Pourquoi la France n’est-elle pas encore 100% bio ?
Le bio progresse en France et dans le monde. Toutefois, il reste minoritaire aussi bien dans les rayons des supermarchés que dans les champs, malgré une prise de conscience presque globale que le système en place doit évoluer. Jacques Caplat nous explique l’envers de cette grande transition actuellement en cours.
Jacques Caplat, ingénieur agronome et expert en agriculture biologique, a répondu à nos questions lors de La Bio dans les Étoiles. Il s’insurge contre l’agriculture actuellement dominante qui n’est pas tenable sur le long terme, mais avoue que la prise de conscience progresse vers une alternative biologique. Cette transition en cours se traduit déjà par une forte demande en produits bio à laquelle les producteurs français n’arrivent pas à répondre, à cause de différents blocages. Explications.
Actuellement, la demande en produits bio est très supérieure à l’offre, mais la production nationale ne suit pas. On le constate chaque fois que l’agriculture biologique se développe sur un territoire, tout est vendu sans problème. Le potentiel de développement est bien plus important que la consommation actuelle."
"Choisir ce qu’on mange ne suffit pas à redéfinir le monde de demain, mais ça y contribue largement. Ça ne suffit pas, car il y a des blocages qui ne dépendent pas des consommateurs. Les blocages qui empêchent à la bio de s’envoler apparaissent au niveau de l’organisation des filières. Bio ne veut pas simplement dire arrêter la chimie. Ce n’est surtout pas ça, ça va beaucoup plus loin !"
"La bio est une autre façon de concevoir l’agronomie qui implique de travailler autrement. Les productions sont différentes. Par exemple, on cultive de nouvelles céréales, ce qui demande de réorganiser les circuits commerciaux et les habitudes des consommateurs. Il existe également des blocages au niveau des producteurs. Je le vois très bien en ayant beaucoup travaillé là-dessus avec les paysans."
"Choisir ce qu’on mange ne suffit pas à redéfinir le monde de demain, mais ça y contribue largement. Ça ne suffit pas, car il y a des blocages qui ne dépendent pas des consommateurs. Les blocages qui empêchent à la bio de s’envoler apparaissent au niveau de l’organisation des filières. Bio ne veut pas simplement dire arrêter la chimie. Ce n’est surtout pas ça, ça va beaucoup plus loin !"
"Enfin, passer à l’agriculture biologique pour un agriculteur veut dire travailler pendant plusieurs années avec des techniques bio sans avoir le revenu qui va en face. Tous ces changements demandent un accompagnement très fort qui fait encore défaut en France."
"La période de conversion vers la bio demande un soutien financier. L’ennui, c’est que ce soutien est aléatoire et parfois long à arriver. Actuellement, il y a des agriculteurs qui n’ont pas touché d’aides depuis deux ans, ce qui conduit à des échecs. Des agriculteurs se sont engagés dans un changement prometteur, mais vont droit dans le mur sur le plan économique. C’est dramatique, car ils vont mettre la clé sous la porte, parce que les pouvoirs publics n’ont pas assuré un soutien sécurisé."
"La question n’est pas de donner plus d’argent aux agriculteurs. La question est de leur donner à la fin, sinon ça ne marche pas. Il y a un certain nombre d’insécurités à ce niveau-là qui sont de gros obstacles, mais malgré tout, la transition avance donc c’est encourageant."
"Dès lors que beaucoup de consommateurs choisissent de consommer des produits bio, locaux, de commerces équitables, etc, cela donne un élément structurant dans l’évolution des filières, y compris pour les agriculteurs. Pour moi, le consommateur est aussi citoyen et doit agir sur d’autres leviers que la consommation, même si elle reste un outil énorme d’évolution."