Chlordécone : vers une commission d'enquête, à la demande des députés PS
Pollution des eaux et des sols, risque de cancers : les députés socialistes devraient obtenir l'ouverture d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, environnementales et économiques des pesticides "chlordécone" et "paraquat" aux Antilles.
Le chlordécone, pesticide longtemps utilisé pour combattre un insecte dévastant les bananeraies, est suspecté d'avoir des effets toxiques pour l'homme. Sa persistance dans les sols - jusqu'à sept siècles - et le risque de contamination des aliments ont justifié l'adoption depuis 2008 de plusieurs Plans chlordécone pour évaluer la pollution et protéger la population. Le paraquat est un herbicide très dangereux interdit depuis 2007.
Le groupe PS a annoncé mardi vouloir engager son "droit de tirage" (une commission d'enquête par groupe et par session) pour obtenir des réponses sur "les responsabilités dans l'autorisation de ces produits", l'évaluation "des politiques publiques de recherche et de décontamination" et "les modalités d'indemnisation" des victimes.
Le président de l'Assemblée a saisi la garde des Sceaux pour s'assurer que les faits visés ne faisaient pas l'objet de poursuites, seule condition qui pourrait rendre la demande (ou une partie de la demande) irrecevable. Or, selon une source judiciaire, une information judiciaire sur le chlordécone est en cours. Ouverte en novembre 2007 à Paris, elle porte sur les chefs de "mise en danger de la vie d'autrui par violation manifeste et délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence", "administration de substances nuisibles" et "tromperie sur la qualité substantielle et le risque inhérent d'une marchandise".
Si, pour l'heure, il n'y a pas eu de mise en examen, une expertise relativement complexe est en cours, a précisé cette source à l'AFP.
Un "drame sanitaire"
"Nous sommes face à un drame sanitaire", a expliqué lors d'un point presse Serge Letchimy, député de la Martinique. "Il faut répondre à la psychose collective qui s'installe, laisser la parole aux scientifiques", a ajouté Hélène Vainqueur-Christophe (Guadeloupe).
Josette Manin (Martinique) a rappelé les mots du président Macron, fin septembre aux Antilles, expliquant que l’État devait "prendre sa part de responsabilité" dans cette pollution et "avancer sur le chemin de la réparation".
"Depuis 1976, les conséquences catastrophiques du chlordécone étaient connues, sa fabrication a été interdite aux Etats-Unis, pourtant la France a donné une autorisation du pesticide en 1980 qui a duré jusqu'en 1990 avec une prolongation jusqu'en 1993", a rappelé Serge Letchimy.
"Plusieurs années après, nous constatons que 50 % des terres martiniquaises et guadeloupéennes sont polluées", selon lui.
"Une étude récente a montré que les risques de récidive du cancer de la prostate sont trois fois supérieurs pour quelqu'un touché par le chlordécone et des institutions nationales (dont Santé publique France, ndlr) disent que 95 % des Martiniquais et Guadeloupéens" sont contaminés, a-t-il indiqué.
Pour le député, l'indemnisation ne doit pas prendre en compte uniquement "l'exposition aux risques des 12.000 employés agricoles" mais bien "la contamination par l'alimentation" de "750.000 personnes".
L'élu souligne aussi les conséquences économiques pour les exploitants des sols contaminés et les pêcheurs, "la moitié des côtes antillaises étant interdites à la pêche", contaminées par des écoulements d'eaux pluviales.
Photo : © Helene Valenzuela - AFP/Archives