Le changement climatique : « une menace grave et croissante » alerte le Giec dans son dernier rapport
Ce lundi 28 février, le Giec a publié le deuxième volet de son sixième rapport d’évaluation sur les impacts du changement climatique. Un travail élaboré par 270 scientifiques après l’analyse de milliers d’études passant en revue les vulnérabilités, les capacités et les limites de la biodiversité et des sociétés humaines à s’y adapter. Les experts tirent à nouveau la sonnette d’alarme et appellent à agir avant qu’il ne soit trop tard. Voici les éléments à retenir.
En août 2021, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publiait la première partie de son sixième rapport dressant la liste des changements et les évolutions liés au dérèglement climatique. Ce lundi 28 février 2022, c’est le deuxième volet, élaboré par le Groupe de travail II, qui était publié. Un rapport détaillant les impacts de ce réchauffement climatique en cours et exposant les possibilités d’adaptation à ce phénomène pour renforcer la résilience de la nature et de la société.
Au total, 270 auteurs représentant 67 pays et 675 auteurs collaborateurs ont participé à l'élaboration de ce rapport, se basant sur plus de 34 000 références.
"Un terrible avertissement"
"Ce rapport est un terrible avertissement sur les conséquences de l'inaction", a déclaré Hoesung Lee, le président du Giec, dans un communiqué. "Il montre que le changement climatique provoqué par les humains est une menace grave et croissante pour notre bien-être et la santé de cette planète."
Tempêtes, inondations, canicules, sécheresses... les phénomènes extrêmes météorologiques déjà perceptibles vont s’accentuer. Le Giec dénonce des "dégâts substantiels et des pertes de plus en plus irréversibles pour les écosystèmes terrestres, d'eau douce, côtiers et marins", soulignant que "l'étendue et la magnitude des impacts du changement climatique sont plus importantes qu'estimées dans les précédents rapports". Le ton est donné : il n'y a plus de temps à perdre.
Car l'équation est de plus en plus difficile à résoudre : survenant simultanément, les phénomènes extrêmes "ont des répercussions en cascade de plus en plus difficiles à gérer", peut-on lire sur le communiqué. En raison des extrêmes thermiques, près de la moitié des espèces évaluées provenant de diverses zones géographiques dans le monde, se sont déplacées vers les pôles, ou à des altitudes plus élevées. Si le réchauffement se limite à 1,5°C, 3 à 14 % des espèces pourraient tout de même disparaître.
Dépasser un réchauffement planétaire de 1,5 °C, même temporairement "entraînera des conséquences graves supplémentaires, dont certaines seront irréversibles", menaçant la survie des végétaux, des animaux mais aussi celle des humains.
Car l'équation est de plus en plus difficile à résoudre : survenant simultanément, les phénomènes extrêmes "ont des répercussions en cascade de plus en plus difficiles à gérer", peut-on lire sur le communiqué. En raison des extrêmes thermiques, près de la moitié des espèces évaluées provenant de diverses zones géographiques dans le monde, se sont déplacées vers les pôles, ou à des altitudes plus élevées. Si le réchauffement se limite à 1,5°C, 3 à 14 % des espèces pourraient tout de même disparaître.
Entre 3,3 et 3,6 milliards d’individus sont particulièrement exposés au changement climatique. Et "les populations et les écosystèmes les moins aptes à y faire face sont les plus durement touchés", affirment les chercheurs. Des populations davantage exposées à une insécurité alimentaire et hydrique, notamment en Afrique, en Asie, en Amérique centrale et du Sud, dans les petites îles et en Arctique. Les experts alertent sur les risques grandissant de malnutrition causés par la diminution des récoltes. "Les aléas climatiques réduisent la production agricole, et le CO2 stimule la photosynthèse mais réduit la qualité nutritive des cultures", explique Delphine Deryng, chercheuse à l'université de Humboldt (Berlin), ayant participé à la rédaction du rapport. Si la santé physique et physiologique est à craindre, dans certaines régions, l'augmentation des températures et des événements extrêmes a également des conséquences sur la santé mentale.
De son côté, "l'Europe est beaucoup moins vulnérable que l'Afrique et pourtant, même sur ce continent, l'adaptation seule n'est pas suffisante pour limiter les risques au-delà de 1,5°C de réchauffement", indique Gonéri Le Cozannet, chercheur au BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières), co-auteur du rapport.
Dégâts à court et à long terme
Pour comprendre les effets du réchauffement climatique, le rapport expose deux périodes : le court terme (2021-2040) et le moyen-long terme (2040-2100) et leurs impacts respectifs.
La première période, dans laquelle nous sommes entrés causera "une augmentation inévitable de risques climatiques multiples", note le rapport. Les actions menées avant 2040 pour limiter le réchauffement climatique à près de 1,5 °C pourraient réduire les dommages mais de nombreux risques sont inévitables à court terme. Les impacts de la seconde période dépendront, quant à eux, du niveau de réchauffement. Plus il sera élevé et plus les dégâts le seront également. "Environ un milliard de personnes pourraient être menacées par des aléas climatiques côtiers, à moyen terme et dans tous les scénarios" d'émissions de gaz à effet de serre, précise le Giec.
"Ce rapport reconnaît l’interdépendance du climat, de la biodiversité et des populations humaines et intègre davantage les sciences naturelles, sociales et économiques que les évaluations précédentes du GIEC", explique Hoesung Lee. "On y insiste sur l’urgence de prendre des mesures immédiates et plus ambitieuses pour faire face aux risques climatiques. Les demi-mesures ne sont plus possibles", préviennent les experts.
Notre capacité d’adaptation fera la différence
"Si nous nous engageons beaucoup plus fortement qu'actuellement, nous pouvons arriver à éviter beaucoup des graves conséquences", souligne Wolfgang Cramer, directeur de recherches du CNRS, l'un des auteurs du rapport. Trois pistes sont étudiées : limitée, incomplète et proactive.
L’adaptation proactive permettrait de diminuer drastiquement les risques. Car jusqu’ici, les mesures prises sont trop "fragmentées, à petite échelle, progressives, spécifiques à un secteur, pensées pour répondre aux conséquences actuelles ou aux risques à court terme, et concentrées sur la planification plutôt que sur la mise en œuvre".
Les experts du Giec pointent également les risques liés à une mauvaise adaptation. Celle-ci ayant des effets plus nuisibles que salvateurs face au réchauffement climatique. Or, des mesures "intégrées, multisectorielles, qui traitent aussi les inégalités sociales" sont plus efficaces insistent-ils. "Il est maintenant clair que des changements mineurs, marginaux, en réaction ou progressifs ne seront pas suffisants".
Sauvegarder la nature
Alors que la dégradation et la destruction de la nature conduit à la hausse des émissions de gaz à effet de serre, "sauvegarder la biodiversité et les écosystèmes est fondamental ", souligne le GIEC. En effet, l’adaptation au changement climatique doit aussi passer par la préservation de la nature. "Les écosystèmes en bonne santé sont plus résilients au changement climatique et procurent des services vitaux comme la nourriture et l’eau potable", souligne Hans-Otto Pörtner, coprésident du Groupe de travail II du GIEC. "En restaurant les écosystèmes dégradés et en préservant efficacement et équitablement 30 à 50 % des habitats terrestres, océaniques et d’eau douce, la société profitera de la capacité qu’a la nature d’absorber et de stocker le carbone et nous accéderons plus vite à un développement durable, mais la volonté politique et un financement adéquat sont essentiels", a-t-il ajouté.
Des solutions locales
Si le changement climatique est un défi mondial que tous les décideurs doivent mener de front, des solutions adaptées localement sont indispensables pour une meilleure adaptation. "Des dégâts ont été détectés dans les secteurs sensibles au climat, avec des effets régionaux sur l'agriculture, la forêt, la pêche, l'énergie, le tourisme et la productivité du travail en extérieur", impactant également l’économie des pays.
Ce rapport met en exergue une mine d’informations régionales et aborde également la question des villes, qui concentrent plus de la moitié de la population mondiale. Car celles-ci peuvent offrir des possibilités de lutte contre le changement climatique (bâtiments écologiques, approvisionnement adéquat en eau propre et énergie renouvelable, modes de transport durables…). Une adaptation spécifique pour éviter les écueils et erreurs du passé ayant conduit à la destruction de la nature ou à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, l’urbanisation croissante et le changement climatique créant des risques importants.
Agir avant qu’il ne soit trop tard
Encore une fois, ce rapport pointe du doigt le manque d’actions prises jusqu’ici par les gouvernements. "Tout retard dans l’action mondiale concertée nous ferait perdre un temps précieux et limité pour instaurer un avenir viable", souligne Hans-Otto Pörtner. Un constat que confirme Hoesung Lee, le président du GIEC : "Les mesures prises aujourd’hui façonneront l’adaptation de l’humanité et la réponse de la nature aux risques climatiques croissants".
Pour les experts, "un développement résilient face au changement climatique est déjà un défi au niveau actuel de réchauffement. Il sera plus limité si le réchauffement planétaire excède 1,5 °C. Dans certaines régions, il sera impossible si le réchauffement planétaire dépasse 2 °C", assurent-ils.
"J’ai vu de nombreux rapports scientifiques dans ma vie, mais rien de comparable à celui-ci", a tweeté le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Pour lui, ce rapport est "un recueil de la souffrance humaine et une accusation accablante envers l’échec des dirigeants dans la lutte contre les changements climatiques. Je sais que les populations du monde entier sont anxieuses et en colère. Je le suis aussi. Il est temps de transformer cette rage en action pour le climat", a-t-il lancé.
I've seen many reports, but nothing like the new @IPCC_CH climate report, an atlas of human suffering & damning indictment of failed climate leadership.
— António Guterres (@antonioguterres) February 28, 2022
I know people everywhere are anxious & angry. I am, too.
It's time to turn rage into #ClimateAction. https://t.co/ouBcbujyge
Un troisième volet prévu en avril prochain
Pour compléter ce deuxième volet, la contribution du Groupe de travail III au sixième rapport d’évaluation devrait être publié début avril 2022. Quant à la synthèse de ce sixième rapport, elle devrait être terminée au cours du deuxième semestre 2022.
Pour rappel, afin de rédiger les rapports d’évaluation, les scientifiques du GIEC étudient bénévolement les milliers d’articles scientifiques publiés chaque année. Ce groupe d’experts est composé de trois unités : le Groupe de travail I se chargeant des éléments scientifiques de l’évolution du climat, le Groupe de travail II analysant les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité, et le Groupe de travail III étudiant l’atténuation du changement climatique. Une équipe spéciale élabore également des méthodes pour mesurer les émissions et les éliminations de gaz à effet de serre.