Dépistage du cancer du sein : la mammographie systématique, problématique ?
Alors que la campagne annuelle de sensibilisation au dépistage du cancer du sein Octobre Rose vient de donner le coup d’envoi de sa 28e édition, la polémique sur la réelle utilité de cet examen médical généralisé continue de faire rage. Présidente du collectif de médecins indépendants « Cancer rose », la radiologue Cécile Bour s’inscrit en faux contre « des slogans simplistes » et milite pour une meilleure information des femmes.
« Au cours de sa vie, une femme sur huit risque de développer un cancer du sein » ; « la pratique du dépistage systématique permet de réduire la mortalité de 20 % »... A l’heure où Octobre rose et l’Institut national du cancer s’apprêtent à multiplier leurs messages habituels de promotion de la mammographie de contrôle, Cancer Rose, un groupement de médecins indépendants mené par la gynécologue Cécile Bour se bat contre des slogans jugés « réducteurs » et milite pour une meilleure information des femmes sur le dépistage.
Généralisé en France depuis 2004, le dispositif de dépistage systématique mis en place par les autorités sanitaires propose à chaque femme âgée de 50 à 74 et ne présentant aucun symptôme ni aucun facteur de risque particulier, un examen clinique des seins et surtout une mammographie de contrôle tous les deux ans, remboursés par la sécurité sociale.
Une efficacité contestée
Il n'y pas de consensus scientifique au sujet du dépistage systématique. Comme l'indique Cécile Bour, "de nombreuses études contestent l’efficacité de cette mesure sanitaire dans la réduction de la mortalité par cancer du sein". En tête, la méta-analyse Cochrane datant de 2001 et qui conclut que "la diminution de mortalité par cancer du sein n’est pas statistiquement significative chez les femmes régulièrement dépistées". Et ce n’est pas la seule : en 2014, une étude canadienne publiée dans le Britsih Medical Journal affirmait que "le dépistage systématisé du cancer du sein par mammographie ne donne pas plus de chances aux patientes que si elles n'étaient soumises qu'à un examen clinique classique". Des résultats surprenants et, de l’avis de certains médecins, pas assez connus de la population générale qui associe encore trop souvent dépistage et prévention.
Irradiation, fausses alertes et surdiagnostics
Pour Cécile Bour, la pratique généralisée du dépistage pose plusieurs problèmes : "Ce qui saute finalement aux yeux ce sont, d’une part les fausses alertes (il s’agit de suspicions de cancers qui ne se vérifient pas, mais cela après des examens complémentaires -générateurs de stress- tels que la biopsie) et le phénomène de surdiagnostics d’autre part !" Vrai diagnostic de cancer, le surdiagnostic consiste à identifier la présence d’un cancer qui ne mettra pas en danger la santé et la vie de la femme. C’est que nous fabriquons constamment des « micro-cancers » qui n’évolueront jamais et dont la détection ne présente que peu d’intérêt. "Or, ce que les femmes ne savent pas, c’est que dès lors que vous dépistez et qu'une lésion est détectée, elle sera traitée." Car toute image visible de lésion cancéreuse implique ensuite de se soumettre aux traitements conventionnels d'intervention chirurgicale, de chimio et/ou de radiothérapie. "Lorsque vous procédez à un dépistage mammographique, s’insurge Cécile Bour, vous souscrivez en réalité un contrat impliquant que vous acceptez les traitements anti-cancéreux qui en découlent." Et pour cause, la médecine ne dispose pas des moyens de prédire l’évolution des lésions cancéreuses de bas grades et soumet donc parfois les femmes à des traitements "inutiles" (surtraitements). On a donc un excès de détection et de traitements chez les femmes dépistées sans réduction significative de la mortalité par rapport aux femmes non dépistées. "Dans plusieurs pays, des essais cliniques sont actuellement en cours pour tester la surveillance active de carcinome in situ (cancer de très bas grade et de très bon pronostic, qui pourrait ne pas évoluer) et évaluer la possibilité de ne pas intervenir, mais en France, nous ne disposons pas de cette alternative."
La virulence d’un cancer ne dépend ni de sa taille, ni de son âge
Autre inconvénient : la mammographie constitue une image à un instant T, "n’excluant en aucun cas de développer, le lendemain même de l’examen, un cancer." C’est ce que l’on appelle les cancers d’intervalle. Mais si on peut développer un cancer le lendemain d’un dépistage négatif, faudrait-il alors multiplier les examens mammographiques ? "Sûrement pas !" , tranche Cécile Bour. Outre les radiations et le coût financier que représenteraient ces examens répétés, ces cancers d'intervalle sont ratés par le dépistage car ils sont très véloces. "Certains cancers sont agressifs d’emblée parce qu’ils ont, dès leur naissance, des caractéristiques biologiques péjoratives." Le temps n'est pas corrélé à la taille ; petit ne veut pas dire pris tôt et gros ne veut pas dire pris tard ! "Un petit cancer peut déjà être péjoratif ". La plupart des formes de cancers, estime Cécile Bour, "seront symptomatiques assez tôt pour que le patient soit pris en charge et intègre le parcours de soin anti-cancéreux ».
Irradiation, fausses alertes et surdiagnostics
Pour Cécile Bour, la pratique généralisée du dépistage pose plusieurs problèmes : "Ce qui saute finalement aux yeux ce sont, d’une part les fausses alertes (il s’agit de suspicions de cancers qui ne se vérifient pas, mais cela après des examens complémentaires -générateurs de stress- tels que la biopsie) et le phénomène de surdiagnostics d’autre part !" Vrai diagnostic de cancer, le surdiagnostic consiste à identifier la présence d’un cancer qui ne mettra pas en danger la santé et la vie de la femme. C’est que nous fabriquons constamment des « micro-cancers » qui n’évolueront jamais et dont la détection ne présente que peu d’intérêt. "Or, ce que les femmes ne savent pas, c’est que dès lors que vous dépistez et qu'une lésion est détectée, elle sera traitée." Car toute image visible de lésion cancéreuse implique ensuite de se soumettre aux traitements conventionnels d'intervention chirurgicale, de chimio et/ou de radiothérapie. "Lorsque vous procédez à un dépistage mammographique, s’insurge Cécile Bour, vous souscrivez en réalité un contrat impliquant que vous acceptez les traitements anti-cancéreux qui en découlent." Et pour cause, la médecine ne dispose pas des moyens de prédire l’évolution des lésions cancéreuses de bas grades et soumet donc parfois les femmes à des traitements "inutiles" (surtraitements). On a donc un excès de détection et de traitements chez les femmes dépistées sans réduction significative de la mortalité par rapport aux femmes non dépistées. "Dans plusieurs pays, des essais cliniques sont actuellement en cours pour tester la surveillance active de carcinome in situ (cancer de très bas grade et de très bon pronostic, qui pourrait ne pas évoluer) et évaluer la possibilité de ne pas intervenir, mais en France, nous ne disposons pas de cette alternative."
Par ailleurs, en 2002, le Centre International de Recherche sur le Cancer a réuni à Lyon un groupe de 24 experts issus de 11 pays différents. D’après leurs observations, il n'est pas justifié de remettre en cause l'efficacité du dépistage du cancer du sein par mammographie chez les femmes de 50 à 69 ans. Pour eux, cet examen permettrait de réduire la mortalité des femmes d'environ 35 %. Les conclusions d'un congrès ayant eu lieu en juin 2002 à l'Institut Européen d'Oncologie ainsi que le rapport de l'ANAES (agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé) publié en 2004 pointent également l’efficacité des campagnes de dépistage systématique dans la réduction significative de mortalité par cancer du sein.
Distinguer la mammo de dépistage et de diagnostique
Alors que la polémique gronde, Cécile Bour estime, quant à elle, qu’il est impératif de faire la différence entre une mammographie de dépistage qui s’adresse au tout venant et donc aux femmes à priori en bonne santé et une mammographie de diagnostic : "La mammographie de dépistage n'empêche pas de mourir du cancer du sein ou de connaître une forme grave, mais peut projeter plus probablement une femme dans un parcours de malade qu'elle n'aurait pas connu sans le dépistage. Il faut que les femmes soient également informées des méfaits et des failles du dépistage. En revanche, la mammographie de diagnostique a toute son utilité !" Pour la radiologue, loin d’une méthode de prévention, la mammographie n’est donc qu’un outil dont il faut évidemment se servir en cas de symptômes. Et elle aime à le rappeler, symptôme égale consultation !
L'autopalpation, essentielle
Et au suivi médical régulier, pourquoi ne pas ajouter "l’autopalpation de temps en temps, lors de la première phase de cycle par exemple" à pratiquer sous la douche, les mains savonneuses avant de s’observer dans la glace pour vérifier qu’il n’y a pas de signes visibles : en particulier, une déformation du sein, une grosseur dans le sein ou l’aisselle, un écoulement du mamelon ou encore une inflammation.
Pour en savoir plus : Mammo ou pas mammo ? Cécile Bour, Editions Thierry Souccar, Août 2021.
- Interview de Cécile Bour, radiologue
- Assemblée nationale
- Haute autorité de santé