Le scandale des substituts de lait maternel

Lait bebe
Lait bebe maman
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Par Charlotte Vierne publié le
Journaliste indépendante
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Avec « La Deuxième Mère », toute récente publication publiée par Mélissa Mialon, la chercheuse en nutrition révèle comment le lobby des aliments pour bébé favorise la généralisation des substituts de lait maternel, des produits ultra-transformés non sans conséquence sur la santé de nos enfants. Allaiter devrait donc être en numéro un de nos résolutions pour la nouvelle année.

Après la publication de son dernier livre Big Food & Cie dénonçant la responsabilité du secteur de l’agroalimentaire dans l’explosion des maladies de civilisation (cancers, maladies cardio-vasculaires et diabète de type 2), l’ingénieure et docteur en nutrition, Mélissa Mialon, revient sur le devant de la scène avec une véritable bombe sur le lobby des aliments pour bébé. Mise en ligne sur la revue très respectée Maternal and Child Nutrition, le 22 décembre 2021, sa publication intitulée « La Deuxième Mère » et réalisée conjointement avec Emma Cossez, chargée de projets et d’ingénierie en Promotion de la Santé et Philip Baker de l’Institut de nutrition de la Deakin University (Australie). Il met notamment en lumière le scandale des substituts de lait maternel, aliment ultra-transformé dont la nocivité, bien que largement dénoncée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), n’a pas empêché la généralisation de la diffusion à l’échelle de la planète. S’appuyant bien souvent sur les professionnels de santé, un marketing agressif et des pratiques commerciales douteuses sapent aujourd’hui les efforts déployés pour accroître l’adhésion des parents à l’allaitement maternel. « Alors que nos professionnels de santé sont matraqués de toutes parts pour nous faire consommer des laits infantiles, les industriels s’érigent aujourd’hui en experts à leurs côtés ! » s’indigne Mélissa Mialon pour qui l’allaitement au sein est pourtant décisif tant pour la santé des enfants que pour celle des mamans. 

L’allaitement maternel, gage de santé 

« L’allaitement maternel est un des moyens les plus efficaces d’assurer la santé et la survie de l’enfant » rappelait encore l’OMS dans une communication en date du 20 février 2018. Alors que l’agence des Nations Unies recommande, conjointement avec l’Unicef, d’allaiter les enfants exclusivement au sein pendant les six premiers mois1 et de le poursuivre ensuite jusqu’à deux ans (voire même au-delà) en introduisant d’autres aliments sûrs et nutritifs. Les laits infantiles développés par les industriels connaissent, de nos jours, une véritable explosion. Les études scientifiques sont pourtant unanimes : outre ses intérêts psychoaffectifs évidents, le lait maternel sauve la vie des enfants, car il contient des anticorps qui renforcent leur organisme et les protègent contre de nombreuses maladies de l’enfance. Ainsi, pour les nouveau-nés, le fait de ne pas être allaité est associé à une incidence accrue de morbidité infectieuse et de syndrome de mort subite du nourrisson. Et, plus tard dans leur vie, ces enfants présentent bien souvent des risques élevés d’obésité infantile, de diabète de type 1 et 2, de cancer ou de leucémie selon une étude publiée en 2021 dans la Obesity Review2. Quant aux mères, elles ne sont pas en reste : selon une étude datée de 2009, l’absence d’allaitement est associée à une incidence accrue de cancer du sein préménopausique, de cancer de l’ovaire, de maintien du gain de poids gestationnel, de diabète de type 2, d’infarctus du myocarde et de syndrome métabolique3.

Avant 6 mois, seul 1 nourrisson sur 2 est allaité.

En France, pourtant, malgré la multiplication des preuves scientifiques, près d’un tiers des nouveau-nés ne sont pas allaités : ils sont, de fait, 26 % à être exclusivement nourris avec des substituts de laits maternels. Une situation d’autant plus préoccupante qu’au fur et à mesure que le bébé grandit, ce chiffre ne cesse d’augmenter : à l’âge d’un mois, les substituts de lait maternel constituent la nourriture exclusive de près d’un enfant sur deux et de deux enfants sur trois dès quatre mois. « Et en réalité, indique Mélissa Mialon, il y a beaucoup plus de bébés qui consomment des laits infantiles à ces âges, puisque ces chiffres n’incluent pas les bébés qui sont à la fois allaités et qui reçoivent des substituts. » Ainsi et de manière générale, la durée d’allaitement en France est loin des 6 mois d’allaitement exclusif recommandés par l’OMS. Et, selon une étude datée de 2011, il apparaît que l’allaitement prolongé est associé à la fois à la situation familiale, à la situation vis-à-vis de l’emploi et à des facteurs liés à l’éducation et à la culture de sorte que, au bout du compte, plus les parents appartiennent à une catégorie sociale professionnelle élevée, plus l’allaitement au sein des enfants est prolongé4.

Les substituts de lait maternel ultra-transformés

Produits ultra-transformés, les substituts de lait maternel pour bébé destinés aux enfants de 0 à 36 mois constituent de formulations industrielles exemptes d’aliments entiers : particulièrement appétissant, ils n’en demeurent pas moins composés d’extraits d’aliments auxquels on a ajouté des additifs cosmétiques5. Leurs formulations à base de lait écrémé en poudre et de protéines de lait (provenant de vaches ou d’autres animaux), comptent également des huiles végétales, des édulcorants et des micronutriments. Si ces préparations lactées peuvent être appropriées lorsqu’une contrindication médicale s’oppose à l’allaitement maternel, ces produits n’en demeurent pas moins souvent responsables de malnutrition infantile. Car, même si de gros progrès ont été réalisés dans la composition de ces laits artificiels depuis une vingtaine d’années, ils sont, selon le guide Le Bon choix pour vos enfants publié en 2017 aux éditions Thierry Souccar, encore trop riches en protéines, ce qui augmente le risque d’obésité : « ils devraient dans l’idéal en apporter 1 g/100 ml or, dans la réalité, les teneurs oscillent entre 1,4 et 1, 55 g/100 ml. »  Autres problèmes, leur rapport caséine/protéines solubles est souvent trop important (elle devrait être inférieure à 1 pour les laits premier âge) ce qui entraîne des risques de constipation ; leur rapport oméga 6 – Oméga 3 est défavorable (autour de 8 alors qu’idéalement, il ne devrait pas excéder 5) ; ils contiennent des substances potentiellement toxiques telles que les composés de Maillard, soupçonnés d’être un facteur possible de résistance à l’insuline et donc de diabète. Dernier écueil, ces laits infantiles ne contiennent pas de cholestérol, « pourtant indispensable puisqu’il entre dans la composition des membranes cellulaires, qu’il participe à la digestion des graisses et qu’il est un précurseur de la vitamine D. » Enfin, évidemment, les anticorps de la maman protégeant les nouveau-nés des infections en sont absents.  

Avant 6 mois, seul 1 nourrisson sur 2 est allaité.

En France, pourtant, malgré la multiplication des preuves scientifiques, près d’un tiers des nouveau-nés ne sont pas allaités : ils sont, de fait, 26 % à être exclusivement nourris avec des substituts de laits maternels. Une situation d’autant plus préoccupante qu’au fur et à mesure que le bébé grandit, ce chiffre ne cesse d’augmenter : à l’âge d’un mois, les substituts de lait maternel constituent la nourriture exclusive de près d’un enfant sur deux et de deux enfants sur trois dès quatre mois. « Et en réalité, indique Mélissa Mialon, il y a beaucoup plus de bébés qui consomment des laits infantiles à ces âges, puisque ces chiffres n’incluent pas les bébés qui sont à la fois allaités et qui reçoivent des substituts. » Ainsi et de manière générale, la durée d’allaitement en France est loin des 6 mois d’allaitement exclusif recommandés par l’OMS. Et, selon une étude datée de 2011, il apparaît que l’allaitement prolongé est associé à la fois à la situation familiale, à la situation vis-à-vis de l’emploi et à des facteurs liés à l’éducation et à la culture de sorte que, au bout du compte, plus les parents appartiennent à une catégorie sociale professionnelle élevée, plus l’allaitement au sein des enfants est prolongé4.

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