Zéro gâchis : ils collectent les biodéchets des restaurants
Parcourir la ville à vélo pour récupérer les déchets organiques des restaurants et les transformer en compost : l’idée est née à Paris, et elle a fait des petits. Rencontre avec la branche toulousaine des Alchimistes.
Mathieu est devenu « Alchimiste » à Paris. Lorsqu’il arrive à Toulouse, il entend exporter le concept, bien rôdé dans la capitale depuis deux ans. L’association Les Alchimistes Occitera se créé en février 2018, et aujourd’hui, ils sont quatre à la développer. Petit à petit, avec les moyens du bord, et l’expérience parisienne réussie pour les guider. La mise en place matérielle est longue, mais l’idée séduit tout le monde, et il y a de quoi. La démarche consiste à collecter les déchets organiques produits par les restaurants locaux, pour les transformer en compost. Iris, dernière recrue de l’équipe, explique : "Nous voulons travailler à la relocalisation du traitement des déchets. Les gisements sont très nombreux en ville, on ne devrait pas avoir à faire des dizaines de kilomètres pour s’en débarrasser, et c’est pourtant ce qu’il se passe aujourd’hui. "
Valoriser le compost obtenu
Leur système de collecte est simple, et écolo : une grande remorque pour stocker les douze bacs de récupération, tractée par un vélo électrique. Tous les jours, ils se rendent chez leurs partenaires et récupèrent leur bio-poubelle, dont ils déversent ensuite le contenu dans des bacs en bois, sur un terrain mis à leur disposition par la régie du quartier du Mirail. Pour l’instant, le compost produit n’est pas valorisé. "Il sert à amender le sol pour de futur projets de permaculture, explique Valentin, co-fondateur de l’association toulousaine. À Paris, il est revendu à des maraîchers urbains, des fondations d’entreprises ou des enseignes bio."
L’objectif est de reproduire ce système à Toulouse. "Pour l’instant, nous n’avons pas le droit de vendre notre compost. Mais nous allons bientôt être équipé d’un électro-composteur, une machine qui accélère le processus, et produit un compost qui n’est plus catégorisé comme déchet. Il ne pose aucun problème sanitaire et peut être stocké en ville. Et potentiellement, il peut être commercialisé ". L’association doit pouvoir se doter de cette machine en ce mois de juin 2019. En plus de produire du compost en seulement douze jours (contre plusieurs mois lorsqu’il se décompose naturellement), elle accepte tous les sous-produits animaux (viande, poisson, fromage…), tandis qu’actuellement, les Alchimistes ne peuvent récupérer que du végétal. Pour les restaurateurs, cela représentera une contrainte en moins dans le tri de leurs déchets.
"J’encourage les restaurateurs à s’y mettre"
Ils sont une douzaine à avoir répondu favorablement à la proposition des Alchimistes Occitera. Du restaurant haut-de-gamme à la cantine d’entreprise, les profils sont variés. Les recycleurs interviennent également sur le festival le plus connu des Toulousains, Rio Loco. Emma, propriétaire du Bijou, restaurant et salle de concert, se dit enchantée de leurs services. "Notre lieu était déjà éco-engagé et je réfléchissais justement à une solution pour limiter ou traiter les déchets de la cuisine. Quelque mois après m’être penchée sur le sujet, les Alchimistes sont venus nous voir, ça tombait parfaitement !" Depuis plusieurs mois, ils passent chaque jeudi récupérer les deux bacs que le chef remplit au fur et à mesure des services. "J’ai eu quelques appréhensions au départ, car il est souvent difficile de changer les pratiques en cuisine, reconnaît Emma. Mais j’ai rapidement été convaincue. Nous stockons les bacs dans la cour, ce n’est pas contraignant. Et les jours de collecte, qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, les Alchimistes ont toujours le sourire et un petit mot gentil, c’est vraiment sympa. J’encourage tous les restaurateurs à s’y mettre."
Leur visibilité grandissante, que ce soit dans les médias, les salons et événements autour des pratiques vertes, ainsi que leur futur électro-composteur donnent toutes les chances à leur asso de pousser plus vite. D’autant que d’autres antennes locales se forment, à Marseille et à Toulon, notamment, contribuant à créer une vraie dynamique. Reste encore à mobiliser les pouvoirs publics afin d’encourager la pratique, par exemple dans les écoles. Ce qui permettrait, à terme, aux bénévoles de devenir salariés, en pérennisant leur petite entreprise.