« Notre maison brûle » : 3 points à retenir sur le nouveau rapport du GIEC
La première partie du sixième rapport du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, dévoilée le 9 août 2021, conclut à une intensification sans précédent du dérèglement climatique. Si certains changements sont d’ores et déjà irréversibles, une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre pourrait encore nous permettre d’en atténuer l’ampleur.
L’avenir climatique est-il encore entre nos mains ? Alors que la COP26 (conférence de l’ONU sur le climat) doit débuter à la fin octobre à Glasgow en Écosse, les dernières conclusions du GIEC, dévoilées le 9 août dernier, tombent à point nommé ! Car à l’heure où "notre maison brûle", pour reprendre l’expression prononcée par Jacques Chirac en ouverture de son discours devant l'assemblée plénière du IV Sommet de la Terre de 2002 à Johannesburg (Afrique du Sud), le premier volet de ce sixième rapport d’évaluation, intitulé "Changements climatiques 2021 : les bases scientifiques", constitue le point d’observation le plus à jour jamais dévoilé sur l’état du climat.
Que nous apprend ce document qui, à l’horizon février et mars 2022, devrait être complété par deux autres rapports portant respectivement sur l’évolution de nos sociétés et sur les solutions de nature à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ?
Le dérèglement climatique s’intensifie
Les experts sont formels : le dérèglement climatique, aujourd’hui généralisé, s’intensifie et l’ampleur des changements récents est sans précédent depuis plusieurs siècles, voire plusieurs milliers d’années !
Rédigés par 234 scientifiques issus de 66 pays, ce rapport se basant sur une analyse de plus de 14 000 études, est sans équivoque : pendant les trois derniers millénaires, le niveau des mers n’a jamais augmenté aussi rapidement que depuis 1900 et, depuis au moins 2000 ans, l’activité humaine a altéré le climat à un rythme effréné.
Ces dix dernières années ont d’ailleurs été 1.1°C plus chaudes que la période s’étalant de 1850 à 1900 et, dans les vingt années à venir, la température continuera inexorablement d’augmenter. Et le seuil de hausse de température fixé, en 2015, à +1,5 °C par l’Accord de Paris, pourrait être atteint dès l’horizon 2030, soit dix ans plus tôt qu’attendu ! Ceci devrait avoir pour conséquences notables pas moins de 255 000 décès prématurés et une perte de récoltes agricoles estimée à 26 millions de tonnes dans le monde.
A ce stade, le bilan fera déjà froid dans le dos ! Mais ce n’est pas tout : si le changement climatique d’origine humaine induit déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes (sécheresses, cyclones tropicaux, fortes précipitations…) dans de nombreuses régions du monde, en l’absence de réaction rapide de notre part, les canicules se multiplieront et avec elles, leurs lots d’incendies et de désolation ; les saisons chaudes s’allongeront au détriment des saisons froides, largement amputées dans le temps.
Dans l’océan également, les vagues de chaleur marines se feront plus présentes et les eaux, plus acides et moins oxygénées, mettront en danger la faune la plus sédentaire. Partout, à l’instar des catastrophes naturelles intervenues fin juillet 2021 en Allemagne et en Belgique, les inondations se feront de plus en plus fréquentes tandis que les populations côtières seront confrontées à une élévation continue du niveau de la mer.
La main de l'humain
Si, en 1995, le groupe d’experts intergouvernemental pour le climat suggérait dans le second rapport du GIEC "une influence perceptible" de l’homme sur le climat global, aujourd’hui, il est catégorique : ces modifications sont indiscutablement et entièrement imputables aux activités humaines. Car, depuis la publication du premier rapport du GIEC en 1990, 1000 milliards de tonnes de CO2 ont été émises, soit presque la moitié de nos émissions depuis le début de toute l’ère industrielle ! Et depuis 2015, en dépit des engagements pris par les différents États après l’Accord de Paris, les émissions de gaz à effet de serre ont encore augmenté.
Autre révélation du GIEC relative à notre budget carbone : les émissions qui nous restent à émettre avant que tout ne soit potentiellement irréversible, sont de 500 milliards de tonnes. Parmi les gaz à effet de serre, la rapport souligne le cas alarmant du méthane responsable, à lui seul, du réchauffement climatique à la hauteur du quart. Avec un pouvoir de réchauffement 28 fois supérieur à celui du CO2, sa concentration augmente bien au-delà des limites de sécurité définies dans le cinquième rapport du GIEC. Les émissions humaines de méthanes proviennent à 40 % de l’agriculture (en particulier de la production animale et, parmi elle, du cheptel bovin qui est le plus émetteur), à 35 % des énergies fossiles et à 25 % des déchets.
Nos décisions auront un impact !
Point positif et pas des moindres : nos actions, indique le GIEC, dicteront indiscutablement l’ampleur du dérèglement climatique au cours de la seconde moitié du XXIe siècle. Si de nombreux changements (élévation du niveau de la mer, hausse de la température des océans, fontes des glaciers et des pôles notamment…) provoqués par les émissions de gaz à effet serre passées et actuels sont déjà irréversibles pour des siècles voire des millénaires, le groupe d’experts note néanmoins des possibilités d’atténuer le dérèglement grâce à des actions fortes et coordonnées des États. Car la Terre, indique encore le GIEC, est capable de se remettre des gaz à effets de serre générés par nos modes de vie.
Ainsi, les scientifiques décrivent trois futurs possibles :
- Le premier - totalement improbable autant économiquement que politiquement et socialement, puisque prévoyant une réduction drastique de ces émissions- limiterait en effet le réchauffement à +1, 5°C ;
- Dans le second scénario de faible probabilité puisque supposant notamment, dans les dix années à venir, une politique mondiale de réduction sévère de la consommation d’énergies fossiles, il serait augmenté de 2°C ;
- Dans le dernier cas, laissant le niveau d’émissions à l’œuvre depuis 1992 inchangé, le réchauffement atteindrait les +4°C.
Entre 2081 et 2100 et selon les scénarios, les scientifiques attendent, pour le moment, une élévation de la température mondiale qui oscillera entre 1,4°C et 4,4°C. Dans ce tableau général, de fortes disparités régionales se feront jour : les régions semi-arides et de moyennes latitudes devrait être davantage touchées par les augmentations des températures et l’Arctique- scénario ô combien cauchemardesque ! - se réchauffera, quant à lui, trois fois plus vite que le reste du monde !