Santé : s’inspirer des peuples racines pour retrouver l’harmonie

peuple racine
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Par Charlotte Vierne publié le
Journaliste indépendante
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Cancer, diabète, maladies dégénératives et maintenant COVID-19 ! Devant l’explosion des maladies de civilisation, Frederika Van Ingen, journaliste spécialiste du vivant, a souhaité interroger notre conception de la santé à l’aune de celle des peuples primitifs. Un voyage dans nos racines communes à la redécouverte de l’harmonie.

Ils sont l’oxygène qui manque à nos sociétés modernes ! Maasaï, Sioux, Chamane de Touva, Dineh ou encore Samis, les peuples racines que l’on nomme également premiers, autochtones ou encore indigènes, ont la particularité de ne jamais avoir coupé le lien avec la terre sur laquelle ils vivent.
Hétéroclites et pluriels, ils recouvrent près de 5000 groupes et totalisent pas moins de 370 millions de personnes vivant aux quatre coins de la planète, se rejoignant dans un culte commun de la Nature et une recherche constante d’harmonie.

Face à la perte de sens de nos sociétés modernes, les peuples racines constituent-ils le recours ultime pour affronter les nombreux défis à venir ? En quête de sens, c’est au tournant des années 1990 que Frederika Van Ingen décide, pour la première fois, d’aller prendre le pouls de ces sociétés primitives où la terre a valeur de sacré. Lors du premier colloque européen d’ethnopharmacologie, elle découvre les médecines des peuples d’Amazonie et d’Afrique et s’étonne de « leur connaissance des plantes et (de) leur utilisation coutumière de "rêves prescripteurs" ». Une autre façon de soigner le corps, l’esprit et l’âme qui n’est pas sans laisser indifférent.

Une connaissance inégalée des plantes

En matière de phytothérapie, les savoirs traditionnels des peuples premiers dépassent très largement les connaissances rassemblées par le système de santé occidental. « Sur les 30 000 plantes utilisées dans le monde, 1000 seulement ont été étudiées par notre médecine ! Et il est intéressant de noter que ce sont les curares paralysants utilisés pour la chasse en Afrique et en Amazonie qui nous ont permis de développer l’anesthésie ! », explique Frederika Van Ingen.
La connaissance des associations des plantes est, dans ces mêmes sociétés, particulièrement développée. Et, outre les associations, c’est aussi l’intégrité du vivant qui y est constamment préservé.

Quand notre médecine moderne pratique le culte de la molécule de synthèse, ces sociétés utilisent la plante dans sa totalité pour en préserver « l’esprit » et ne pas la dénaturer. Une philosophie permettant de soigner le terrain sur le temps long quand notre médecine s’attaque d’abord au symptôme ! Au bout du compte, la science herboriste des peuples racines aboutit à des taux d’efficacité dépassant les 70 %. Ce succès est d’ailleurs corroboré par l’entrée constatée de chamanes ou de guérisseurs dans les hôpitaux traditionnels, en accompagnement de la médecine conventionnelle. En Australie, au Royal Adelaide Hospital, des médecins hospitaliers ouvrent leur porte à des guérisseurs ngangkari et en Arizona, le Chinle Indian Health Service Hospital est allé jusqu’à construire un hogan, temple Dineh où se pratiquent des cérémonies de guérison. « Partout où les traditions sont demeurées vivantes, des liens se tissent donc progressivement dans l’intérêt des patients ! », témoigne encore Frederika Van Ingen. Une tendance également constatée au niveau international puisque l’OMS a souhaité, dans sa stratégie 2014-2023 pour la médecine traditionnelle, « exploiter le potentiel de la médecine traditionnelle et de la médecine complémentaire en vue d’améliorer la santé et l’autonomie des patients. »

Une connaissance inégalée des plantes

En matière de phytothérapie, les savoirs traditionnels des peuples premiers dépassent très largement les connaissances rassemblées par le système de santé occidental. « Sur les 30 000 plantes utilisées dans le monde, 1000 seulement ont été étudiées par notre médecine ! Et il est intéressant de noter que ce sont les curares paralysants utilisés pour la chasse en Afrique et en Amazonie qui nous ont permis de développer l’anesthésie ! », explique Frederika Van Ingen.
La connaissance des associations des plantes est, dans ces mêmes sociétés, particulièrement développée. Et, outre les associations, c’est aussi l’intégrité du vivant qui y est constamment préservé.

Dans le même ordre d’idées, quand chez nous la prise en charge de la maladie ne vise que l’individu concerné et donc la part visible du monde, chez les peuples racines, le désordre vise le groupe tout entier. Dès lors que « la maladie est toujours l’histoire d’un être et de sa relation avec le monde », le déséquilibre affectant l’individu risque bien de retentir sur l’ensemble du groupe. Il est à cet égard frappant de constater que le mot santé en lakota se traduit par « un homme en équilibre à l’intérieur » ! Plus étonnant encore, « dans la vision amérindienne, un individu n’est jamais malade de lui-même mais met en évidence, par sa maladie, des dysfonctionnements du milieu porteur ».

Rien d’étonnant donc à ce que des peuples tels que les Kagaba chez lesquels des maladies telles que le cancer, Alzheimer ou encore Parkinson n’existent pas, semblent considérer que nos maladies de civilisations viennent des relations inadaptées que nous entretenons avec la nature ! En ce sens, la maladie est donc un message, une opportunité profonde de transformation pour retrouver une relation harmonieuse au monde qui nous entoure !

La dimension spirituelle de la maladie, une dimension occultée ?

Pour retrouver l’harmonie, les médecines premières partent du postulat que santé du corps et de l’esprit sont étroitement liées. Ainsi, ces sociétés mettent en place, à titre préventif, des espaces collectifs de paroles, de chants ou même de danses permettant au groupe dans son ensemble de réajuster ce qui doit l’être. « Ces espaces permettent de se retrouver autour d’une dimension "plus qu’humaine" avec la conscience de faire partie de quelque chose de plus grand, appelant la nécessité de se réharmoniser tous ensemble ! » Pour Fréderika Van Ingen, toutes ces dimensions sont, chez nous, éparpillées et mériteraient véritablement d’être remises au cœur des sociétés : « en Occident, nous allons chez le psy quand nous nous sentons mal alors que dans leur approche, quand elle est demeurée traditionnelle, il y a une véritable connaissance des émotions et des temps d’échange sont organisés tout au long de la vie pour prévenir et accompagner les états de mal-être avec des chamanes ou des hommes médecine. »

Une vision accompagnatrice et enveloppante donc, qui n’exclue rien ni personne et tranche radicalement avec « l’injonction permanente d’aller bien en toutes circonstances propres à nos sociétés modernes ! » Et cette prise en compte permanente du déséquilibre par le groupe augmente assurément les chances de guérison : « loin de l’isolement dans lequel notre société plonge plus que jamais le malade, l’approche spirituelle de la santé de ces peuples permet à chacun d’évoluer dans un terreau social favorable avec la conscience de faire partie de quelque chose de plus grand ».

A bien les regarder, ces mondes agissent donc comme un révélateur de la disharmonie collective et mondiale de nos systèmes : « tout cela met en évidence le danger que représente le fait de faire prévaloir nos systèmes productifs consuméristes sur le système naturel. Ces peuples nous rappellent que si nous ne changeons pas de modèle, des pandémies telles que celle que nous vivons actuellement ont plus de chance d’émerger que si nous essayons de créer des économies plus locales et respectueuses du milieu naturel dans lequel on vit ! »

 

Pour en savoir plus : Ce que les peuples racines ont à nous dire, Frederika Van Igen. Les liens qui libèrent. Paris, 2020.

Photo : © Stocklib / © Pixabay