Néo-paysan : un métier d’avenir qui prône un retour à la terre en agroécologie
Vous habitez en ville, souffrez du stress, n’êtes pas pleinement satisfait professionnellement et manquez de motivation ? Vous êtes en recherche d'orientation, en quête de sens ? Vous souhaitez faire votre retour à la terre ? Vous souffrez peut-être des symptômes qui vous amèneront à devenir néo-paysan.
Le métier de néo-paysan est destiné à ceux et celles qui, après une première vie en dehors de l’agriculture, ressentent l’appel de la terre sans oser franchir le pas ou sont décidés à devenir paysans dans le respect des hommes, des animaux, des plantes et de la planète, en accord avec le bon sens et les principes de la permaculture.
“Néo-paysans, le guide (très) pratique” est le premier ouvrage de l’association Neo-Agri, écrit par Sidney Flament-Ortun et Bruno Macias qui sont respectivement ingénieure agronome spécialisée en agroécologie paysanne et santé publique et ingénieur généraliste spécialisé en innovation et biomimétique. Très bien illustré et rempli de témoignages, l’ouvrage explique ce phénomène et accompagne en détail dans les étapes de l’installation en agroécologie paysanne. Nous avons pu nous entretenir avec les auteurs qui nous éclairent un peu plus sur la vision et le rôle du néo-paysan.
Le phénomène des néo-paysans est-il nouveau ? Que démontre-t-il ?
Tout d’abord, il est important de définir les termes. Pour nous, les néo-paysans sont ceux qui après avoir eu une expérience professionnelle dans un autre domaine, décident de changer de vie pour s’installer en agroécologie. Bien évidemment cette catégorie regroupe des citadins totalement étrangers au monde agricole, des ruraux non fils/filles d’agriculteurs, mais également des personnes avec un lien familial à l’agriculture ayant étudié et travaillé quelques années loin de l’agriculture avant de décider de devenir paysans et de développer un modèle agroécologique comme une route alternative pour rentrer dans le circuit de l’alimentation et promouvoir aussi bien la durabilité sociale qu’environnementale.
Plus qu’une simple profession, les néo-paysans recherchent un nouveau mode de vie et le phénomène des néo-paysans n’est pas nouveau. Néanmoins, nous assistons ces dernières années à une augmentation des cas et surtout à une plus grande médiatisation de ces parcours qui interpellent. Quitter un CDI de cadre pour devenir agriculteur ou plutôt paysan, celui qui cultive la terre, nourrit la population locale et sculpte le paysage, voilà une démarche qui peut surprendre. Pourtant de nombreux jeunes et moins jeunes franchissent le pas chaque année. Leur profil est très varié et il est difficile d’en dresser un portrait-robot, ils viennent de tout horizon et avec des motivations multiples. Ces néo-paysans s’installent plus tard que la relève directe familiale ; ils le font souvent après la trentaine. Certains ont alors eu le temps d’être déçus par le monde du travail (manque de reconnaissance, sensation de faire un travail peu utile, peu de stimulation, licenciement abusif, …) et surtout d’asseoir leur envie d’être acteurs du changement, de retourner aux choses essentielles et principalement de s’épanouir dans leur quotidien et de mener un projet professionnel qui ait du sens pour eux.
Le phénomène des néo-paysans est-il nouveau ? Que démontre-t-il ?
Tout d’abord, il est important de définir les termes. Pour nous, les néo-paysans sont ceux qui après avoir eu une expérience professionnelle dans un autre domaine, décident de changer de vie pour s’installer en agroécologie. Bien évidemment cette catégorie regroupe des citadins totalement étrangers au monde agricole, des ruraux non fils/filles d’agriculteurs, mais également des personnes avec un lien familial à l’agriculture ayant étudié et travaillé quelques années loin de l’agriculture avant de décider de devenir paysans et de développer un modèle agroécologique comme une route alternative pour rentrer dans le circuit de l’alimentation et promouvoir aussi bien la durabilité sociale qu’environnementale.
Estimez-vous qu’il y a suffisamment d’agriculteurs en France, le plus vieux métier du monde ?
Il est essentiel de permettre à plus de personnes de s’installer si nous voulons une agriculture plus respectueuse de l’environnement, de faciliter l’installation de ceux qui sont impatients de faire leur part dans le changement de modèle agricole, de système alimentaire et même de paradigme.
Il y a aujourd’hui un réel problème de renouvellement générationnel dans le monde agricole. Plus de 200 fermes disparaissent chaque semaine en France, 29% des fermes ont disparu entre 2000 et 2013. Ce phénomène, qui concerne tous les pays d’Europe, n’est pas près de s’arrêter puisqu’en 2013, 39 % des fermiers français avaient plus de 55 ans pour seulement 9 % de moins de 35 ans. Ce n’est pas faute de repreneurs potentiels mais la concurrence pour les terres qui se libèrent est féroce entre ceux qui souhaitent s’installer, ceux qui souhaitent s’agrandir et les projets d’artificialisation du sol (construction de lotissement, parkings, centres commerciaux...).
Pourquoi le néo-paysan est-il forcément attaché à l’agroécologie ?
Dans la définition que nous utilisons les néo-paysans sont attachés à l’agroécologie. Ils se tournent vers celle-ci à la fois pour sa dimension pratique mais aussi pour sa dimension sociale. L’agroécologie revêt de multiples formes et définitions qui ont toutes pour point commun de prôner une agriculture non plus intensive en produits chimiques et en énergie, mais intensive en savoir et en capacités à valoriser l'ensemble des ressources naturelles d'un écosystème sans en altérer le renouvellement. Une agriculture basée sur ses aptitudes à obtenir une production diversifiée intégrée dans un territoire. L’agroécologie est à la fois l’étude, la conception et la gestion d’agrosystèmes qui sont productifs, en cohérence avec la culture locale, socialement justes, économiquement viables et conservent les milieux et leurs ressources.
D’un point de vue pratique, l’agroécologie combine l’observation des systèmes traditionnels, l’utilisation des savoirs locaux de conduite d’une ferme et la science moderne. La gestion de la fertilité et de la santé des plantes sont essentiellement basées sur les interactions biologiques au sein même de l’écosystème de la culture (apport de compost, plantes et insectes auxiliaires pour réguler les populations de ravageurs…) plutôt que sur l’usage d’intrants externes tels que les pesticides et les fertilisants chimiques. Les techniques culturales issues des principes agroécologiques se retrouvent dans l’agriculture biologique, la biodynamie, les principes de la permaculture, etc, qui emploient entre autres les techniques de l’agroforesterie, la lutte biologique, les cultures associées et la gestion mixte culture/élevage.
Les consommateurs doivent-ils reconquérir l’agriculture pour mieux se nourrir ?
Le consommateur n’a pas besoin de reconquérir l’agriculture avec ses mains pour mieux se nourrir. Il doit avant tout prendre conscience de son pouvoir, de l’importance de l’acte d’achat. En passant de simple acheteur à consom’acteur, il peut soutenir un système dans lequel des agriculteurs, plus nombreux et mieux rémunérés qu’aujourd’hui, pourront prendre le temps de cultiver des aliments sains de manière respectueuse de l’environnement, de l’humain et de la santé.
Pourquoi parle-t-on de néo-paysan et pas de néo-agriculteur ou néo-exploitant agricole ?
Nous parlons de néo-paysans car ces jeunes et moins jeunes qui changent de voie se tournent le plus souvent vers une agriculture proche de la nature dans une logique de prendre soin de l’environnement, de la biodiversité et de l’humain. Lorsque nous interrogeons ces néo-paysans sur leurs motivations et aspirations, nombreux sont ceux qui souhaitent avant tout travailler en collaboration avec la nature, ils ne se reconnaissent pas dans le terme “exploitant agricole” et préfèrent dire qu’ils cultivent la terre et non qu’ils l’exploitent pour en tirer simplement de l’argent. Ils tiennent à avoir un impact positif sur le paysage, à augmenter la fertilité du sol, à enrichir la biodiversité, à « aggrader » leur environnement, tout ceci en accord avec les principes de la permaculture.
Quels sont vos conseils de base pour devenir néo-paysan ? Des réflexions à avoir, des livres à livre (en plus du vôtre), des activités à pratiquer, des rencontres à faire, etc.
Le parcours pour devenir néo-paysan est très long et semé d'embûches. Pour réussir son installation nous recommandons tout d’abord de ne pas se précipiter avant d’avoir exploré plus profondément la chose. Il est important de se former, de lire, de se documenter mais aussi indispensable de passer du temps sur le terrain afin de rencontrer des gens étant passés par là, de visiter des fermes ressemblant à celle que l’on souhaite construire et surtout de tester l’activité en faisant des stages ou du WWOOFing. Cette étape est clé afin de se confronter à la réalité du métier avant de se lancer, afin d’en appréhender au mieux toutes les facettes et ne pas démarrer avec une conception trop idéalisée de la vie agricole.
Un autre point important à l’heure de construire son projet de ferme est de bien vérifier sa viabilité, car s’il n’est pas viable sur le papier il y a peu de chance pour qu’il le soit dans la vie réelle. C’est pour cela qu’il est indispensable de se confronter à des cas réels et d’avoir des ordres de grandeur réalistes en tête.
On peut lire dans votre livre : “Comme beaucoup d’agriculteurs nous l’ont confié, une fois que vous faites ce que vous aimez tous les jours, vous n’avez plus l’impression de travailler et donc vous n’avez quasiment plus besoin de vacances.” La vie du néo-paysan est-elle facile, agréable et bucolique ? Est-ce plus important de rester les pieds sur terre ou d’avoir la tête dans les étoiles ?
La vie de néo-paysan est loin d’être facile tous les jours, mais pour ceux qui l’ont choisie, elle est bien plus épanouissante que leur vie d’avant. Une agricultrice que nous avons interviewée nous confiait « Je vis au rythme des saisons, je suis au contact de la nature, je travaille pour moi et en ayant la satisfaction de suivre toute la chaîne de la fourche à l’assiette, je vois le résultat de mes efforts de A à Z, je suis en contact avec le consommateur final et j’ai la sensation de faire quelque chose de bien avec du sens…le tout en pouvant passer bien plus de temps avec mes enfants parce que je vis où je travaille ». Pour autant, une ferme doit être à la fois économiquement viable et vivable et dans cette logique, il faudra faire face à de nombreuses problématiques et travailler de longues heures. C’est un métier exigeant, trop peu rémunéré par rapport à son importance et à la quantité de travail nécessaire, mais qui permet d’être en accord avec ses valeurs et sa passion. En ce sens, il est important de garder les pieds sur terre pour construire un projet pérenne tout en gardant la tête dans les étoiles pour garder sa motivation et en tirer du plaisir.
Illustrations : Marisa Ortún ©
“Néo-paysans, le guide (très) pratique. Toutes les étapes de l'installation en agroécologie”
Auteurs : Sidney Flament-Ortun et Bruno Macias
Editeur : Editions France Agricole
Prix public: 29€
Plus d'infos sur neo-agri.org