Le chlordécone, un pesticide à la dangerosité démontrée
Le chlordécone, pesticide interdit dès 1977 aux Etats-Unis et en France en 1990, a été utilisé aux Antilles jusqu'en 1993 par dérogation pour lutter contre le charançon du bananier. Plusieurs études ont démontré la dangerosité du produit, que doit évoquer jeudi Emmanuel Macron.
Le chlordécone (ou la chlordécone si on parle de la molécule) est toujours présent dans les sols antillais, où il peut rester jusqu'à 600 ans. Sa molécule contamine particulièrement les légumes-racines (patates douces, carottes, ignames, etc.) en remontant dans la plante. Bien que le produit ne soit plus utilisé, la population antillaise reste exposée, surtout quand elle s'alimente par les circuits informels (autoproduction, bord de route), qui peuvent provenir de zones contaminées, prévient l'Anses.
Eaux et sols contaminés
Le chlordécone peut aussi aller dans les eaux de captage et les eaux marines, et contaminer les produits de la pêche, ce qui a obligé les autorités à mettre en place des zones d'interdictions de pêche. Les effets néfastes du produit ont été dénoncés par des lanceurs d'alerte dans les années 2000, qui ont conduit à la mise en place de trois plans successifs de prévention, depuis 2008. Le dernier plan court de 2014 à 2020 (30 millions d'euros investis).
Selon les résultats d'une étude de l'agence Santé publique France rendus publics en janvier, "plus de 90 % de la population adulte" en Guadeloupe et Martinique, soit "la quasi totalité", est contaminée par le chlordécone.
Cancer de la prostate et troubles chez les enfants
Le produit est soupçonné d'être responsable notamment d'une explosion des cancers de la prostate aux Antilles, comme l'a révélé l'étude de l'Inserm "Karuprostate" (de Karukera, nom caribéen de la Guadeloupe) en 2010. En 2012, l'étude "Timoun" portant sur l'impact du chlordécone sur la grossesse et le développement des enfants a aussi mis en évidence des troubles de comportement des enfants, des pertes de motricité et "des pertes de QI de 10 à 20 points". Le produit augmente également le risque de prématurité, selon une étude de l'Inserm rendue publique en 2014.
Selon les résultats d'une étude de l'agence Santé publique France rendus publics en janvier, "plus de 90 % de la population adulte" en Guadeloupe et Martinique, soit "la quasi totalité", est contaminée par le chlordécone.
Revoir les limites autorisées
Lors de la présentation du Livre bleu outre-mer, déclinaison de sa politique pour les territoires ultramarins, le 28 juin, Emmanuel Macron avait déjà évoqué le sujet : "parler de la santé, c'est aussi parler des drames du passé et de nos responsabilités collectives, et sur la chlordécone, je serai clair pour dire que nous continuerons le travail avec lucidité et détermination car on ne peut accepter les situations dans lesquelles nous sommes".
Fin juillet, le ministère de l'Agriculture a décidé de revoir les limites autorisées pour la présence dans les aliments de chlordécone et a demandé à l'Agence nationale de sécurité de l'alimentation et de l'environnement (Anses) de réévaluer les valeurs toxicologiques de référence, à la suite d'un recours déposée par une association guadeloupéenne devant le tribunal administratif de Paris.
Un colloque sur l'état d'avancement des recherches sur la chlordécone aura lieu du 16 au 19 octobre en Martinique et Guadeloupe.