Comment durant cinquante ans Total a sciemment fermé les yeux sur son rôle dans le changement climatique
Dès les années 1970, le groupe pétrolier Total était au courant des effets négatifs qu'auraient ses activités sur le futur climatique. C'est en effet ce que révèle une recherche française d’envergure publiée dans "Global Environmental Change". Les équipes de "Compléments d’Enquête" consacrant ce soir une émission sur ce scandale ont également pu consulter des éléments accablants sur les géants pétroliers.
La loi du silence sur les questions climatiques aurait longtemps régné chez les rois du pétrole ! Mercredi 20 octobre 2021, une enquête réalisée par 3 scientifiques français, intitulée "Les réactions de Total et Elf face au réchauffement climatique" et parue dans Global Environmental Change, apporte des éléments éloquents sur l’inaction de Total face aux dégâts environnementaux liés à ses activités estimés il y a déjà cinquante ans. Les équipes de Compléments d’Enquête consacrant ce soir un numéro sur ce scandale ont également pu consulter des documents confidentiels et inédits.
On apprend que dès les années 1970, le groupe pétrolier français aurait accéléré l’exploitation et la combustion des énergies fossiles en sachant qu’elles joueraient pleinement un rôle dans le dérèglement climatique. Des informations paraissant notamment dans le magazine interne de l'entreprise, Total information, en faisait régulièrement écho par le biais d’expertises. En 1971, un scientifique français de la recherche climatologique y dénonçait les risques futurs de la combustion d'énergies fossiles pouvant conduire à la hausse de la température terrestre. "La circulation atmosphérique pourrait s'en trouver modifiée, et il n'est pas impossible, selon certains, d'envisager une fonte au moins partielle des calottes glaciaires des pôles, dont résulterait à coup sûr une montée sensible du niveau marin. Ses conséquences catastrophiques sont faciles à imaginer…" Et ce n'est pas tout. "Tous les modèles sont unanimes à prédire un réchauffement", indique un autre rapport confidentiel rédigé par la direction environnement de Elf, en 1986, entreprise publique à ce moment-là.
Gagner du temps à tout prix
Mais fermant les yeux sur ces différents constats, les entreprises pétrolières les auraient continuellement mis en doute dans leurs discours publics, allant parfois jusqu’à réfuter les estimations scientifiques. "Il y a un décalage entre ce qui est dit en interne et le discours qui était porté vers l'extérieur, vers les décideurs politiques, les arènes internationales, le gouvernement français ou la communauté européenne. Là, au contraire, il y a l'idée de 'ne pas agir trop vite puisqu'il y a beaucoup d'incertitudes', en contradiction déjà avec les conclusions du premier rapport du Giec, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, publié en 1990.", explique Christophe Bonneuil, l'un des auteurs de l'étude et directeur de recherches au CNRS.
Et tout aurait été orchestré afin de prendre des mesures environnementales le plus tardivement possible ! Complément d'enquête a pu consulter un document datant de 1993, un véritable "plan d'action" au sujet de "l'effet de serre", présenté à la direction générale du groupe. Si à l’époque, la société Elf avait, en interne, conscience du risque climatique, la hiérarchie conseillait dans le même temps d'insister sur "les doutes scientifiques en matière d'effet de serre", de "montrer que contrairement à une idée à la mode, l'écologie est plus destructrice que créatrice d'emplois", ou encore de "développer le thème : les charges de l'environnement sont supportées par le contribuable et/ou par les consommateurs".
Gagner du temps à tout prix
Mais fermant les yeux sur ces différents constats, les entreprises pétrolières les auraient continuellement mis en doute dans leurs discours publics, allant parfois jusqu’à réfuter les estimations scientifiques. "Il y a un décalage entre ce qui est dit en interne et le discours qui était porté vers l'extérieur, vers les décideurs politiques, les arènes internationales, le gouvernement français ou la communauté européenne. Là, au contraire, il y a l'idée de 'ne pas agir trop vite puisqu'il y a beaucoup d'incertitudes', en contradiction déjà avec les conclusions du premier rapport du Giec, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, publié en 1990.", explique Christophe Bonneuil, l'un des auteurs de l'étude et directeur de recherches au CNRS.
Des décennies durant, c’est donc en toute connaissance de cause que les géants pétroliers auraient continué leurs activités. Retrouvez le numéro de Complément d’Enquête, ce soir à 23h sur France 2.