Les aliments antiangiogéniques : une autre approche nutritionnelle contre le cancer
De nos jours, les solutions alternatives ont leur place aux côtés des soins classiques dans le traitement des cancers. L’alimentation anti-cancer en fait pleinement partie. Le régime cétogène* est sans conteste la plus célèbre des solutions diététiques. Moins connu, le régime anti-angiogénique peut-aussi être efficace. Présentation.
Pour comprendre la stratégie antiangiogénique, il faut comprendre ce qu’est l’angiogenèse. Au départ, c’est une histoire de vie. L’angiogenèse c’est le processus de développement de nouveaux vaisseaux sanguins, notamment les plus petits, les capillaires. Des vaisseaux sanguins se développent dès le placenta et durant toute la croissance. Ils ont un rôle absolument fondamental : permettre la nutrition et le fonctionnement des tissus de l'organisme. Leur très grand nombre et la finesse de leur paroi permettent des échanges entre le sang et les tissus : apports d'oxygène, d'eau, d'ions, de métabolites, transport de gaz carbonique.
Normalement, les vaisseaux sanguins ne se développent plus à l’âge adulte, sauf dans certaines circonstances particulières comme lors d’une grossesse ou encore d’une blessure. Ainsi, le corps a cette capacité de développer de nouveaux vaisseaux sanguins en secrétant des stimulants, appelés facteurs angiogéniques. Et quand ces vaisseaux supplémentaires ne sont plus nécessaires, il sécrète des inhibiteurs de l'angiogenèse. Le problème est que les cellules cancéreuses se servent aussi de ce processus et ce, sans aucune régulation.
*Régime pauvre en glucides et riche en graisses qui pousse l’organisme à entrer en état de cétose nutritionnelle. Cet état physiologique aurait de nombreux effets thérapeutiques anticancer.
L’angiogenèse : quand le cancer devient malade
Quand les cancers démarrent, ils ne sont pas irrigués. Au départ, ce sont des microscopiques nids de cellules qui se développent jusqu'à former un amas d'un demi-millimètre cube. De tels cancers microscopiques se forment en permanence dans le corps de chacun d’entre nous. Sans approvisionnement sanguin, la plupart de ces cancers ne deviendront jamais dangereux. Ce sont, pour reprendre l’expression d’un brillant chirurgien, Judah Folkman, des « cancers sans maladie ». Mais lorsque la taille d’une tumeur dépasse la taille critique de 2mm de diamètre, le réseau sanguin environnant n’est plus suffisant pour lui apporter toute la nourriture dont elle a besoin.
En 1971, le Dr Folkman a remarqué que les tumeurs cancéreuses qu'il opère sont toutes massivement irriguées par des petits vaisseaux sanguins. Contrairement aux petits vaisseaux sanguins qui alimentent des cellules saines, ils ont la particularité d’être très nombreux, très fragiles, comme créés à la va-vite. Le corps qui, naturellement régule l’angiogenèse à la perfection, semble dans ces cas ne plus avoir eu aucun contrôle sur elle.
Comment les cellules cancéreuses induisent-elles leur propre vascularisation ?
Les chercheurs ont commencé à le comprendre seulement au début des années 1990. Lorsque la tumeur est en manque d’oxygène, elle envoie des signaux au réseau vasculaire le plus proche. Les cellules endothéliales, qui tapissent les vaisseaux sanguins voisins de la tumeur, reçoivent ces signaux et commencent à proliférer. Le problème est qu’une fois que l'angiogenèse sans contrôle a commencé, les cancers peuvent se développer de façon exponentielle. Les cellules cancéreuses mutent et acquièrent la capacité de libérer des facteurs angiogéniques en masse, sans limites, qui vont contribuer à vasculariser grandement la tumeur. Dès lors le cancer peut s'étendre et envahir les tissus environnants. Des cellules cancéreuses peuvent également rejoindre la circulation sanguine et aller former des métastases.
Qu’a fait la médecine de cette découverte ?
Suite à la découverte de ce mécanisme, les chercheurs se sont pencher sur les moyens d’empêcher la tumeur d’envoyer ces signaux de détresse ou empêcher les cellules endothéliales de les recevoir. Dès le début des années 2000, des traitements antiangiogéniques sont nés, des thérapies ciblées pour empêcher la tumeur de construire un réseau de vaisseaux sanguins dédié à son alimentation en oxygène et en nutriments. Mais l’angiogenèse tumorale reste encore aujourd’hui seulement partiellement comprise. Ses mécanismes biologiques intimes ainsi que de nombreuses questions relatives à l’utilisation des thérapies antiangiogéniques (résistance acquise par les cellules cancéreuses, effets indésirables, intérêt de l’utilisation avec d’autres thérapies comme une chimiothérapie, etc.) constituent des pistes de recherche. Elle n’est donc à ce jour proposée que dans certains cas et selon certaines modalités.
L’alimentation antiangiogénique : attaquer la tumeur sur tous les fronts
Que vous bénéficiez ou non de ce type de thérapie, sachez qu’il existe dans l’alimentation des molécules qui contribuent à freiner l’angiogenèse et ce, sans effets secondaires. Ces molécules ciblent spécifiquement les vaisseaux sanguins qui nourrissent les cancers et elles le peuvent car ces vaisseaux sont plus pauvrement construits et hautement plus vulnérables aux traitements qui les ciblent que des vaisseaux sains. Les bénéfices de ces substances ont été mis en évidence dans de nombreuses études scientifiques. Certaines ont montré une efficacité in vitro seulement. Mais il n’y a pas de danger à les intégrer dans votre alimentation
Voici les aliments riche en molécules antiangiogéniques que l’on peut conseiller :
Le vin rouge
L'ingrédient actif est le resvératrol. Un verre en apporte en moyenne 1 mg mais cela varie selon les cépages. Le vin le plus riche en resvératrol est le Pinot noir (Bourgogne) avec une concentration pouvant aller jusqu’à 11,9 mg par litre. Vient ensuite le Merlot, le Grenache et le Mourvèdre.
Le soja
Les composés actifs du soja sont les isoflavones : génisteine et diadézine, qui ont des propriétés proches des œstrogènes. Il y en a dans le tempeh, le tofu, le lait de soja par exemple. Une part par jour maximum.
Les graines de lin fraîchement moulues seraient intéressantes également pour leurs phytoestrogènes : 1 cuillère à soupe/jour.
Le citron
Le composé actif serait la nobiletine, un flavonoïde contenu dans les agrumes. Elle contribuerait à ralentir la croissance des tumeurs et des métastases1. Une à deux fois par jour, vous pouvez boire le jus d’un citron pressé dilué dans un verre d’eau.
Le thé vert
La molécule active du thé vert est un polyphénol appelé l’EGCG pour épigallocatéchine gallate, une molécule polyvalente, capable d’interférer avec une foule de processus utilisés par les cellules cancéreuses pour croître et envahir les organes. Comptez au moins 3 tasses par jour de thé infusé dans une eau à 90 °C au maximum et pendant 5 minutes au moins2. Le thé vert matcha libère davantage d'EGCG (environ 3 fois plus) que le thé vert parce que vous ingérez la feuille entière.
Le persil
Les molécules actives sont l’apigénine et la lutéoline, deux polyphénols particulièrement abondants dans le céleri également3.
La rhubarbe
Des chercheurs de l’université chinoise de Hong Kong ont montré que l’extrait de racine de rhubarbe, utilisée en médecine chinoise, réduisait la formation de vaisseaux sanguins. Trois anthraquinones (aloé-émodine, émodine et rhéine) avaient une activité antiangiogénique4.
L'ail
L’allicine, le diallyl sulfide, le diallyl trisulfide, sont antiangiogéniques. Faites-en sorte de consommer une gousse d’ail par jour.
Le brocoli
La queue du brocoli, plus précisément, est une importante source de glucosinolate, une molécule antiangiogénique.
La tomate cuite
La tomate est très riche en lycopène. Une étude portant sur 79 000 hommes, suivis pendant vingt ans, a souligné que ceux qui avaient consommé des tomates cuites deux à trois fois par semaine réduisaient leur risque de cancer de la prostate de 50 %. Mais plus intéressant encore, parmi ceux qui avaient malgré tout développé un cancer de la prostate, ceux qui avaient mangé le plus de sauce tomate avaient des tumeurs moins vascularisées. Le lycopène, pigment rouge des tomates abaisse le taux d'antigène prostatique spécifique (PSA) sécrété par la prostate en cas de tumeur5. Pour avoir un maximum de lycopène, sélectionnez la variété de tomates San Marzano, faites-les cuire plusieurs heures et ajoutez-y un maximum d’huile d’olive qui permettra au lycopène d’être assimilé par l’organisme. Le lycopène sous forme de suppléments nutritionnels ne semble pas amener les mêmes bénéfices.
Le curcuma
C’est un puissant anti-inflammatoire qui inhiberait la croissance de nombreux cancers : côlon, foie, estomac, sein, ovaire, sang... Pour bien l’absorber au niveau intestinal, ajoutez au curcuma en poudre, de l’huile et du poivre.
Le gingembre
Il renferme du gingérol. Il agirait sur les processus d’angiogénèse des cellules cancéreuses6. Il doit idéalement se consommer frais car le gingerol est instable. Le gingembre étant reconnu efficace, même par la Haute Autorité de la santé (HAS) et l'Organisation mondiale pour la santé (OMS) comme étant une alternative naturelle efficace pour lutter contre les nausées, il peut être très intéressant de préparer autour des chimios des jus de gingembre frais.
Les baies rouges
L’ingrédient actif est l'acide ellagique. Il a la capacité d’inhiber deux facteurs de croissance (VEGF et PDGF) impliqués dans la formation de nouveaux vaisseaux dans les tumeurs7. L’acide ellagique se trouve principalement dans les framboises, mûres, fraises, l'extrait de pépins de framboise, les feuilles de framboise, et les raisins. Il y en a également dans la grenade mais ce fruit est assez sucré. Les aliments les plus riches en acide ellagique sont les baies lyophilisées.
L’acide ellagique de la framboise a été testé en laboratoire dans les conditions d'un médicament et s'est révélé aussi efficace que les médicaments connus pour bloquer l'angiogenèse des cellules cancéreuses. La congélation des fruits entiers est considérée comme la méthode de choix pour préserver autant l’intégrité des fruits que leur contenu en composés phytochimiques.
Les champignons maitake/reishi/shiitake8
Leurs principes actifs : les bêta-glucanes. Plusieurs études leur prêtent un effet anti-tumoral, mais aussi immuno- stimulant. Ils pourraient aussi atténuer les effets secondaires de la chimiothérapie. Par exemple, le reishi aiderait à lutter contre les dommages immunitaires causés par ce type de traitements9 et est réputé bon détoxifiant pour le foie. À l'état frais, leurs principes actifs sont peu assimilables du fait de la présence de chitine, un composant qui limite leur absorption.
Pour profiter aux mieux de leurs vertus thérapeutiques, privilégiez la consommation de poudre du mycélium, (ou bien des extraits aqueux ou hydro-alcooliques) vendus comme compléments alimentaires. Posologie : 1,5 g à 2 g de poudre, deux à trois fois par jour. La posologie pouvant varier selon le supplément pris, vous devez suivre la posologie indiquée par le praticien de santé prescripteur.
Pour ceux atteints de cancer qui suivent un régime cétogène, sachez que ces deux régimes sont tout à fait compatibles.
Les lectures pour en savoir plus :
Bien manger pour guérir – William Li
Anti-cancer - David Servan Schreiber
Combattre le cancer avec le régime cétogène - Magali Walkowicz
- 1 Kunimasa K, Ikekita M, Sato M et al. Nobiletin, a citrus polymethoxyflavonoid, suppresses multiple angiogenesis-related endothelial cell functions and angiogenesis in vivo. Cancer Sci. 2010;101:2462-9.
- 2 Béliveau R, Gingras D. Les aliments contre le cancer. La prévention et le traitement du cancer par l’alimentation. Éd. du Trécarré, Canada, 2005.
- 3 Lamy S et coll. Diet-derived polyphenols inhibit angiogenesis by modulating the interleukin-6/STAT3 pathway. Exp Cell Res. 2012; 318: 1586-96.
- 4 He ZH1, He MF, Ma SC, But PP. Anti-angiogenic effects of rhubarb and its anthraquinone derivatives. J Ethnopharmacol. 2009 Jan 21; 121(2):313-7. doi: 10.1016/j.jep.2008.11.008. Epub 2008 Nov 17.
- 5 Ingvild Paur, Wolfgang Lilleby, Siv Kjølsrud Bøhn et al. Tomato-based randomized controlled trial in prostate cancer patients: Effect on PSA. Clinical Nutrition. Volume 36, Issue 3, June 2016, Pages 672–679.
- 6 Kim EC, Min JK, Kim TY, Lee SJ, Yang HO, Han S, Kim YM, Kwon YG. Gingerol, a pungent ingredient of ginger, inhibits angiogenesis in vitro and in vivo. Source Department of Biochemistry, College of Natural Sciences, Yonsei University, Seoul, Republic of Korea.
- 7 Labrecque L, Lamy S, Chapus A Mihoubi S, Durocher Y, Cass B, Bojanowski MW, Gingras D Béliveau R. Combined inhibition of PDGF and VEGF receptors by ellagic acid, a dietary-derived phenolic compound. Carcinogenesis. 2005;26(4):821-6
- 8 Lee JS1, Park BC, Ko YJ, Choi MK, Choi HG, Yong CS, Lee JS, Kim JA. Grifola frondosa (maitake mushroom) water extract inhibits vascular endothelial growth factor-induced angiogenesis through inhibition of reactive oxygen species and extracellular signal-regulated kinase phosphorylation. J Med Food. 2008 Dec;11(4):643-51. doi: 10.1089/jmf.2007.0629.
- 9 Gao Y, Dai X, et al. A Randomized, Placebo-Controlled, Multicenter Study of Ganoderma lucidum (W.Curt: Fr.) Lloyd (Aphyllophoromycetideae) Polysaccharides (Ganopoly®) in Patients with Advanced Lung Cancer. International Journal of Medicinal Mushrooms 2003;5. Étude non répertoriée dans MedLine, décrite dans Natural Standard : www.naturalstandard.com & Gao Y, Tang W, et al. Effects of water-soluble Ganoderma lucidum polysaccharides on the immune functions of patients with advanced lung cancer. J Med Food. 2005 Summer;8(2):159-68. & Gao Y, Zhou S, et al. Effects of ganopoly (a Ganoderma lucidum polysaccharide extract) on the immune functions in advanced-stage cancer patients. Immunol Invest. 2003 Aug;32(3):201-15. &. Gao Y, Zhou S, et al. A Phase I/II Study of a Ganoderma lucidum (Curt: Fr.) P. Karst. Extract (Ganopofy) in Patients with Advanced Cancer. International Journal of Medicinal Mushrooms 2002;4