Rapport du Giec : seulement trois ans pour inverser la tendance ?
Les rapports du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) se suivent et se ressemblent : des constats effrayants, alarmants, établis par les scientifiques de l’ONU sur des milliers de pages. Lundi 4 avril, le groupe d’experts a publié le troisième et dernier volet de son sixième rapport, consacré cette fois-ci aux préconisations pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et tenter de limiter les effets d'un réchauffement climatique dévastateur.
Le dernier volet du GIEC commence par un rappel des faits. Les émissions de CO2 n’ont jamais été aussi importantes qu’aujourd’hui. En effet, en 2019, elles étaient 12 % plus élevées qu’en 2010, et 54 % plus élevées qu’en 1990.
Si quelques pays ont réussi à diminuer un peu leur production de gaz à effet de serre depuis dix ans, ces efforts n’ont pas de réels impacts sur la situation mondiale. Situation désastreuse, même si le président du Giec, Hoesung Lee, se doit de conserver un ton rassurant : "Nous sommes à la croisée des chemins. Nos décisions peuvent assurer un avenir vivable", a-t-il averti.
Trois ans seulement pour inverser la courbe
Désormais, l’humanité ne dispose plus que de trois ans pour contenir le réchauffement climatique sous le seuil défini par l’Accord de Paris. Cela voudrait dire réduire de près de la moitié les émissions de gaz à effet de serre et atteindre la neutralité carbone en 2050. D’après le texte, c’est un objectif « hors de portée » avec les engagements internationaux actuels. D’ailleurs, le rapport vise plutôt, dans le meilleur des cas, une hausse de 2°C maximum, contre les 1,5°C initiaux, désormais illusoires. Ces perspectives restent très utopiques sachant que la production de CO2 n’a cessé d’augmenter depuis deux siècles. Pour autant, les scientifiques assurent que cela reste techniquement possible. Mais pour cela, il faudrait stopper totalement l’usage du charbon et réduire le gaz et le pétrole de 70 % d’ici 2050.
Sauver les puits de carbone et passer aux énergies renouvelables
Plus concrètement, pour réduire les émissions de CO2, les experts proposent dans un premier temps de sauvegarder les puits de carbone que représentent les océans et les forêts, mais aussi de recourir aux énergies renouvelables telles que le photovoltaïque et l’éolien. "La quasi-totalité de la production mondiale d'électricité devant provenir de sources zéro ou bas-carbone", estime le Giec. Point positif : le coût des technologies bas-carbone a baissé ces dernières années et a permis leur déploiement. Capturer et stocker le carbone, voilà un point crucial sur lequel il est indispensable de se pencher dès aujourd’hui. Ces technologies seront même « inévitables » pour sauver la planète. Cela passe par planter des arbres, mais aussi par l’extraction du CO2 dans l’atmosphère. Une technologie, cependant, qui n’est pas encore au point.
Le rapport étrille les grands dirigeants politiques
10 % des plus riches du monde émettent 36 à 45 % des émissions totales de gaz à effet de serre. La responsabilité des pays riches est donc pointée du doigt dans ce rapport, dans lequel ils sont sommés de redoubler d’effort pour compenser cet écart, mais aussi de mettre la main à la poche pour aider les pays plus pauvres à effectuer leur transition énergétique. Ils devraient investir « trois à six fois plus » qu’actuellement. Pour les scientifiques, "la réduction de nos émissions est un investissement qui, à long terme, vaut le coup".
Le document relève néanmoins l’existence de nombreuses nouvelles politiques climatiques dans le monde, qui ont permis notamment de limiter la déforestation. Mais rien qui impacte l’équilibre mondial. Jusqu’à présent, les gouvernements n’ont pas tenu leurs engagements. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, va même plus loin et dénonce : "Certains gouvernements et responsables d'entreprises disent une chose et en font une autre. Pour le dire simplement, ils mentent."
Changer nos modes de consommation
Une partie conséquente du document est consacrée à la « sobriété ». Comprenez : le changement des modes de consommation, notamment individuels. Une vraie transformation des habitudes pourrait permettre de réduire 40 à 70 % des émissions carbone d’ici 2050. Cela passe notamment le télétravail et l’usage des transports en commun, la limitation des déplacements en avion et la réduction de notre consommation de viande. Le rapport insiste également sur l’importance de favoriser le recyclage dans l’industrie et de mettre en place de vrais plans pour isoler les bâtiments. Il encourage également l’usage des voitures électriques, sans pour autant nier le coût environnemental de leur fabrication…
Ce texte de près de 3000 pages est le fruit du travail conjoint de 276 scientifiques, qui planchent sur la question du réchauffement climatique. Le Giec a été fondé en 1988 et regroupe aujourd’hui 195 États. Leur premier rapport d’évaluation a été publié en 1990. Le sixième et dernier en date a été décidé en 2015. Il se compose de trois volets dont le premier a été publié en août 2021.