses capacités de résilience, d'autres aspects du confinement -peut-être moins évidents mais assurément plus positifs- sont à prendre en compte. Pour ceux et celles dont le rythme et les conditions de vie le permettent, le confinement peut par exemple être perçu comme un moment propice pour prendre de bonnes résolutions et/ou développer sa créativité : écrire un journal de bord, faire du sport, tester de nouvelles recettes, repeindre la cuisine, retoucher ses photos, faire le tri dans ses placards, confectionner ses propres produits, etc.
"C'est l'occasion d'apprendre à (re)apprécier les moments passés chez soi... En plus du repos physique et une exposition moindre à la pollution, cette période de confinement, parce qu'on sait qu'elle ne va pas durer indéfiniment, peut s'avérer bénéfique. D'abord au niveau intellectuel : on peut se former en ligne, lire, s'informer, se cultiver. Mais aussi au niveau physique grâce au sport à la maison", considère le psychothérapeute Pierre Nantas.
Le Dr Dubois attire l'attention sur l'opportunité d'être confiné pour renforcer, voire renouer les liens avec ses proches. "Je conseille par exemple à certains de mes patients de reprendre contact avec un membre de la famille à qui ils ne parlent plus depuis longtemps. De manière générale, ce moment fige la course au temps et permet de remettre sur la table des choses plus profondes relatives à notre existence", considère-t-il.
Pierre Nantas abonde dans ce sens : "Le confinement peut favoriser l'introspection et nous aider à repenser au sens de la vie et à s'ouvrir aux autres, comme en témoignent les nombreux échanges sur les réseaux sociaux. Finalement, c'est une sorte d'opportunité qui nous est donnée de réfléchir sur ce qu'on a été jusqu'ici et sur ce que l'on voudrait être à l'avenir."