Maladie de Crohn : un additif alimentaire en cause ?
Les maladies inflammatoires de l’intestin (MICI) telles que la maladie de Crohn touchent un nombre croissant de personnes. Si, à ce jour, il n’existe pas de traitement contre cette pathologie, la recherche avance notamment sur les facteurs favorisants. Une récente étude française menée par l’Inserm pointe notamment du doigt un émulsifiant alimentaire fréquemment utilisé dans les plats transformés.
Les additifs alimentaires seraient-ils responsables des maladies inflammatoires de l’intestin (MICI), de plus en plus fréquente au sein de la population. C’est en tout cas ce que suggère une récente étude de l’Inserm. Car si des facteurs génétiques ont été incriminés dans le développement de ces pathologies, ces prédispositions ne suffisent pas à expliquer leur survenue, poussant la recherche à explorer les facteurs environnementaux. Et le coupable pourrait bien se trouver dans notre assiette !
Des scientifiques de l’Institut Cochin, dirigés par le chercheur de l’Inserm Benoît Chassaing, viennent de démontrer que le carboxyméthylcellulose (CMC), un émulsifiant alimentaire que l’on retrouve sous le code E466 sur les emballages, altère l’environnement intestinal et la composition du microbiote. Cet additif largement utilisé depuis les années 1960 sert à améliorer la texture et prolonger la durée de conservation des aliments.
En deux semaines, le microbiote est modifié
Les résultats de cette étude clinique ont été publiés dans la revue Gastroenterology. Pour la réaliser, les chercheurs ont suivi un petit nombre de volontaires sains. Ces derniers ont été logés sur le site de l’étude durant toute sa durée et ont été divisés en deux groupes distincts. L’un suivait un régime alimentaire sans aucun additif strictement contrôlé, et l’autre un régime similaire mais supplémenté par du CMC.
Résultat : au bout de deux semaines, les scientifiques ont observé que, chez les participants consommant du CMC, la composition en bactéries présentes dans l’intestin affichait une forte diminution de « bonnes » bactéries, comme Faecalibacterium prausnitzii.
Par ailleurs, les analyses des échantillons fécaux ont montré un appauvrissement significatif de multiples métabolites bénéfiques chez les participants dont les plats comportaient du CMC. Enfin, ils étaient davantage concernés par des douleurs abdominales et des ballonnements intestinaux.
Ces observations confirment les résultats précédemment obtenus sur l’animal par cette même équipe de chercheurs. Ils avaient en effet déjà démontré que la présence d’émulsifiants alimentaires dans de nombreux plats transformés pouvait favoriser l’inflammation au niveau intestinal chez la souris, aggravant ainsi les pathologies inflammatoires chroniques comme la colite, le syndrome métabolique et le cancer du côlon.
Des caractéristiques similaires au diabète de type 2
Ayant été réalisé sur une courte période, cet essai n’a pas entraîné de maladie inflammatoire chez les participants. Toutefois, il suggère que la consommation à long terme de CMC peut affecter le microbiote intestinal, favorisant ce type de pathologies chroniques.
Des coloscopies réalisées au début et à la fin de l’étude chez les participants ont montré que "les bactéries intestinales se trouvaient localisées plus proches des parois de l’intestin chez un sous-groupe de sujets parmi ceux consommant du CMC ", précise l’Inserm. "Il s’agit d’une caractéristique observée dans des maladies inflammatoires de l’intestin et le diabète de type 2", soulignent les experts.
Des résultats à confirmer
"Nos résultats soulignent la nécessité d’études complémentaires sur cette classe d’additifs alimentaires, sur des échantillons plus larges et à plus long terme. Par ailleurs, nous souhaitons désormais mieux comprendre l’hétérogénéité des réponses au CMC entre les sujets. Pourquoi seulement certains individus développent des marqueurs inflammatoires à la suite de la consommation de ces additifs ? Certaines personnes sont-elles plus sensibles à certains additifs que d’autres ? Voici les questions auxquelles nous voulons répondre et pour lesquelles nous sommes en train de concevoir diverses approches", précise Benoît Chassaing, qui a piloté la recherche.
Des études cliniques et précliniques ciblant le CMC devraient prochainement être menées. De plus, des essais à plus grande échelle sur des volontaires atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont actuellement en cours pour comprendre l’impact de cet additif.
Près de 20 millions de personnes seraient touchées par une MICI dans le monde. En France, près de 150 000 personnes sont atteintes par la maladie de Crohn. Si cette pathologie est aujourd’hui incurable, ces résultats pourraient ouvrir à la voie à de nouvelles pistes de prévention de la maladie.