Ils souffrent d’éco-anxiété
Face aux changements climatiques et à la pollution, il est naturel de ressentir de l’anxiété. Un phénomène qui touche en particulier les jeunes. Voici quelques pistes pour mieux comprendre cette éco-anxiété et l’apprivoiser.
"De manière de plus en plus récurrente, j'angoisse face à l'avenir qui se prépare en matière de crise environnementale et du devenir de notre planète. Dès que mes jeunes enfants me parlent du futur, je sens mes tripes se resserrer. Et depuis quelques temps, cela me réveille même la nuit. Pourtant, je ne suis pas du tout quelqu'un d'anxieux. Je sais que je ne suis pas la seule, néanmoins je ne trouve aucun réconfort parmi mes proches quand j'ose en parler. Ça devient vraiment empoisonnant au point que j'ai envie de me couper du monde", témoigne cette maman sur un groupe Facebook. A l’heure où le sixième rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) alerte de nouveau sur les dangers climatiques, les constats alarmants et prévisions favorisent la prise de conscience de la population. Réchauffement climatique, pollution, extinction des espèces, destruction des forêts, fonte de la banquise… Ces faits peuvent susciter de l’inquiétude. Ces préoccupations concernant l’environnement portent un nom : l’éco-anxiété. C’est Véronique Lapaige, un médecin-chercheur belgo-canadien en santé publique et mentale, qui a créé ce concept en 1996.
L’éco-anxiété touche un public divers
L’éco-anxiété touche donc un public assez large mais est plus prégnante chez les jeunes. "On note que les jeunes de 18-35 ans, et même les plus jeunes, sont davantage à risque d’avoir de l’éco-anxiété dans une forme plus sévère car ce sont eux qui vont porter le fardeau de la société, qui se demandent si ça vaut la peine d’avoir des enfants, d’étudier encore… Ils voient que les générations plus âgées ne font pas des choix qui vont dans le sens de la protection de la planète. Ils se sentent impuissants", déclare Karine Saint-Jean, docteure en psychologie et auteure de « Apprivoiser l’éco-anxiété » aux éditions de l’Homme.
D’après les recherches réalisées par Véronique Lapaige, 85 % des 15-30 ans se sentiraient concernés par cette éco-anxiété. Ce sont eux les plus touchés. Selon le médecin-chercheur, interviewée par nos confrères du site web du National Geographic, ils sont plus exposés aux informations qui s’y rapportent et qui circulent sur Internet et les réseaux sociaux. Contrairement aux personnes plus âgées, ils n’ont pas eu le temps de s’habituer progressivement à ces mauvaises nouvelles et les découvrent de manière plus soudaine et brutale. Par ailleurs, ils n’ont pas encore fondé une famille, n’exercent pas forcément un métier et peuvent moins décontextualiser ces informations, s’en détacher.
Les jeunes mamans, les grands-parents, les personnes exerçant une activité en lien avec la terre et l’environnement sont aussi plus susceptibles de présenter une éco-anxiété.
L’éco-anxiété n’est pas une maladie
Le terme d’éco-anxiété a été repris par de nombreux psychologues et s’est parfois éloigné de son concept initial. Pour Véronique Lapaige, l’éco-anxiété n’est pas un trouble individuel semblable à une crise d’angoisse ou un syndrome de stress post-traumatique. "L’éco-anxiété n’est pas une maladie, c’est une réaction normale face à une situation bien réelle", confirme Karine Saint-Jean.
L’éco-anxiété peut se manifester de façon très différente d’une personne à une autre, donner lieu à de l’anxiété, de la colère, de la tristesse, de l’impuissance, du désespoir… Elle peut engendrer de l’inquiétude, des réflexions sur l’avenir, donner envie de changer de mode de vie pour davantage préserver l’environnement...
"Dans les formes les plus fortes, les gens peuvent avoir de l’anxiété très sévère avec des difficultés de sommeil, des difficultés à entrer en contact avec les autres. On ignore si c’est dû à l’éco-anxiété ou si c’est lié à un trouble anxieux", nuance la docteure en psychologie.
Quelles solutions ?
Il n’y a, selon Véronique Lapaige, peut-être pas lieu de faire disparaître le sentiment d’insécurité lié à ces phénomènes climatiques au risque d’enfermer la personne qui en souffre dans une forme de déni. En revanche, diverses mesures peuvent aider à mieux vivre ces faits.
Modérer ses sources d’informations
La manière dont on consomme ces informations influe sur l’éco-anxiété. Si votre enfant ou vous-même souffrez d’éco-anxiété, variez les sources d’informations et privilégiez celles qui n’ont pas un angle trop dramatique. Évitez l’accumulation de contenus qui ne délivrent pas de nouvelles informations mais alimentent les émotions.
Éviter les discours pessimistes
Même si le contexte et les prévisions sont inquiétants, on se focalise sur d’autres aspects positifs de sa vie. Ça aide à prendre un peu de distance.
Les enfants ne possèdent pas toujours cette capacité à relativiser. Véronique Lapaige suggère d’éviter de leur répéter que la planète est vouée à une triste fin. On les accompagne en parlant avec eux, en leur demandant ce qui les inquiète, ce qu’ils aimeraient qui change... C’est une manière pour eux d’extérioriser et c’est déjà un premier pas pour se sentir mieux.
Calmer ses émotions
On apprend à accepter ses émotions et à en prendre soin. Pour cela, on peut s’aérer dans la nature, jardiner, se promener dans un parc… "Plus on est en contact avec la nature plus ça aide à s’apaiser", glisse Karine Saint-Jean. "La méditation de pleine conscience peut aussi aider à ne pas être submergé par une émotion forte et apprendre à observer nos pensées qui ne sont pas des vérités absolues. C’est une manière de désinvestir nos pensées et de prendre soin de nos émotions", ajoute-t-elle. En fonction de l’intensité de l’anxiété ressentie et des répercussions, l’aide d’un professionnel peut être la bienvenue pour les adultes comme pour les enfants.
Passer à l’action
Même si l’on ne peut changer le monde, on a la possibilité d’avoir un impact sur ce qui nous entoure. "Plus on agit avec ce qui est en cohérence pour nous, mieux on se sent. Ça peut être en consommant de manière plus éco-responsable, en s’investissant dans des groupes éco-citoyens… Lorsqu’on est face à un problème, on libère beaucoup d’énergie pour le gérer. Le fait d’être actif va aider à canaliser cette énergie et va dans le sens de régler le problème pour contrer l’impuissance", souligne la docteure en psychologie. Même les enfants peuvent participer en triant les déchets, en paillant les plantations, en prenant leur vélo pour aller à l’école plutôt que la voiture… On leur fait remarquer que chacun de leurs petits gestes comptent et aident la planète.
Quand les actions sont réalisées dans un contexte plus collectif, en rejoignant un groupe ou avec sa famille par exemple, on voit que l’on n’est pas seul à faire des efforts. C’est motivant et cela donne de l’espoir.