Élevage, artisanat, culture : ces trentenaires ont tout plaqué pour une vie plus proche de la nature
A l’aube de leurs 30 ans, Célia, Gabriel et Élisa ont complètement changé d’orientation professionnelle et de vie. Leur motivation ? Vivre une vie plus proche de la nature et qui ait du sens. Rencontre.
A l’heure où certains quittent les grandes villes et télétravaillent davantage, d’autres ont délaissé leurs bureaux et leur confortable situation professionnelle pour se lancer dans une activité de culture ou d’élevage plus proche de la nature. C’est le cas de ces trois jeunes trentenaires que nous avons rencontré dans le Val de Loire, à une trentaine de kilomètres au sud d’Orléans. Si la région est réputée pour ces châteaux et son vin, il y fait aussi bon vivre.
Fini le bureau, place à l’élevage de chèvres
C’est ici que Célia Beauclair, 31 ans, ancienne chargée d’études au Conservatoire d’espaces naturels de l’Allier, a choisi de revenir poser ses valises pour élever un troupeau d’une quarantaine de chèvres. "Je travaillais assise derrière un bureau et ça ne me plaisait pas. Et puis mon travail me frustrait car j’avais peu d’impact pour sauvegarder les espèces protégées", confie la jeune femme. Après avoir quitté son poste, elle a obtenu un Brevet Professionnel Responsable d’Exploitation Agricole (BPREA) et un Certificat de spécialisation conduite d’élevage caprin. Après quelques remplacements, en 2019, elle décide de s’installer à son compte dans sa région. Elle reprend une ferme de 17 ha et monte un bâtiment pour ses chèvres à Cravant. C’est ainsi que la chèvrerie de Rilly voit le jour. En avril 2020, pendant le premier confinement, Célia commence à vendre ses produits aux consommateurs : fromages aromatisés ou classiques, yaourts, faisselles, tartinades, semoules au lait, viande de chevreau... "C’était une sortie pour les familles. Elles avaient du temps pour parler et visiter. Ça leur faisait du bien et ça a vraiment bien lancé notre activité", se souvient Célia.
Du printemps à l’automne, son troupeau se nourrit de l’herbe des prairies et l’hiver du foin de luzerne et des céréales qu’elle produit. Si elle n’a pas encore le label bio, elle s’est engagée dans une démarche respectueuse de l’environnement et des animaux. Elle soigne autant que possible ses chèvres avec de l’homéopathie et des huiles essentielles.
Son compagnon a gardé son activité mais la soutient. "Il y a des moments où c’est dur car on travaille tous les jours sauf en janvier et février. La rémunération n’est pas exceptionnelle mais on n’a pas des besoins énormes. On a une vie simple et proche de la nature et des animaux. C’est ce que je voulais", confie l’éleveuse.
Depuis décembre 2021, elle a ouvert une tiny house, construite et exploitée par la société Parcel, sur le pâturage des chèvres. Les touristes en quête de séjours éco-responsables peuvent y séjourner, partager un moment avec l’agricultrice et son troupeau. "Nous avons été agréablement surpris car ça marche bien. Ça ne bloque pas mon activité et je peux échanger avec des personnes contentes de prendre un bol d’air à la campagne", remarque Célia. Ce complément de revenus lui a permis d’embaucher sa maman quelques heures par semaine pour lui prêter main forte dans son activité. L’aventure ne fait que commencer.
De la géophysique au pain au levain
Gabriel Huot, lui, est titulaire d’un doctorat en géophysique. Après un contrat de deux ans post-doctorat en recherche, il a changé de voie "pour une histoire de sens. Je me sentais loin de la réalité, des problèmes sociaux et climatiques. J’en avais assez de traiter des données sur ordinateur et je voulais avoir plus de temps pour mes enfants", explique le jeune trentenaire. Quelques temps avant, un ami l’avait initié à la réalisation de pain au levain. Il se passionne très vite pour la fermentation et s’instruit via le blog de Marie-Claire Frédéric « Ni cru ni cuit ». Une révélation. "C’est fascinant de voir que le pain ce n’est que de l’eau et de la farine qui fermente. La vie est partout autour de nous", ajoute Gabriel. Pour ses 30 ans, ses amis lui offrent un stage chez Nicolas Supiot, un paysan boulanger en Bretagne. L’expérience confirme son idée qu’il est possible de faire du pain en étant en cohérence avec la nature, en utilisant des semences paysannes plus résilientes par rapport aux changement climatique, avec des cultures sans intrants… Pendant des mois, Gabriel Huot se forme en lisant des livres, en visionnant des vidéos sur Internet, en aidant des boulangers issus de l’École internationale de boulangerie, et fraîchement installés à Orléans, en s’entraînant chez lui...
En octobre 2020, il obtient son CAP de boulanger. Mais pas question pour lui d’être employé : il souhaite faire les choses à son rythme, garder une flexibilité pour sa vie de famille et travailler à sa façon. Pour être indépendant du réseau électrique et le plus sobre possible en énergie, il apprend à construire son four à bois mobile auprès de « L’atelier paysan », une coopérative d’autoconstruction qui aide les artisans et agriculteurs à être autonomes face aux technologies. Il fabrique son pétrin en bois, s’approvisionne en farine bio et locale auprès de paysans boulangers et pétrit tout à la main. Quant à son local, il s’agit d’un chalet en bois qu’il a posé sur le terrain d’une école alternative de Dry. Les élèves peuvent ainsi le voir travailler.
Gabriel Huot propose ainsi du pain de campagne, du pain complet intégral, de petit épeautre en grain, au sarrasin et du kouglof, son seul produit sucré. Tous sont au levain naturel. Il fait principalement de la vente directe pour créer du lien avec ses clients et dispose de quelques points de distribution. "Comme je pétris tout à la main, je ne peux pas faire beaucoup de pains. J’arrive tout de même à me sortir un petit salaire sous le Smic mais suffisant pour que je vive", confie Gabriel. Sa reconversion a inquiété son entourage, mais celui-ci le lui a longtemps caché par respect.
Aujourd’hui, la récompense de Gabriel, ce n’est pas son salaire : "Je suis hyper heureux de faire ce que je fais. Je n’ai aucun regret même si c’est un travail intense pour lequel on ne compte pas ses heures. Mais j’ai plus de liberté et de liens avec les gens". Après un an d’activité, le bilan est positif. Son objectif est désormais d’élargir sa base de clients fidèles pour éviter les périodes creuses.
De la crèche à la cueillette
A 31 ans, Élisa Grémenet a déjà eu plusieurs vies professionnelles. Après avoir travaillé dans une crèche, l’appel de la nature a été le plus fort. "Je ramenais de plus en plus de jeux en lien avec la nature, de plantes aux enfants de la crèche. J’animais un petit atelier jardinage avec eux", se souvient la jeune femme. Jusqu’au jour où elle décide de se reconvertir. Elle passe un BPREA en maraîchage bio. Elle se lance dans la cueillette sauvage de plantes pour confectionner des mélanges pour infusions et loue un terrain pour y cultiver une trentaine de variétés de plantes. "C’est un peu déroutant d’arriver dans l’agriculture quand on y connaît pas grand-chose, mais ma formation m’a aidée. Et puis j’étais sensible à l’écologie. J’avais envie d’être actrice d’un changement, de travailler la terre, d’animer un espace avec des plantes, de voir les insectes et animaux y revenir, de côtoyer les autres agriculteurs, de revenir à l’essentiel", explique Élisa Grémenet. Sa petite entreprise nommée « Des herbes & moi » vend par le biais d’Amap et d’une boutique de vrac à Beaugency, neuf mélanges de plantes pour infusions élaborées comme des parfums, un aromate pour assaisonner les salades et un gomasio. Elle est ravie de sa première année d’activité. Les clients ont été au rendez-vous et elle a même manqué de stock à la fin de l’année. "J’ai récolté 25 kg de plantes sèches émondées. Mon objectif c’est de cultiver plus pour satisfaire toutes les demandes car c’est un peu frustrant pour les clients et moi", reconnaît Élisa. Elle souhaite aussi développer sa gamme de condiments, proposer ses plantes aux fleuristes pour composer des bouquets avec des aromates.
En partenariat avec l’office de tourisme Terres du Val de Loire, elle va aussi proposer aux beaux jours des visites de son jardin botanique et des ateliers « dessine-moi une plante » et « confectionner sa propre tisane ». Avec le recul, Élisa admet qu’il faut "une part de folie et beaucoup de passion pour se lancer". Dans deux ans, elle espère pouvoir se verser un petit salaire. En attendant, elle goûte le bonheur de vivre la vie qu’elle voulait.
Infos pratiques
-Suivez l’actualité de la Chèvrerie de Rilly sur sa page Facebook.
Pour séjourner dans la tiny house de Célia à la chèvrerie, réservez sur le site de Parcel, ici.
-Pour découvrir l’actualité de Gabriel Huot : sa page Facebook « Au levain du jour »
-Pour retrouver Des herbes & moi, rendez-vous sur www.doucesetsauvages.fr